L'Américain Valentino Dixon, sauvé de la prison par des dessins de golf

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Par Charlotte PLANTIVE - Washington (AFP)
Publié le 14 mai 2019 - 07:00
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Valentino Dixon (g) montre ses dessins de terrains de golf à des détenus dans une prison de Washington, le 2 mai 2019 aux côtés du professeur Marc Howard de l'université de Georgetown
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© Gilles CLARENNE / AFP Photo
Valentino Dixon (g) montre ses dessins de terrains de golf à des détenus dans une prison de Washington, le 2 mai 2019 aux côtés du professeur Marc Howard de l'université de Georget
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Victime d'une erreur judiciaire, l'Américain Valentino Dixon a passé 28 ans derrière les barreaux. Pour la première fois depuis sa libération, il est retourné en prison raconter à des détenus comment le golf l'a "sauvé".

"Je n'y ai joué que deux fois et je suis nul", a-t-il admis lors d'une intervention dans un centre pénitencier de Washington.

Pourtant, c'est ce sport qui l'a sorti de prison et qui, aujourd'hui, lui permet de plaider pour des réformes du système pénal auprès d'un public très large.

Valentino Dixon, 49 ans, qui a grandi dans un quartier noir et défavorisé de Buffalo, dans le nord-est des Etats-Unis, n'avait pas mis un seul orteil sur un green quand sa vie a basculé, un soir d'août 1991.

Ce jour-là, une bagarre se déclenche devant un restaurant et des coups de feu partent. Un homme est tué. Deux jours plus tard, sur la base d'un renseignement anonyme, la police arrête le jeune homme, père d'une fillette de six mois.

Un autre homme avoue à des journalistes avoir pressé la gâchette, mais les autorités ne l'interrogent pas. "Huit témoins m'ont innocenté, mais à mon procès, mon avocat n'en a convoqué aucun et j'ai été condamné à 39 ans de prison", résume-t-il à l'AFP.

Il passe les sept premières années derrière les barreaux à se morfondre, avant de se lancer "à corps perdu" dans le dessin. Il y consacre jusqu'à dix heures par jour, développe ses propres techniques et impressionne son entourage.

- Pas de poudre -

Sur la base d'une photo transmise par un gardien, il reproduit le douzième trou du célèbre club de golf d'Augusta en Géorgie, puis reproduit d'autres parcours, en invente aussi.

Un jour, il écrit une lettre à un journaliste du magazine Gulf Digest qui tient une rubrique intitulée "le golf m'a sauvé". Sensible à son coup de crayon, le reporter enquête sur son dossier et lui consacre un long article.

Ce travail attire l'attention de l'université de Georgetown, à Washington où un programme d'études est consacré à innocenter des victimes d'erreur judiciaire. Trois étudiantes remontent la piste pour produire un documentaire sur Valentino Dixon.

Face à leur caméra, le procureur en charge de l'enquête admet avoir cherché des traces de poudre sur les mains et les vêtements du suspect en 1991 et n'avoir rien trouvé, information qu'il avait toujours gardé pour lui.

"Vingt-sept ans après, sans faire exprès, il a avoué", résume Marc Howard, le professeur en charge du programme de Georgetown. "L'avocat de Valentino a pu s'en servir pour le faire sortir de prison."

Le 19 septembre 2018, le désormais quadragénaire franchit le seuil de sa prison en homme libre.

- Tiger Woods -

Depuis, il essaie d'être "un bon grand-père", de rattraper son retard technologique et s'engage en faveur des quelque deux millions de personnes détenues aux Etats-Unis, dont ils jugent les peines trop souvent "excessives".

Pour la première fois depuis sa libération, il est allé à leur rencontre début mai. "Je n'en avais aucune envie, mais il le fallait pour apporter mon soutien", explique-t-il sans aucune nervosité. "Je déteste l'avouer, mais la prison est comme ma seconde maison, je suis à l'aise avec les détenus."

De fait, cet homme au large sourire suscite rires et approbations parmi la trentaine d'hommes et de femmes en uniforme orange venus l'écouter qui, en partant, le remercient pour ses encouragements.

Le lendemain, Valentino Dixon met le cap sur un autre univers: il est invité à témoigner devant les membres d'un club de golf de St-Louis, dans le Missouri, comme il l'a déjà fait notamment lors du Masters d'Augusta.

"J'essaie d'informer les gens de la communauté du golf sur les réformes carcérales, parce que ce ne sont pas des sujets qu'ils connaissent", explique le quadragénaire, qui a rencontré les stars Tiger Woods ou Jack Nicklaus. "Je fais le lien entre les cités et les terrains de golf."

Marc Howard a assisté à une de ces rencontres. "Valentino a beaucoup de charme, tout le monde adore l'entendre parler", rapporte-t-il. "Deux mondes se réunissent autour de lui et de son histoire."

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