Dix ans après le séisme, la colère d'Ai Weiwei face aux "mensonges" de Pékin

Auteur:
 
Par Hui Min NEO - Berlin (AFP)
Publié le 09 mai 2018 - 13:43
Image
L'artiste chinois Ai Weiwei le 24 avril 2018 à Vienne
Crédits
© GEORG HOCHMUTH / APA/AFP/Archives
L'artiste chinois Ai Weiwei le 24 avril 2018 à Vienne
© GEORG HOCHMUTH / APA/AFP/Archives

Dix ans après le séisme meurtrier dans la province chinoise du Sichuan, l'artiste dissident Ai Weiwei est toujours aussi "furieux" face aux "mensonges et la corruption" que cette catastrophe a mis en évidence.

"Nous n'aurons jamais de réponse claire. Depuis que le régime communiste a été mis en place, la vérité n'a jamais été révélée sur les grands événements historiques", assure l'artiste d'avant-garde, dans un entretien en chinois accordé à l'AFP dans son studio à Berlin où il vit désormais.

Cet artiste polyvalent de 60 ans dénonce tout particulièrement les silences de Pékin après le séisme de magnitude 7,9 qui a ravagé le 12 mai 2008 la province du Sichuan (sud-ouest), faisant 87.000 morts et disparus.

Parmi les morts, des milliers d'enfants sous les décombres de quelque 7.000 écoles qui se sont effondrées. Or, pour de nombreux parents, si ces bâtiments se sont écroulés comme des châteaux de cartes, c'est avant tout par la faute de dirigeants corrompus qui les ont laissé bâtir en fermant les yeux sur la qualité de la construction.

- "Rien n'a changé" -

"Bien sûr que je suis toujours furieux. Rien n'a changé dans ce domaine. Qu'il s'agisse des droits et de la dignité du peuple, des responsabilités, des mensonges et de la corruption du gouvernement", critique-t-il.

Il a fallu attendre mai 2009 -un an donc- pour que Pékin publie un bilan officiel de 5.335 enfants tués, un chiffre inférieur à des évaluations données auparavant par des médias chinois. Par ailleurs, les résultats d'une enquête sur l'état des écoles concernées n'ont jamais été publiés.

Peu après le tremblement de terre, Ai Weiwei, comme d'autres volontaires, s'est rendu au Sichuan pour participer aux secours, puis a commencé à enquêter sur ces "bâtiments en tofu", avant de se décider à dénoncer la manière dont "le régime, qui s'est autoproclamé parti du peuple, se préoccupe de la souffrance du peuple".

L'artiste, à la fois peintre, sculpteur et plasticien, a payé cher le prix de cet engagement.

Il a été frappé par la police qui l'a empêché de témoigner lors du procès d'un autre militant, Tan Zuoren, qui avait aussi enquêté sur les écoles mal construites. Ai Weiwei, emprisonné 81 jours en 2011, a aussi été privé de passeport pendant quatre ans.

- Chercher la vérité -

En 2010, il a subi une intervention chirurgicale en Allemagne en raison d'un caillot de sang à la tête, conséquence, selon lui, de coups portés par les policiers.

"Tout ceci était lié à notre exigence de vérité, notre exigence d'enquête sur la liste des écoliers morts, notre insistance pour que le gouvernement nous dise comment les bâtiments avaient été construits", poursuit-il.

"Le gouvernement a le devoir de fournir des informations", juge l'artiste, mais "si l'on pose ces questions et qu'on se fait frapper et même enfermer, comment ne pas être choqué? Plus que choqué. Choqué est trop faible. Furieux".

Malgré la vague de colère et de protestations qui a suivi le tremblement de terre, Ai Weiwei assure que les autorités chinoises ne changeront jamais d'approche.

Si une nouvelle catastrophe se produisait, "le gouvernement n'agirait pas différemment", selon lui. "Il ne peut pas changer" car "dissimuler la vérité est une condition sine qua non de la survie d'un régime autoritaire", selon lui.

Ai Weiwei, qui s'est consacré depuis 2015 aux réfugiés arrivant en Europe, n'a en tout cas aucun regret: "Je n'ai pas fait de sacrifices, j'ai fait ce que je devais faire, ce que chacun devrait faire".

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.