En Israël, le cannabis s'invite dans le débat électoral

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Par Clothilde MRAFFKO - Tel-Aviv (AFP)
Publié le 04 avril 2019 - 13:07
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Un partisan de Moshe Feigling, chef du parti d'extrême droite Zehout, fume un faux joint lors d'une réunion le 2 avril 2019 à Tel-Aviv, en Israël
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© JACK GUEZ / AFP
Un partisan de Moshe Feigling, chef du parti d'extrême droite Zehout, fume un faux joint lors d'une réunion le 2 avril 2019 à Tel-Aviv, en Israël
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Aux terrasses ou sur les plages de Tel-Aviv, le promeneur distrait est souvent saisi par des effluves de cannabis, un parfum si reconnaissable qui s'est désormais invité dans la campagne électorale israélienne.

Kippa sur la tête et lunettes fines, Moshe Feiglin n'est pas étranger au fait que les candidats aux législatives du 9 avril se disputent les faveurs des fumeurs de joints.

Alors que règne l'incertitude sur l'issue, ce candidat, dont la liste Zehout" ("Identité") est créditée par les sondages de cinq à sept sièges sur 120 au parlement, a fait de la légalisation du cannabis la condition de sa participation à une coalition gouvernementale.

C'est un rôle inattendu de possible "faiseur de roi" qui échoit à un homme plus connu jusqu'alors pour des positions très droitières.

A ceux qui l'accusent d'instrumentaliser la légalisation du cannabis, M. Feiglin, 56 ans, réplique: "Même si c'est vrai, où est le problème ?"

Depuis plus d'une décennie, cultiver du cannabis à usage médical est légal en Israël mais la production et la consommation sont strictement encadrées.

M. Feiglin dénonce la collusion selon lui entre les pouvoirs politiques et financiers pour assurer un monopole sur la production de la marijuana.

- "Société conservatrice" -

La légalisation participe de ses vues libertariennes sur la société, qui forment dans son programme un singulier mélange avec des idées ultra-nationalistes, comme l'annexion de la Cisjordanie occupée par Israël, si possible en la vidant des Palestiniens. Sur sa liste se côtoient religieux et avocats de l'ultra-libéralisme économique.

Sentant l'engouement autour de la question du cannabis, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a expliqué qu'il allait "étudier" la question de la légalisation du cannabis, "et peut-être y aura-t-il une réponse positive".

Meretz, parti de gauche, revendique de son côté avoir été le premier à réclamer une légalisation totale du cannabis.

Sourire aux lèvres, Oren Leibowitz, à la tête d'Ale Yarok, le parti de la Feuille verte, dont l'un des principaux objectifs est de légaliser le cannabis, dit qu'il n'aurait "même pas rêvé" d'un tel intérêt aux élections.

"27% des Israéliens disent avoir déjà fumé dans l'année et 71% sont pour la légalisation", assure-t-il à une terrasse de Tel-Aviv.

Certes la législation sur la consommation vient d'être assouplie et, depuis avril, les Israéliens surpris à consommer n'écoperont les deux premières fois que d'une amende, sans inscription au casier judiciaire.

Mais à présent, la légalisation totale est à portée de main, dit Oren Leibowitz. Quatre partis au moins la soutiennent et seuls les partis religieux et arabes y sont totalement opposés, décompte-t-il.

Cette fois-ci, il a décidé de se retirer des élections "afin que les autres partis se battent pour nos électeurs", estimés à environ 50.000 personnes selon lui.

Le professeur Raphaël Mechoulam, qui a lancé l'utilisation du cannabis en médecine, est plus sceptique: "La société israélienne est conservatrice, je ne crois pas que ce sera légalisé".

"Le cannabis médical et la légalisation sont deux problèmes totalement différents", poursuit-il, rappelant que seuls quelques praticiens sont autorisés à prescrire la marijuana à usage médical.

- "Tous malades" -

"C'est une question politique", juge Hagai Hillman, fondateur et dirigeant de B.O.L Pharma, société pharmaceutique qui distribue du cannabis thérapeutique. Lui affirme qu'il n'investira jamais hors du cannabis médical: c'est "une drogue dangereuse".

A Tel-Aviv, une centaine de curieux patientent en tirant sur un pétard ou en distribuant des tracts avant d'écouter des représentants de plusieurs partis venus défendre leur programme sur le cannabis.

"J'hésite entre Meretz et Zehout", admet Eran Shalev, un instituteur de 37 ans, en référence à deux formations qui sont aux extrêmes sur le spectre politique.

Parmi la foule, reconnaissable à son haut de forme rouge vif planté d'une fausse feuille de cannabis, Gadi Wilcherski, célèbre personnage de stand-up qui se veut la caricature du fumeur de joints, enchaîne les selfies. Il est sur la liste de M. Feiglin tout en avouant ignorer les autres points de son programme.

"Nos enfants passent une partie de leur temps dans les abris anti-bombardements puis font l'armée, vous ne pouvez pas attendre de ce pays qu'il soit en bonne santé mentale", glisse-t-il, "nous sommes malades, tous. Le cannabis est le meilleur remède".

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