En Jordanie, des initiatives grand public pour lutter contre la drogue

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Par Kamal TAHA - Amman (AFP)
Publié le 19 mars 2019 - 10:38
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Deux jeunes gens dans un centre de désintoxication, à Amman, le 7 janvier 2019
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© Khalil MAZRAAWI / AFP
Deux jeunes gens dans un centre de désintoxication, à Amman, le 7 janvier 2019
© Khalil MAZRAAWI / AFP

En pleurs, Issam raconte longuement sa vie de toxicomane à une heure de grande écoute à la radio: en Jordanie, où les problèmes de drogues sont tabous, des initiatives publiques ont vu le jour pour lutter contre ce fléau.

"Non aux drogues", "les jeunes sont plus forts": tels sont les mots d'ordre de la campagne menée ces dernières années par les autorités du royaume pour sensibiliser les citoyens aux dangers de la consommation de drogues, en augmentation, notamment chez les 17-28 ans.

Via les réseaux sociaux ou les médias traditionnels, c'est la Sûreté générale qui pilote la prévention dans ce pays musulman où toutes les drogues sont considérées comme illicites et les consommateurs stigmatisés.

Tous les mardis, l'émission "Non aux drogues" diffusée par la radio de la Sûreté générale et présentée par le commandant Anas al-Tantaoui, donne la parole à d'anciens toxicomanes.

"Les drogues ont conduit à ma marginalisation (...) Plus personne ne me respecte", confie à l'antenne Issam.

"J'en suis arrivé à vendre mes meubles et les boucles d'oreille en or de ma fille de cinq ans pour acheter de la drogue", poursuit-il, avant d'avouer avoir tenté de mettre fin à ses jours à deux reprises.

"Le plus important, c'est que la personne se repente et ne retourne pas vers les drogues", explique le commandant Tantaoui, pour qui la société doit se montrer solidaire envers ces "victimes".

Les autorités listent comme les drogues les plus utilisées le haschich, le captagon, l'héroïne et la cocaïne, sans donner leur pays de provenance.

Selon elles, près de 20.000 personnes ont été arrêtées en 2018 dans le royaume pour "consommation abusive de drogues".

- Regard de la société -

Les cas de drogue ont connu "une hausse de 32%" sur un an, relève auprès de l'AFP le directeur du département de lutte anti-drogues, le général de brigade Anwar al-Tarwaneh.

Pour Jamal Al-Anani, psychiatre spécialiste des addictions, les principales causes qui conduisent les jeunes à la drogue sont "la curiosité, le manque de maturité et le stress".

En Jordanie, pays de plus de neuf millions d'habitants, le trafic de drogues est passible de trois à 20 ans de prison et la consommation ou possession de trois années d'emprisonnement.

Une loi adoptée en 2016 dispense cependant de peine de prison ceux qui acceptent de suivre des soins dans un centre de désintoxication de la Sûreté.

Dans le même temps, les drogués sont toujours mal vus par une bonne partie de la société.

"Les drogues font partie (...) des vices qui affectent l'esprit, l'âme, les finances et la santé", dit à l'AFP un prédicateur connu pour ses vidéos sur YouTube, Raed Sabri.

Toutefois, il appelle à aider "les repentants, à les soigner et à ne pas les marginaliser", pour qu'ils puissent redevenir "des membres actifs de la société".

Cible privilégiée des campagnes de sensibilisation: les jeunes. Selon le département de lutte anti-drogues, 47% des consommateurs sont âgés de 18 à 27 ans.

"Avec cette campagne, nous essayons d'intensifier la sensibilisation par des moyens modernes", argue le Anwar al-Tarwaneh, dont le département organise notamment des conférences et ateliers dans les écoles, les universités et auprès de la société civile.

- "Un monstre" -

A Amman, la Sûreté dispose d'un centre de désintoxication avec 170 lits.

Les murs sont tapissés de messages tels que "la drogue est un monstre, ne vous en approchez pas" ou les "drogues font perdre de l'argent".

Selon son directeur Fawaz al-Massaid, le traitement d'un à deux mois comprend trois étapes: le sevrage, un traitement adapté et la réinsertion. Après avoir quitté le centre, le patient doit effectuer durant quatre mois des visites de contrôle.

Père de quatre enfants, Amer explique être venu dans ce centre après avoir été encouragé par sa mère, qui avait vu la campagne gouvernementale.

Il y a 14 ans, déprimé, il a commencé à consommer des drogues après s'être vu offrir "une cigarette" par un ami qui lui a dit: "prends ça (...), tu te sentiras mieux".

"Quand j'en ai demandé une deuxième, je me suis aperçu que c'était du cannabis".

Il raconte être devenu dépendant alors qu'il avait à peine 18 ans.

"J'ai perdu 27 kilos, mon travail. Ma vie sociale s'est détériorée, j'ai dépensé tout mon argent dans la drogue", énumère Amer, l'air accablé.

Il affirme toutefois avoir repris espoir depuis le début de ses soins: "Je me sens mieux. J'espère retrouver mes forces et commencer une nouvelle vie".

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