A Jérusalem, parties de foot "capitales" entre Palestiniens

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Par Joseph DYKE - Jérusalem (AFP)
Publié le 08 octobre 2018 - 08:38
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Des joueurs palestiniens s'affrontent à Jérusalem-Est, le 7 septembre 2018
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© AHMAD GHARABLI / AFP
Des joueurs palestiniens s'affrontent à Jérusalem-Est, le 7 septembre 2018
© AHMAD GHARABLI / AFP

Aqal passe à Aqal, qui trouve Aqal dans la profondeur. Aqal centre sur Aqal qui reprend de volée et marque, provoquant l'euphorie de tous les Aqal dans les tribunes. Les Aqal sont l'une des familles palestiniennes engagées dans un tournoi de football disputé entre les murs séculaires de la Vieille ville de Jérusalem.

Le vainqueur de ce tournoi qui dure un mois sera consacré "champion de Jérusalem". Il est question de suprématie familiale et sportive, mais aussi de fierté, sinon de résistance nationale. Plus encore depuis que les Etats-Unis ont reconnu en mai Jérusalem comme la capitale d'Israël.

"C'est notre terre. Nous voulons montrer que nous sommes les propriétaires de cette terre en jouant un tournoi palestinien ici", dit à l'AFP Muntaser Edkaidek, l'un des organisateurs de la compétition, créée il y a deux ans.

Du terrain, on voit la coupole dorée du Dôme du Rocher, symbole national et religieux éminent pour les Palestiniens, et haut lieu de spiritualité.

La Vieille ville se situe à Jérusalem-Est, la partie palestinienne de la cité. Mais, dans les étroites ruelles, la présence de policiers israéliens rappelle que, pour Israël, la Vieille ville, comme tout Jérusalem-Est, fait partie de sa capitale "éternelle" et indivisible.

- Gardiens de clés -

Aux yeux de l'ONU, Jérusalem-Est reste territoire occupé et son annexion par Israël est illégale. Les Palestiniens espèrent toujours en faire la capitale de l'Etat auquel ils aspirent.

Pour les joueurs et les supporteurs, quelques mois après la décision américaine sur Jérusalem, ce tournoi de football est un acte politique et identitaire. Il manifeste combien l'appartenance familiale, dans une ville à l'histoire unique, reste prééminente dans bien des aspects de la vie des 300.000 Palestiniens de Jérusalem-Est.

Les Khaldi, par exemple, revendiquent d'être les descendants d'un des plus proches compagnons du prophète Mahomet.

Depuis des siècles, les Joudeh et les Nusseibeh, deux autres grandes familles musulmanes, gardent eux les clés du Saint-Sépulcre, construit sur le site où Jésus est censé avoir été mis au tombeau.

Les Palestiniens dénoncent ce qu'ils disent être la négation de leurs droits par les autorités israéliennes, et l'entreprise de judaïsation de Jérusalem-Est --plus de 200.000 Israéliens y vivent désormais, essentiellement dans des colonies modernes florissantes construites en périphérie.

La Vieille ville reste le pôle d'attraction de Jérusalem. Elle n'est pas seulement cette destination vers laquelle se bousculent les masses de touristes. Dans ce labyrinthe d'un kilomètre carré vivent plus de 35.000 personnes, chrétiens, juifs et musulmans, qui travaillent, vont à l'école. Et, donc, jouent au foot.

- Contrôle d'identité -

Rare espace ouvert, le terrain en synthétique bordé par les remparts du XVIe siècle se découvre au bout d'un dédale de ruelles. Des dizaines de supporteurs ont garni l'unique tribune.

Avant chaque match du tournoi, l'arbitre, un volontaire avec quelque expérience footballistique, vérifie l'identité des joueurs.

L'un des deux Mohammed de l'équipe des Aqal, un attaquant costaud, a oublié ses papiers. Impossible, théoriquement, de jouer sans pouvoir justifier de son identité. "Une photo (des papiers, NDLR), ça ne va pas?", tente-t-il en montrant un cliché sur son téléphone portable.

Au bord du terrain, un large poster honorait ce jour-là l'un des fondateurs de l'épreuve quand celle-ci a commencé. La police l'a toutefois fait enlever en cours de compétition, disent les organisateurs. Arrêté il y a un an et emprisonné, l'homme était impliqué dans les activités des "Jeunes d'al-Aqsa", une organisation qui dit protéger l'Esplanade des Mosquées, troisième lieu saint musulman au coeur de la Vieille ville, contre les agissements israéliens, a rapporté la presse.

Sollicitées par l'AFP, les autorités ne se sont pas exprimées sur son compte. Mais elles affirment que les "Jeunes d'al-Aqsa" sont liés au mouvement islamiste Hamas, considéré comme terroriste.

- "Du vent !" -

Entre les Aqal et les Sanuqurat, le niveau de jeu est celui des matches amateurs improvisés partout dans le monde. Mais la ferveur des supporteurs est grande.

Hamzy Abedy ne suit pas vraiment le match car, dos au terrain, il orchestre les chants des 25 membres présents du clan Aqal.

"Nous sommes tous les enfants de Jérusalem, donc j'ai amené toute l'équipe avec moi", dit-il en désignant le groupe d'adolescents vociférant qui l'accompagne.

Comme le statut de la ville, le sort du terrain lui-même préoccupe les Palestiniens. Ils s'inquiètent d'un projet de construction d'une vingtaine de maisons pour des familles juives dans les environs immédiats, dit Aviv Tatarsky, de l'ONG anticolonisation Ir Amim. Le programme est au point mort depuis des années.

Hamzy Abedy assure que la reconnaissance par Washington de Jérusalem comme capitale d'Israël a renforcé la détermination des Palestiniens à rester.

"Les paroles de Trump, c'est du vent" dit-il, "il ne peut pas nous effacer de la surface de la terre."

Les Aqal s'imposent 6 à 1. Mohamed, finalement autorisé à jouer, a marqué une fois et délivré deux passes décisives. "Le sport est la meilleure chose pour l'unité des Arabes", dit-il, son bébé dans les bras.

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