GPA et "mère d'intention" : la justice européenne consacre le droit à la filiation

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Par Damien STROKA - Strasbourg (AFP)
Publié le 10 avril 2019 - 18:19
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La justice européenne a consacré mercredi, dans un cas français emblématique, le droit à la filiation entre "la mère d'intention" et les enfants nés à l'étranger d'une gestation pour autrui (GPA)
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© MARCEL MOCHET / AFP/Archives
La justice européenne a consacré mercredi, dans un cas français emblématique, le droit à la filiation entre "la mère d'intention" et les enfants nés à l'étranger d'une gestation po
© MARCEL MOCHET / AFP/Archives

La justice européenne a consacré mercredi, dans un cas français emblématique, le droit à la filiation entre "la mère d'intention" et les enfants nés à l'étranger d'une gestation pour autrui (GPA), tout en laissant aux Etats la liberté de choisir les moyens de cette reconnaissance.

"Le droit au respect de la vie privée de l'enfant (...) requiert que le droit (...) offre une possibilité d'un lien de filiation entre l'enfant et la +mère d'intention+", celle qui a désiré et élevé l'enfant mais n'en a pas accouché, y compris en l'absence de lien biologique entre eux, écrit la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dans un avis consultatif, valable pour les 47 pays du Conseil de l'Europe.

Mais la Cour relève que, faute de "consensus européen", ces Etats disposent d'une "marge d'appréciation" qui n'implique pas "que cette reconnaissance se fasse par la transcription" à l'état civil "de l'acte de naissance légalement établi à l'étranger".

Elle suggère notamment que la reconnaissance de ce lien puisse se faire via "l'adoption de l'enfant par la mère d'intention".

Cet avis de la CEDH, le premier du genre, avait été sollicité en octobre par la Cour de cassation française qui l'avait interrogée sur le statut de la "mère d'intention".

- Droit romain -

La haute juridiction, qui a sursis à statuer dans l'attente de la réponse de la CEDH, doit réexaminer le cas, devenu au fil des années emblématique, d'un couple français, Sylvie et Dominique Mennesson.

Depuis 2000, année de la naissance par GPA de ses deux jumelles en Californie -où, contrairement à la France, ce procédé est légal-, le couple réclame, pour l'instant vainement, la transcription pure et simple en droit français des actes de naissance américains sur lesquels ils apparaissent comme seuls père et mère.

Si la reconnaissance de l'entière paternité de Dominique Mennesson, père biologique, paraît acquise, les choses sont plus compliquées pour son épouse, qui ne pouvait pas enfanter en raison d'une malformation rare: aucun lien biologique n'existe entre elle et ses filles.

La mère porteuse, non mentionnée sur les papiers américains, avait reçu un don d'ovocytes d'une amie du couple. Mais en droit français, qui reprend un principe de droit romain, la mère reste celle qui accouche.

En 2011, la Cour de cassation avait refusé la transcription des actes mais en 2014, la CEDH avait condamné la France, décision qui avait donné lieu au réexamen en cassation.

Depuis, la jurisprudence a évolué: les enfants nés par GPA à l'étranger peuvent avoir deux parents légaux en France, reconnaissance devant passer par l'adoption pour le conjoint du parent biologique, hypothèse avancée par la CEDH mais rejetée par les Mennesson.

- "Victoire mesurée" -

Le couple espérait beaucoup de l'avis de la Cour de Strasbourg pour appuyer en cassation sa demande de retranscription. Mais la réponse, qui propose avec l'adoption une alternative à la restranscription des documents américains, ne leur donne pas entière satisfaction et "conforte la Cour de cassation" et sa jurisprudence, décrypte une source au sein de la CEDH.

Interrogé par l'AFP, leur avocat, Me Patrice Spinosi, parle d'une "victoire mesurée", insistant sur la "décision très forte" de la CEDH qui "pose comme un principe (...) la reconnaissance de la filiation entre l'enfant et le +parent d'intention+".

Sur l'adoption, elle évoque des "conditions d'effectivité et de célérité" de procédure "pas réunies" pour les Mennesson qui bataillent depuis 18 ans, souligne le conseil qui entend plaider sur ce point lors de la prochaine audience en cassation, "d'ici quatre à six mois".

Jointe par l'AFP, Sylvie Mennesson considère que c'est "une grande victoire. L'avis dit que la mère d'intention doit être reconnue (...) C'est une énorme avancée".

Hostile à la GPA, la présidente de La Manif pour tous, Ludovine de la Rochère, s'est réjouie que, en proposant de passer par l'adoption, la CEDH "ne considère pas la filiation d'intention comme la filiation charnelle".

Cet avis de la CEDH est le premier du genre: la Cour de cassation a fait usage d'une disposition, entrée en vigueur le 1er août dernier, qui permet aux juridictions suprêmes de douze pays européens, dont la France, de saisir la CEDH à titre consultatif.

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