Entre politique et préjugés, le combat d'Ammar Campa-Najjar pour être élu au Congrès

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Par Jocelyne ZABLIT - San Diego (Etats-Unis) (AFP)
Publié le 01 novembre 2018 - 07:45
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Ammar Campa-Najjar, candidat démocrate au Congrès dans la 50ème circonscription de Californie, parle à ses soutiens le 28 octobre 2018 à Fallbrook
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© Sandy Huffaker / AFP
Ammar Campa-Najjar, candidat démocrate au Congrès dans la 50ème circonscription de Californie, parle à ses soutiens le 28 octobre 2018 à Fallbrook
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Tout semble sourire à Ammar Campa-Najjar pour les élections américaines du 6 novembre: son principal adversaire est inculpé de détournement de fonds, les dons affluent dans sa cagnotte de campagne et il a même les faveurs d'une marque de crèmes glacées connue dans le monde entier.

Mais dans cette circonscription de Californie farouchement conservatrice, le candidat au Congrès souffre de deux handicaps majeurs: il est démocrate et est le fils d'un père palestinien, musulman, et d'une mère mexicaine.

"Si seulement la campagne ne concernait que des sujets politiques...", soupirait récemment le jeune homme de 29 ans lors d'un meeting près de San Diego.

Et de prendre le taureau par les cornes pour évacuer le sujet présent dans tous les esprits: l'implication de son grand-père dans la sanglante prise d'otages des JO de Munich en 1972, durant laquelle onze otages israéliens et un policier ouest-allemand ont été assassinés par un groupe terroriste palestinien baptisé "Septembre noir".

"Certains cherchent à me faire passer pour tout un tas de choses, il faut calmer le jeu", lance-t-il au public. Il prend soin de mentionner qu'il n'a pas vu son père depuis l'âge de six ans et qu'il a été élevé par sa mère américaine d'origine mexicaine dont il a pris, par choix, la religion chrétienne. Sans oublier l'habilitation de sécurité que lui a décernée le FBI.

Après cette mise au point, Ammar Campa-Najjar peut enfin en venir à l'essentiel: ses idées sur l'immigration, le système de santé, le contrôle des armes à feu et les impôts.

Ses chances de l'emporter dans un fief républicain semblaient minces, voire nulles, jusqu'à ce que l'élu sortant, Duncan Hunter, se retrouve inculpé avec son épouse dans une embarrassante affaire de détournement de fonds électoraux: 250.000 dollars, qui auraient financé un train de vie somptueux, la cantine des enfants, voire des trajets en avion pour le lapin de la famille...

D'un seul coup, le jeune candidat - qui a occupé divers postes dans l'administration Obama mais n'est jamais passé par les urnes -, s'est retrouvé propulsé à l'avant-garde des troupes démocrates lancées à la conquête du Congrès. Soutiens et dons ont déferlé pour Campa-Najjar tandis que la cote de popularité de Hunter chutait.

La marque de glaces Ben & Jerry's a même lancé une nouvelle saveur pour soutenir le candidat démocrate, "Ammar-etto American Dream".

Selon les derniers sondages, Duncan Hunter gagnerait toutefois le scrutin d'une courte tête.

- "Pas d'ici" -

Soucieux de faire oublier ses démêlés avec la justice, le Républicain s'est lancé dans une campagne agressive, profitant des origines palestiniennes de M. Campa-Najjar pour insinuer qu'il n'était autre qu'un "islamiste" lié au terrorisme cherchant à infiltrer le Congrès américain.

A ces accusations infondées, le candidat démocrate à la Chambre des représentants a rétorqué que son adversaire tenait plus de "quelqu'un qui enfreint la loi que de quelqu'un qui l'écrit". Et a souligné qu'il était né seize ans après que son grand-père, considéré comme l'un des cerveaux du massacre de Munich, fut tué par les forces israéliennes en représailles.

"Hunter tente de présenter ce scrutin comme un choix entre un parlementaire inculpé et une menace pour la sécurité", analyse le candidat dans un entretien à l'AFP. "Mais lui se trouve être les deux à la fois", dénonce le démocrate.

Ammar Campa-Najjar espère que des électeurs républicains de cette 50e circonscription seront suffisamment rebutés par la personnalité et la stratégie de son concurrent pour lui accorder une chance: "Ca peut être une opportunité de créer un lien avec des gens qui n'auraient pas cru ça possible."

"Il est temps de faire passer le pays avant les partis", affirme-t-il.

Une idée qui a encore du chemin à faire dans l'esprit des électeurs interrogés par l'AFP à Fallbrook, au nord de San Diego.

"Je vais voter pour Hunter, parce que l'alternative est inacceptable", tranche Greg Incledon, retraité de 59 ans. "Car enfin, d'où vient ce gars? Il n'est pas d'ici", poursuit-il. Ammar Campa-Najjar est pourtant né près de San Diego.

Quant à Lorna May, 55 ans, elle va voter pour Hunter, non parce qu'elle apprécie le candidat mais parce qu'elle soutient le président Donald Trump.

"Je pense qu'il (Hunter) est un escroc de la même espèce que beaucoup d'autres, mais je vote républicain", explique-t-elle.

Dan Ahrensberg, 83 ans, est lui aussi un "Républicain patenté" mais il "vote pour Campa-Najjar", "le moindre des deux maux".

"Je suis écoeuré par un camp comme par l'autre. Je ne pense pas que ce pays ait les représentants qu'il mérite", conclut l'octogénaire.

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