En Autriche, les Pères fouettards chassent en meute

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Par AFP
Publié le 07 décembre 2017 - 08:56
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Un participant à un défilé "Krampus" à Schwadorf, le 24 novembre 2017 en Autriche
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© ALEX HALADA / AFP
Un participant à un défilé "Krampus" à Schwadorf, le 24 novembre 2017 en Autriche
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Au coeur de l'hiver, ce ne sont ni un, ni deux Pères fouettards qui hantent les rues d'Autriche la nuit, mais de véritables hordes: malgré des dérapages parfois violents, la mode des défilés de monstres prend une ampleur inédite au pays de Sissi.

Ils sont littéralement terrifiants avec leurs yeux injectés de sang, leurs cornes interminables, leurs pelages démoniaques et leurs cloches lugubres: ce soir-là à Schwadorf, près de Vienne, ce n'est pas seulement le froid qui fait frissonner le public.

Plusieurs centaines de personnes sont venues assister à un "Krampuslauf", un défilé de Pères fouettards, où plus de 60 créatures de cauchemar déambulent à travers la ville en défiant petits et grands.

"Nous faisons prospérer la tradition qui consiste à chasser les mauvais esprits en les épouvantant", explique le fouet à la main Ernst Eigner, un participant au défilé.

Comme des milliers d'Autrichiens chaque hiver, ce paisible gestionnaire de biens a abandonné son costume-cravate pour enfiler le temps d'une soirée un déguisement diabolique, mi-bouc mi-zombie.

"On fait en sorte d'avoir l'air cruels, mais nos fouets sont en simple crin de cheval. Les gens ne sentent pratiquement rien quand on les frappe", assure-t-il.

A Schwadorf, l'ambiance reste en effet bon enfant, et à part une fillette en larmes, l'assistance passe du bon temps.

- Etres hybrides -

Ces dernières années, le "Krampus" est devenu un véritable fait de société en Autriche. Il est loin le temps où le Père fouettard se contentait d'accompagner Saint-Nicolas de foyer en foyer pour "punir" les enfants dissipés, note l'ethnologue Helga Maria Wolf pour l'AFP.

Cette figure popularisée au 16e siècle s'est notamment agglomérée dans la pratique actuelle aux "Perchten", esprits bénéfiques et maléfiques chargés de chasser l'hiver, une tradition probablement d'origine païenne qui s'est maintenue dans certaines vallées alpines, comme à Gastein près de Salzbourg.

Les Krampus et les Perchten ont ainsi fusionné en "êtres hybrides" incorporant aussi des influences allant des films d'horreur au heavy metal, observe Mme Wolf.

L'ampleur prise par le sujet, avec quelque 850 groupes et 10.000 "Krampus" et autres "Perchten" recensés à travers le pays, contraint les autorités à redoubler d'attention pour éviter les dérapages.

Les incidents restent fréquents, l'anonymat conféré par les masques - et souvent l'alcool - étant propice aux bagarres voire aux agressions sexuelles, comme celle subie récemment par une jeune femme à Zell bei Ebenthal, dans le sud du pays.

Craignant pour leur réputation, des représentants d'associations ont d'ailleurs manifesté (à visage découvert) fin novembre à Klagenfurt, en Carinthie, pour dénoncer tout amalgame avec des "cas isolés".

La place prise par cette tradition a conduit le Parlement à exempter les défilés de monstres des dispositions d'une loi très stricte interdisant de se couvrir le visage, entrée en vigueur en octobre sur fond de menace terroriste.

- 'Contrepoids à la mondialisation' -

La mode des Krampus s'inscrit dans un contexte de retour en vogue des particularités régionales, très marqué en Autriche et caractérisé notamment par la mode de la Lederhose, la culotte de cuir, y compris chez les jeunes.

"On observe ce retour aux racines non seulement pour les coutumes, mais aussi pour les parlers locaux ou les appellations d'origine. C'est un contrepoids à la mondialisation, même si le phénomène s'est amorcé dès les années 1970", analyse l'ethnologue.

Avec leur caractère transgressif et ludique, les Krampus s'inscrivent aussi dans la très contemporaine "culture de l'amusement et de la fête", qu'ils pimentent du "plaisir d'avoir peur", note-t-elle.

Loin de la simple fête de village, les défilés peuvent devenir de véritables shows commerciaux, comme à Schladming, dans le centre du pays, où quelque 8.000 spectateurs déboursent jusqu'à 15 euros chacun pour admirer pas moins de 800 monstres.

A l'inverse, certains Autrichiens développent un véritable "traumatisme du Krampus" au point de redouter la saison hivernale, relève la thérapeute Andrea Hammerer. "Le bruit des cloches pénètre directement dans l'inconscient", souligne cette praticienne qui anime chaque année près de Salzbourg un séminaire pour aider ses patients à "surmonter leur peur" de ces monstres.

Un souci que n'a pas eu Lukas, 13 ans, un jeune Krampus de Schwadorf. "Quand j'étais petit, j'avais un peu peur", confie-t-il. "Mais ensuite, j'en suis devenu un."

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