Etats-Unis : la géolocalisation des portables encadrée par les juges

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Par Sébastien BLANC - Washington (AFP)
Publié le 22 juin 2018 - 20:20
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Où va-t-on, qui voit-on, que fait-on ? Les réponses à ces questions essentielles sont dans notre téléphone portable --ici un Samsung S8 photographié à New York le 29 mars 2017
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© TIMOTHY A. CLARY / AFP
Où va-t-on, qui voit-on, que fait-on ? Les réponses à ces questions essentielles
sont dans notre téléphone portable --ici un Samsung S8 photographié à New York le 29 mars 2017
© TIMOTHY A. CLARY / AFP

La Cour suprême à Washington a limité vendredi la capacité des policiers américains à exploiter les données de géolocalisation des téléphones portables, dans l'une des plus importantes affaires de libertés publiques de ces dernières années.

Le jugement, rendu à la courte majorité de cinq juges contre quatre, impose aux enquêteurs d'obtenir préalablement un mandat judiciaire.

La haute cour réaffirme la suprématie du quatrième amendement de la Constitution américaine, qui protège les citoyens contre toute intrusion dans leur vie privée sans présomption sérieuse.

"La décision historique de la Cour suprême aujourd'hui sur le pistage des téléphones cellulaires va avoir des conséquences en cascade sur le respect de la vie privée", s'est félicitée l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), en pointe dans ce dossier.

"Cela va aider à protéger toutes sortes d'informations numériques sauvegardées en ligne, des emails aux données des maisons connectées", a-t-elle ajouté.

Le magistrat présidant la Cour suprême, John Roberts, a rédigé l'arrêt qualifié de "révolutionnaire" par l'ACLU, endossé par les quatre juges progressistes d'une institution qui tranche souvent les grandes questions de société aux Etats-Unis.

Les quatre autres magistrats de la cour, tous conservateurs, ont chacun exprimé leur désaccord par écrit.

- 'A livre ouvert' -

L'affaire concernait un petit malfaiteur de la région de Détroit, Timothy Carpenter, arrêté en 2011. Ironie de l'histoire, il avait été condamné pour des vols à main armée de... téléphones portables.

Les policiers ont obtenu la géolocalisation de M. Carpenter par le "bornage" de son téléphone durant 127 jours. Au total, ils l'ont localisé 12.898 fois grâce aux relevés fournis par son opérateur de téléphonie mobile.

Cette traque, dans l'espace et la durée, représentait un abus manifeste et une violation de la vie privée, selon les militants des libertés.

Les relevés montraient ainsi à quelle église Timothy Carpenter priait le dimanche, ou encore quand il avait dormi chez lui... ou pas.

En bref, selon l'ACLU, les pistages cellulaires, technologiquement de plus en plus précis, permettent d'exposer quelqu'un "à livre ouvert".

L'éminente organisation était soutenue dans son combat par des universitaires de renom, les géants du secteur des technologies --Apple, Facebook, Twitter, Verizon, Google, Microsoft-- mais aussi, de façon plus étonnante, des organisations conservatrices, voire des militants des armes à feu soucieux de leur anonymat.

- Revers pour Trump -

A l'opposé, les juges ont donné tort au gouvernement de Donald Trump, qui affirmait que Timothy Carpenter savait à quoi s'en tenir et que sa géolocalisation par l'activation des antennes téléphoniques relais ne révélait pas la teneur de ses conversations.

La Cour suprême a toutefois prévu une petite entorse à l'exigence de mandat judiciaire qu'elle a posée vendredi, en cas de situation d'urgence, comme une attaque terroriste.

Dans un argumentaire de désaccord, le juge conservateur Anthony Kennedy a estimé que la décision faisait "planer un risque grave sur des investigations pénales dans des affaires critiques, où la police cherche à écarter le danger de crimes violents".

En 2012, la Cour suprême avait interdit la pose d'un dispositif GPS de repérage sur un véhicule sans feu vert judiciaire. Deux ans après, les juges avaient imposé aux policiers d'obtenir un mandat pour consulter le contenu du smartphone d'une personne interpellée.

Le tout-internet proliférant, l'ACLU insiste sur le fait que le principe du respect de la vie privée est menacé tous azimuts, pas seulement par les portables, mais aussi par les cartes de transport, les péages automatiques, les assistants domestiques, les dossiers médicaux en ligne...

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