Être de droite à Washington, l'impossible cocktail pour trouver l'âme soeur

Auteur:
 
Par Leo MOUREN - Washington (AFP)
Publié le 04 novembre 2018 - 07:45
Image
Dante Bucci, 22 ans, lors d'une interview avec l'AFP dans un bar de Washington le 25 octobre 2018
Crédits
© Eric BARADAT / AFP
Dante Bucci, 22 ans, lors d'une interview avec l'AFP dans un bar de Washington le 25 octobre 2018
© Eric BARADAT / AFP

"Beaucoup de premiers rencards, mais pas beaucoup de seconds. Je pense que Donald Trump y est pour beaucoup". Avec humour, Dante Bucci met le doigt sur un vrai problème pour les républicains à Washington: la difficulté de trouver une copine.

Cela fait cinq ans que ce républicain de 22 ans habite dans la capitale américaine, l'une des villes les plus à gauche du pays où se déchainent les passions politiques, notamment à l'approche des élections de mi-mandat.

Et depuis la victoire de Donald Trump, qui a accentué la division de la société américaine, sa vie amoureuse est quasiment réduite à néant. Sur une vingtaine de rendez-vous galants, un seul a été concluant.

"Ca m'a un peu déprimé quand même", soupire cet étudiant en marketing, qui habite un quartier branché de la ville.

Ce châtain à la mèche soigneusement peignée, rasé de près, a le look des jeunes conservateurs polis et bon chic, bon genre.

Mais c'est au niveau de la politique que le bât blesse: les femmes sur qui il a des vues sont démocrates, à l'image de la plupart des jeunes de la capitale fédérale, où le milliardaire new-yorkais a récolté... 4% des voix en 2016.

"Elles veulent sortir avec quelqu'un avec qui elles seront d'accord", avance-t-il.

Et dans une ville comme Washington, Mecque de la politique aux Etats-Unis, impossible de cacher ses idées bien longtemps.

- "Ca marche dans les deux sens" -

Emily Moreno, transfuge de l'Ohio installée à Washington, confirme: "On pose deux questions dans cette ville quand on rencontre quelqu'un: +tu viens d'où et tu travailles où?+".

Devant cette politisation extrême des rapports amoureux, cette républicaine de 25 ans, a eu l'idée de créer une appli de rencontre... spécialement pour les électeurs de Donald Trump.

"Je sentais qu'il y avait un vrai besoin" détaille la fondatrice de Donald Daters à l'AFP.

"J'ai entendu beaucoup d'histoires de personnes qui voient des rencards prendre fin dès qu'elles expliquent travailler pour le président ou des républicains", raconte-t-elle.

"J'ai même perdu des amis à cause de l'élection de 2016".

Quatre jours après le lancement de son application mi-octobre, elle revendiquait 20.000 téléchargements de son application.

On y retrouve des hétérosexuels, mais pas seulement.

"Les mecs gays à Washington sont vraiment fermés d'esprit", assure à l'AFP, sous couvert d'anonymat, l'assistant parlementaire d'un élu conservateur du Congrès.

"Mais ça marche dans les deux sens", reconnaît ce conseiller de 31 ans, à la recherche sur Donald Daters d'un homme partageant ses vues politiques. "Si quelqu'un était très fan d'Hillary Clinton, ça casserait tout".

Supporteur de Donald Trump, républicain et homosexuel, il se définit comme "une minorité dans une minorité au sein d'une minorité".

- "Allergique aux républicains" -

Dante, lui, n'utilise pas Donald Daters pour draguer, mais d'autres applications comme Tinder ou Bumble, où le terrain est pourtant miné pour les gens comme lui.

Selon un échantillon de plusieurs dizaines de profils Tinder consultés par l'AFP, les femmes y sont en effet nombreuses à inciter d'éventuels prétendants conservateurs à passer leur chemin.

Kendall, 23 ans, se définit par exemple dans sa biographie comme "allergique aux abeilles et aux républicains".

"Ils ne respectent pas les femmes. Ils ont voté pour quelqu'un qui s'est vanté d'avoir agressé sexuellement des femmes, donc non, ils ne peuvent pas" sortir avec moi, explique-t-elle à l'AFP.

Autant de fins de non-recevoir qui ont fini par lasser Dante, qui pense maintenant à quitter Washington. Sa situation sentimentale, dit-il, contribue à 20% à cette envie de départ.

"Ce n'est pas une ville normale ici".

"Tu ne peux pas prendre un verre avec quelqu'un sans parler de la Cour suprême ou du déficit", développe celui qui se définit comme un républicain modéré.

Pro-mariage gay et défenseur du droit à l'avortement, il a l'impression de traîner son vote de 2016 comme un péché inexpiable.

La première question pour lui lors d'un rendez-vous: "As-tu voté pour Donald Trump?".

Les rencards se transforment alors en interrogatoires, "comme si c'était un meurtre et qu'on faisait mon procès", et finissent abruptement, parfois avec des insultes.

"C'est vraiment fatiguant", déplore-t-il.

Un ami de Dante, dans une situation similaire, a même reçu un verre à la figure. Mais d'autres de ses camarades d'infortune ont trouvé la parade pour échapper à cette solitude sentimentale ou sexuelle.

"Ils mentent sur leur vote."

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Castex
Jean Castex, espèce de “couteau suisse” déconfiné, dont l'accent a pu prêter à la bonhomie
PORTRAIT CRACHE - Longtemps dans l’ombre, à l’Elysée et à Matignon, Jean Castex est apparu comme tout droit venu de son Gers natal, à la façon d’un diable sorti de sa ...
13 avril 2024 - 15:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.