La municipalité d'Istanbul au chevet des animaux de rue

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Par Luana Sarmini-Buonaccorsi - Istanbul (AFP)
Publié le 18 février 2019 - 09:55
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Un chiot est pris en charge dans un "Vetbus" à Istanbul, le 13 janvier 2019
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© OZAN KOSE / AFP
Un chiot est pris en charge dans un "Vetbus" à Istanbul, le 13 janvier 2019
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Mevlüde a trouvé un chat noir sur le campus universitaire où elle travaille: inquiète de le voir avec un oeil fermé, elle l'a emmené consulter auprès de vétérinaires de la mairie d'Istanbul, qui multiplie les initiatives pour choyer ses animaux de rue.

Les visiteurs venus admirer les mosquées centenaires ou les palais ottomans sur les rives du Bosphore sont souvent surpris de voir chats et chiens s'approprier les meilleures places sur les terrasses des cafés et restaurants sans être inquiétés.

A l'instar de Mevlüde, de nombreux Stambouliotes s'occupent des chiens et chats de leur quartier, leur laissant gamelles et abris sur les trottoirs. Et la municipalité tente de s'assurer de la bonne santé de ces animaux.

Le "Vetbus" où Mevlüde a conduit son protégé, bus transformé en clinique ambulante, stationne plusieurs jours par semaine dans différents quartiers de la mégapole turque.

"Nous entrons souvent en contact avec la municipalité quand on voit des animaux qui ont besoin de soins", explique-t-elle une fois rassurée sur l'état du chat, aux yeux désormais grand ouverts.

L'attention portée par les Stambouliotes à leurs voisins à quatre pattes "vient en partie de la tradition islamique et en partie de la structuration de l'espace public sous l'Empire ottoman", explique Mine Yildirim, doctorante à la New School for Social Research de New York.

Dans l'Istanbul ottoman, les gens évoluaient, selon la chercheuse, essentiellement entre leur maison, la mosquée et le marché. Les rues étaient l'espace des chiens. "La ville a grandi mais elle a gardé ses animaux comme composante de son espace public", ajoute Mme Yildirim.

Certaines politiques d'extermination ont bien été menées au début du XXe siècle pour s'aligner avec l'Occident. Et dans les années 1990, la ville répandait du poison dans les rues pour tuer les animaux, affirme Mme Yildirim.

Mais depuis l'adoption de la loi de protection des animaux de 2004, les mairies doivent prendre en charge ceux des rues.

"En général, les gens amènent les animaux dont ils s'occupent (...) pour qu'on leur administre des antiparasites", explique Nihan Dinçer, vétérinaire du Vetbus.

- Vaccins -

Outre cette clinique ambulante, la mairie du Grand Istanbul (IBB) dispose de six centres de soins. Mevlüde a confié deux chats à l'un d'eux.

Le but est de vacciner, stériliser et soigner les quelque 130.000 chiens et 165.000 chats errants d'Istanbul, selon la mairie. Equipés d'une puce électronique, ils doivent ensuite être ramenés là où ils ont été recueillis – sauf ceux adoptés entretemps.

En 2018, 73.608 animaux ont ainsi été pris en charge par une centaine de vétérinaires et techniciens, contre seulement 2.470 en 2004. Et aucun cas de rage n'a été détecté à Istanbul depuis 2016, d'après la municipalité.

Elle refuse de dire combien coûtent ces services. Mais selon le ministre de l'Agriculture et des Forêts Bekir Pakdemirli, son ministère a soutenu les autorités locales du pays à hauteur de l'équivalent de 6 millions de dollars entre 2009 et 2018 pour prendre en charge des animaux de rue.

"Si les gens savaient combien d'argent est dépensé pour ces services, peut-être que certains seraient contrariés. Mais ça n'est pas dévoilé", relève Mme Yildirim, également coordinatrice du collectif de défense des animaux Dört Ayakli Sehir (La Ville à quatre pattes).

- Croquettes -

En ville, les animaux sont souvent bien nourris. Des particuliers, restaurants et boucheries leur réservent leurs restes.

Mais dans les forêts alentour, "si on ne les nourrit pas, ils mourront", explique le vétérinaire de l'IBB Umut Demir lors d'une patrouille dans la forêt de Belgrade.

Mine Yildirim accuse toutefois l'IBB de ne pas systématiquement ramener les animaux là où ils ont été trouvés, comme elle l'affirme, et d'en relâcher dans ces forêts.

Une tonne de nourriture y est distribuée chaque jour par des équipes dépêchées à bord de camionnettes remplies de croquettes. Les chiens accourent en entendant le klaxon, et semblent aussi excités par la nourriture que par les caresses distribuées.

Selon Tugçe Demirlek, vétérinaire en chef du centre de soins de Sultangazi, dans l'ouest d'Istanbul, le fait que les animaux soient aussi bien nourris et soignés garantit leur calme et limite les agressions.

Malgré les efforts de stérilisation systématique, le nombre de chiens errants reste en revanche quasi stable: "Les animaux que nous n'attrapons pas continuent de se reproduire", explique la vétérinaire.

Des chiots naissent ainsi dans la nature à Istanbul, comme ce petit chien doré d'une quarantaine de jours, signalé à la ville par des riverains inquiets de l'avoir trouvé gémissant et seul au bord d'une route.

Une fois ausculté, il est mis à l'adoption, dans une vitrine spéciale du Vetbus. Il a attiré beaucoup de regards ce jour-là, sans trouver preneur, et retournera passer la nuit au centre de soins.

"On retentera notre chance demain", sourit Mme Dinçer.

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