En Espagne, les féministes face à la contre-attaque de l'extrême droite

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Par Adrien VICENTE - Madrid (AFP)
Publié le 11 janvier 2019 - 07:45
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Manifestation contre la violence faites aux femmes, le 25 novembre 2018 à Barcelone, en Espagne
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© Josep LAGO / AFP/Archives
Manifestation contre la violence faites aux femmes, le 25 novembre 2018 à Barcelone, en Espagne
© Josep LAGO / AFP/Archives

Après une année de mobilisation massive, le puissant mouvement féministe espagnol subit un retour de bâton avec l'émergence du parti d'extrême droite Vox qui remet en question les mesures contre la violence faite aux femmes, cause nationale dans le pays.

"Ce qu'ils portent, c'est un coup d'arrêt brutal aux avancées des femmes. Nous ne ferons pas un pas en arrière !", fulminait mercredi Ana Maria Pérez del Campo, figure historique du féminisme espagnol.

Plusieurs associations féministes ont annoncé une série de mobilisations contre ce parti entré pour la première fois dans un parlement régional après les élections du 2 décembre en Andalousie.

Décisif pour faire investir le candidat du Parti populaire (PP, droite) Juan Manuel Moreno à la tête de la région, Vox lui a posé comme première exigence l'abandon de mesures contre la violence faite aux femmes qu'il juge "idéologiques" et "discriminatoires" envers les hommes.

Cette condition, qui a suscité une large indignation, n'a finalement pas été incluse dans l'accord d'investiture conclu entre le PP et Vox.

Mais pour Maria Silvestre, sociologue de l'université Deusto de Bilbao, Vox a ainsi envoyé le message "si vous ne votez pas avec moi, on verra clairement que la droite qui veut faire changer les choses, c'est moi", dit-elle à l'AFP.

Plus globalement, Vox réclame dans son programme national l'exclusion des IVG du système de santé publique, la suppression des quotas paritaires sur les listes électorales et des "organismes féministes radicaux subventionnés", l'allongement des congés maternité et l'augmentation des allocations familiales pour les mères.

- L'Espagne pionnière -

Avant sa remise en cause par Vox, la lutte contre les violences sexistes, cause nationale, faisait consensus en Espagne: la loi pionnière contre ce phénomène qui tue, selon les statistiques officielles, environ 50 femmes par an -47 en 2018- avait été adoptée en 2004 à l'unanimité par le parlement.

Chaque meurtre de femme par son conjoint ou ex-conjoint est largement couvert dans les médias et condamné par la classe politique.

"Ils ont réussi à faire en sorte que quelque chose qui ne se discutait pas soit à nouveau débattu", observe Silvia Claveria, politologue spécialiste du féminisme à l'université Carlos III de Madrid interrogée par l'AFP.

"Toutes les avancées des dernières années, (...) ils les renversent, parce qu'avec quatre affirmations qui sont des mensonges, Vox sait que ça prend, qu'il y a un public pour ça", estime Maria Silvestre.

"Clairement, je crois que c'est une réaction à l'action, et à l'écho, qu'a eu le mouvement féministe", dit-elle, citant la grève pour l'égalité lors de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, très largement suivie.

L'année 2018 a en effet vu les Espagnoles se mobiliser massivement pour les droits des femmes, dans le sillage du mouvement #MeToo, tandis que le socialiste Pedro Sanchez a formé début juin le gouvernement le plus féminin de l'histoire du pays, avec 11 femmes sur 17 ministres.

Des dizaines de milliers de femmes sont également sorties dans les rues, indignées par la condamnation, jugée trop clémente, de cinq Sévillans surnommés "la Meute" à neuf ans de prison pour avoir abusé en groupe d'une jeune femme en filmant leurs actes. Un tribunal a décidé début janvier de les laisser en liberté conditionnelle.

Une nouvelle affaire comparée à la "Meute" a éclaté ces derniers jours avec l'arrestation de quatre personnes soupçonnées d'agression sexuelle en groupe sur une jeune femme la nuit du Nouvel An.

- Vent antiféministe? -

"Chaque fois qu'il y a eu des avancées dans la conquête des droits des femmes, il y a une réaction patriarcale importante", affirme l'élue socialiste et présidente de la Fédération des femmes progressistes Yolanda Besteiro, citant les manifestations de la droite catholique en 2010 contre la loi assouplissant les conditions d'accès à l'avortement.

Pour Silvia Claveria, le mouvement antiféministe représenté par Vox est néanmoins différent de celui qui avait aussi défilé en 2004 contre la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe.

C'est selon elle un "sexisme plus +moderne+, dans le sens où on considère que les hommes et les femmes sont déjà égaux. Et comme ils sont déjà égaux, il faut leur appliquer les mêmes mesures".

Mais "il n'y a pas non plus tant de gens qui ont envie de ça", veut-elle croire.

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