En Russie, les enfants en uniforme de la Deuxième guerre mondiale ne font pas l'unanimité

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Par Anna MALPAS - Moscou (AFP)
Publié le 09 mai 2019 - 18:35
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De nombreux anfants russes portent des copies d'uniformes de la Seconde guerre mondiale à l'occasion de l'anniversaire de la Victoire, le 9 mai
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© OLGA MALTSEVA / AFP
De nombreux anfants russes portent des copies d'uniformes de la Seconde guerre mondiale à l'occasion de l'anniversaire de la Victoire, le 9 mai
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Lorsque les employés de la maternelle ont annoncé à Lioubov Sobol que sa fille de cinq ans devait revêtir un uniforme militaire miniature à l'occasion du 74e anniversaire de la victoire de l'Union soviétique sur l'Allemagne nazie, elle s'est sentie choquée et en colère.

Mais déguiser les enfants en soldats soviétiques pour le 9 mai est devenu de plus en plus courant en Russie sous le président Vladimir Poutine - au pouvoir depuis deux décennies - et les autorités mettent à l'honneur cette commémoration pour renforcer le patriotisme.

Pour la célébration - avec ses deux jours fériés - de nombreux jeunes russes déambulent portant des ensembles kaki, des casquettes ornées d'une étoile rouge et même munis de répliques d'armes en bois, disponibles partout dès début mai.

Mais malgré leur popularité, ces déguisements suscitent la controverse parmi les parents et les professionnels de l'éducation.

"Pour autant que je sache, l'initiative vient d'en haut", a déclaré à l'AFP Lioubov Sobol au sujet des instructions données par la maternelle de sa fille, estimant que cela reviendrait à "imposer aux enfants des sujets militaires".

"Cette mascarade militarisée arrive dans tous les coins de la Russie!", s'indigne-t-elle, affirmant que cette coutume n'existait pas dans son enfance.

Cette avocate, qui travaille avec l'opposant Alexeï Navalny, a convaincu - avec d'autres parents d'élèves - la maternelle d'annuler cette journée déguisée, assenant que "l'école devrait apprendre aux enfants à bien traiter les gens (...), pas comment tenir une mitraillette."

En réponse, les médias conservateurs pro-Kremlin l'ont accusée de manquer de patriotisme.

Selon des parents interrogés par l'AFP, plusieurs écoles et maternelles de Moscou ont demandé aux enfants de porter des uniformes rétro pour des concerts de célébration et des séances photos.

D'autres ont reçu pour instruction d'apporter des rubans aux couleurs militaires ou des casquettes de soldats.

Une porte-parole du département de l'éducation de la ville Moscou a déclaré à l'AFP au téléphone que ces instructions étaient "très probablement" des décisions individuelles des écoles. Le ministère n'a pas répondu à une demande de commentaire.

- 'Embellir la guerre' -

Plusieurs villes, dont Pyatigorsk, dans le Caucase russe, ont organisé cette année des défilés militaires avec des jeunes enfants vêtus d'uniformes historiques. De nombreuses familles déguisées ont par ailleurs participé à des marches du "Régiment immortel" jeudi, où l'on défile en portant des photos de parents ayant participé à la guerre.

"Cela revient à romancer et embellir la chose la plus terrible au monde, la guerre", s'est insurgée la psychologue pour enfants basée à Saint-Pétersbourg Yelena Kouznetsova, sur Facebook.

"Les enfants ne devraient pas porter l'uniforme militaire", a-t-elle déclaré. "Vous devriez acheter aux enfants des vêtements qui parlent de la vie, pas de la mort."

Une autre psychologue pour mineurs, Irina Oboukhova, affirmait pour sa part dans le quotidien russe Kommersant qu'il était "essentiel" que les enfants participent à ces évènement pour "s'identifier avec leurs ancêtres".

Selon un sondage mené par la radio libérale Echo de Moscou, plus de 80% des Moscovites se disaient opposés aux déguisements militaires pour enfants.

Se transformer en soldat soviétique de la tête aux pieds a par ailleurs un coût : un déguisement complet pour des enfants de trois à 15 ans coûte 3.500 roubles (48 euros au taux actuel) chez Admiral, une marque dont le siège est à Chtchiolkovo, dans la région de Moscou.

"C'est populaire, et de plus en plus ces derniers temps", affirme Yevgueni Grankine, le chef de l'entreprise. "Je crois que les gens sont juste fiers du passé, de la victoire".

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