La tauromachie sous pression en Colombie

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Par Hector Velasco - Bogota (AFP)
Publié le 22 février 2018 - 16:07
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Le torero colombien Luis Miguel Castrillon dans les arènes de Bogota, le 4 février 2018
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© Raul Arboleda / AFP/Archives
Le torero colombien Luis Miguel Castrillon dans les arènes de Bogota, le 4 février 2018
© Raul Arboleda / AFP/Archives

Elégant, il ressemble à un danseur étoile, avec ses bottes souples et ses pantalons moulants. Mais pour les défenseurs des animaux, populaires en Colombie, le torero Luis Miguel Castrillon n'est qu'un assassin.

A 25 ans, ce matador suscite la colère de militants aussi jeunes que lui qui ne concèdent aucune reconnaissance à son métier.

Tandis que dans les arènes de Bogota, un public, chaque fois plus clairsemé, l'ovationne pour son style et son courage face à une bête d'une demie-tonne, au dehors 2.000 policiers veillent pour protéger le torero et les aficionados.

Un déploiement plus important que pour un match de foot à haut risque, mais qui, selon la mairie, s'est avéré nécessaire à la suite de manifestations qui ont donné lieu à des actes violents envers les participants aux corridas de la Plaza Santamaria l'an dernier.

"Mettre sa vie en jeu face au taureau -l'animal peut mourir et moi aussi- pour qu'au final, la société me considère comme un assassin!", déplore Luis Miguel Castrillon.

Ce spectacle organisé à Bogota depuis 1931 -sauf pendant une parenthèse de quatre ans imposée par l'ancien maire de gauche et actuel candidat présidentiel Gustavo Petro- est confronté à une telle pression que la tauromachie pourrait bientôt être abolie dans tout le pays.

- "A l'agonie" -

Ce mois de février, la justice a freiné une consultation populaire sur son interdiction. Mais elle a décidé que son sort définitif devrait se définir devant le Parlement d'ici 2019. Sinon Luis Miguel Castrillon pourrait être poursuivi pour maltraitance d'animaux et échouer en prison.

"Après avoir quitté ma famille à l'âge de 14 ans pour devenir torero, me retrouver sans taureaux, ce serait non seulement la fin d'une carrière, mais d'une vie", souligne-t-il.

La Colombie est l'un des huit pays du monde où sont encore organisées des corridas avec l'Equateur, l'Espagne, la France, le Mexique, le Pérou, le Portugal et le Venezuela.

La saison des corridas, qui ont repris en 2017 à Bogota, s'est achevée dimanche dernier.

La décision de réhabiliter la Plaza de Santamaria comme arène ne les sauvera pas, estime Andrea Padilla, 39 ans, porte-parole d'AnimaNaturalis, une ONG de défense des droits des animaux.

Cette militante, qui a étudié le droit et la psychologie, est végétarienne depuis l'âge de 16 ans et vegane depuis un an.

Elle est devenu l'une des représentantes d'une cause qui au début voulait réguler les corridas en réduisant la souffrance des taureaux, mais qui maintenant entend obtenir leur interdiction absolue, de même que les combats de coqs.

"C'est une pratique à l'agonie. Il y a toute une génération qui ne va plus aux corridas", a-t-elle déclaré à l'AFP.

Les anti-corrida montrent des photos d'une arène loin d'accueillir les 10.000 spectateurs qu'elle pourrait contenir chaque après-midi de la saison qui dure un mois.

- Rien à négocier -

En 2017, quelque 35.000 aficionados ont assisté aux quatre spectacles organisés à Bogota, selon les responsables du Consortium Colombie Taurine (CCT), outre ceux des villes de Medellin, Cali et Manizales.

Le secteur génère environ 1.200 emplois directs, 15.000 indirects et, pour la capitale, l'équivalent de quelque 750.000 dollars de recettes fiscales.

La controverse sur la tauromachie, qui en Colombie remonte au XIXe siècle, semble ne pas avoir de solution.

Du gouvernement qui quittera le pouvoir en août jusqu'aux candidats présidentiels du centre et de gauche, en passant par les militants anti-corridas, tous sont favorables à la prohibition d'une pratique qu'ils jugent cruelle.

En face, les éleveurs, toreros et aficionados invoquent le droit des minorités et un "art véritable où se joue la vie du torero et du taureau", selon Juan Bernardo Caicedo, 55 ans.

Dans l'hacienda de cet éleveur, près de Bogota, le "toro bravo" vit comme un roi jusqu'à l'âge de cinq ans jusqu'à ce qu'il sorte dans l'arène. S'il est gracié, il peut vivre 12 ans de plus comme étalon.

Avec la prohibition "disparaîtrait le taureau de combat qui ne sert à rien d'autre", déplore-t-il.

Mais les défenseurs des animaux jugent cet argument "pervers" car selon Andrea Padilla, il s'agit de "maintenir une race juste pour la massacrer lors d'un spectacle public".

Pour eux, le débat est clos et ils espèrent que la période électorale permette de donner l'estocade finale aux corridas.

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