Irak : L'EI chassé, la Saint-Valentin de retour à Mossoul

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Par Mohammad SALIM - Mossoul (Irak) (AFP)
Publié le 14 février 2018 - 17:02
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Des Irakiens de Mossoul fètent le 14 février 2018 la Saint-Valentin auparavant bannie par le groupe Etat islamique
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© Ahmad MUWAFAQ / AFP
Des Irakiens de Mossoul fètent le 14 février 2018 la Saint-Valentin auparavant bannie par le groupe Etat islamique
© Ahmad MUWAFAQ / AFP

Mossoul, l'ex-capitale irakienne du groupe Etat islamique (EI), s'est parée mercredi de rouge pour fêter la Saint-Valentin, non la couleur du sang que les jihadistes faisaient couler de quiconque la célébrait mais le rouge des amoureux.

Vêtu d'une abaya (cape) noire, Fathi Rafal, une étudiante de 22 ans, s'est rendue le matin au marché du quartier de Mouthana, où elle habite pour acheter un ourson rouge.

"En rentrant chez moi, je vais m'habiller différemment pour l'occasion", dit-elle mais refuse de dire en rougissant à qui le cadeau est destiné. "Je veux surtout envoyer un message au monde que Mossoul a changé".

Engoncés dans une interprétation rigoriste de la loi musulmane, les jihadistes punissaient de mort quiconque célébrait la fête des amoureux, considérée comme abomination des apostats.

"Je suis sure que cette année la plupart des gens vont la célébrer" après trois ans d'interdiction quand les jihadistes de l'EI imposaient leur loi sur la second ville du pays.

En effet, la pluie et le froid n'ont pas découragé les gens de se rendre sur les marchés et dans les boutiques de la rive est de la ville, remplis d'oursons rouges, de roses et ballons en forme de cœur.

"Il y a une forte demande pour les cadeaux de la Saint-Valentin que nous fabriquons nous-mêmes ici", confie Ahmad Seïf al-Din Hassan, 42 ans, un boutiquier du quartier.

"Peu après l'arrivée de Daech (acronyme arabe de l'EI), nous avons continué à vendre des roses mais elles étaient cachées dans des sacs noirs, puis nous avons cessé quand l'EI a fait savoir que célébrer la Saint-Valentin serait puni de mort", ajoute-t-il.

Paradoxe, dans l'histoire troublée qu'a connu ce pays, c'est sur la place des supplices où les jihadistes exécutaient leur victime que se trouvent le plus grand nombre d'étals vendant des cadeaux pour cette fête.

Sur le marché du prophète Younès, des jeunes hommes dansent accompagnés d'un orchestre. "Hier, c'était le marché où Daech exécutait ses victimes, maintenant c'est le marché de la joie", assure Mohammad Maan Zakaria, militant de la société civile.

"C'est la première fois que nous célébrons cela, la ville a besoin de joie et de bonheur", souligne cet homme de 28 ans.

En fait, avec des roses en plastique, des ballons et des stylos marqués de petits cœurs rouges et des confettis de toutes les couleurs, la fête avait été célébré l'an dernier dans le collège Azzouhour (les fleurs, en arabe), mais la ville était encore en guerre car l'EI était retranché dans la partie ouest de la ville.

- Joie et pensée -

Cependant, aujourd'hui, certains n'osent pas exprimer trop ouvertement leur joie en pensant aux familles des milliers de morts, exécutés par les jihadistes ou ayant perdu la vie dans les batailles pour reconquérir la ville.

"La destruction massive des infrastructures dans la province de Ninive et le meurtre de milliers de personnes font que certaines personnes ne fêtent pas la Saint-Valentin en public", déclare Hisham Hamdoun, un chômeur de 28 ans.

Mais Seif al-Dine n'est pas de cet avis. "Chaque personne doit acheter une rose rouge pour combattre les idées noires de Daech", dit-il.

Il propose même d'en placer "devant une maison ou un magasin de la rive ouest car comme des amoureux les deux rives ne peuvent pas vivre séparées l'une de l'autre".

La ville, qui fut occupée de 2014 jusqu'au 10 juillet 2017, porte les stigmates de la guerre. Si la vie a repris sur la rive est, la partie ouest est toujours dans le coma avec ses montagnes de ruines et gravas.

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