Harcèlement sexuel : les clauses de confidentialité accusées d'avoir prolongé l'omerta

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Par AFP
Publié le 27 octobre 2017 - 19:29
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Comment Harvey Weinstein, accusé par une cinquantaine de femmes d'harcèlement ou agressions sexuelles, a-t-il pu perpétuer si longtemps ces actes présumés ? En forçant juridiquement les victimes au silence, comme l'ont également fait la star de Fox News Bill O'Reilly et Bill Cosby, entre autres.

Les accords à l'amiable avec les victimes présumées sont accusés d'avoir prolongé l'omerta, en raison des clauses de confidentialité qu'ils comportent.

Dans l'affaire Weinstein, ces dernières ont "clairement joué un très grand rôle puisqu'on voit qu'il y a eu de nombreux accords amiables dans lesquels des femmes auraient pu porter plainte pour harcèlement sexuel ou parler publiquement", constate Ariela Gross, professeure de droit à l'université USC en Californie.

De nombreuses victimes ont reçu des sommes d'argent importantes pour acheter de facto leur silence, comme l'a raconté dans le Financial Times une ex-collaboratrice du producteur déchu, Zelda Perkins.

"Je veux publiquement briser mon accord de confidentialité" car sans cela "il n'y aura pas de débat sur ces accords scandaleux", affirme-t-elle.

"J'ai été réduite au silence pendant 20 ans. J'ai été victime de +slut-shaming+, j'ai été harcelée", a aussi témoigné vendredi Rose McGowan, une des premières actrices à avoir accusé Harvey Weinstein de viol. Les deux ont signé en 1997 un accord à l'amiable à hauteur de 100.000 dollars, selon le New York Times.

Plusieurs dizaines d'employés de la Weinstein Company, fondée par le producteur et son frère Bob, ont également diffusé une lettre ouverte dans laquelle ils affirment prendre le risque d'enfreindre leur accord de confidentialité pour se défendre d'avoir eu connaissance de son comportement de "prédateur sexuel".

- David contre Goliath -

Les clauses de confidentialité elles-mêmes ne sont pas forcément abusives. Elles sont très répandues dans les contrats de travail ou de consommation.

Elles sont parfois légitimes, comme lorsqu'une entreprise veut protéger des secrets industriels. Certaines victimes peuvent aussi souhaiter que l'agression subie ne soit pas étalée sur la place publique.

Les experts s'accordent toutefois pour admettre que ces clauses favorisent le plus puissant dans une transaction. En particulier, lorsqu'une clause de confidentialité est imposée dès le contrat d'embauche, l'employé n'a d'autre choix que de signer à moins de renoncer à un poste.

Zelda Perkins a aussi décrit dans le Financial Times les intenses pressions psychologiques subies et les nuits entières d'interrogations par l'armée d'avocats de Weinstein pour l'amener à signer un accord amiable comprenant une telle clause.

"Je pensais que la loi était là pour protéger ceux qui la respectent. J'ai découvert qu'elle n'avait rien à voir avec le bien et le mal et tout à voir avec l'argent et le pouvoir", dénonce-t-elle.

Ces clauses de confidentialité sont parfois enfouies dans les notes de bas de page de contrats de consommation ordinaire, comme un abonnement téléphonique, ou imposées à des sous-traitants plus vulnérables par des multinationales (Apple a été notamment épinglé pour des clauses de confidentialité abusives par le passé).

- "Escroquer l'Amérique" -

"Ca participe à escroquer l'Amérique, voler aux citoyens leurs pouvoir", s'emporte l'avocate Genie Harrison, d'autant que de tels accords ont été validés par la Cour Suprême, la plus haute instance juridique américaine.

Il y a toutefois quelques limites à ces clauses: elles ne s'appliquent pas aux entités gouvernementales d'après Mme Harrison, au nom de la transparence: le grand public a par exemple le droit de savoir si la ville de Los Angeles a passé un règlement amiable avec quelqu'un.

En outre, si l'on est appelé comme témoin dans un procès, on a le droit de divulguer le contenu d'un accord confidentiel. La star de télévision déchue Bill Cosby, accusé par une cinquantaine de femmes d'harcèlement ou agressions sexuelles, a toutefois poursuivi une de ses accusatrices qui a témoigné lors d'un procès, estimant qu'elle n'avait pas à le faire en tant que citoyenne canadienne.

Les tribunaux ont par ailleurs le droit de passer outre des clauses jugées immorales ou excessives. Des dispositions qui protègent les lanceurs d'alerte peuvent également s'appliquer dans certains cas.

"Cela peut être dans l'intérêt général de dire qu'un employeur pollue une rivière. Il y a des gens qui pensent que ce serait aussi dans l'intérêt général de dire +mon employeur a commis des attouchements sur de jeunes femmes+", conclut Mme Gross.

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