Le balbutiant secteur privé de Cuba, premier touché par les mesures de Trump

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Par Moises AVILA - La Havane (AFP)
Publié le 07 mai 2019 - 18:52
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Une berline américaine en réparation au garage Nostalgicar à la Havane, le 6 mai 2019
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© Yamil LAGE / AFP
Une berline américaine en réparation au garage Nostalgicar à la Havane, le 6 mai 2019
© Yamil LAGE / AFP

La Chevrolet de 1959 dans laquelle est monté John Kerry, alors secrétaire d'Etat, à la réouverture de l'ambassade américaine à Cuba est au garage, en attente de pièces de Miami: comme elle, le secteur privé de l'île souffre du durcissement de l'embargo par Trump.

"Notre activité dépend à 100% du matériel en provenance des Etats-Unis", explique Nidalys Acosta, propriétaire avec son mari de Nostalgicar. "Ces cinq derniers mois, ça a été difficile".

Née en 2011, Nostalgicar remet d'aplomb de vieilles berlines américaines pour le tourisme. Malgré l'embargo en vigueur depuis 1962 qui interdit toute importation, elle parvient à faire venir des pièces dans des valises.

Mais les produits inflammables comme la peinture doivent voyager par bateau. "Avant, en 30 jours ils étaient là. Maintenant ça fait huit mois qu'on attend une commande de Miami", se désole Nidalys.

"Aux dernières nouvelles, les produits sont en République dominicaine".

Pour éviter des sanctions, certaines compagnies de transport maritime font escale dans un autre port plutôt que d'aller directement à Cuba depuis les Etats-Unis.

- Retour en arrière -

Ces derniers mois en effet, Washington a frappé tous azimuts contre l'île socialiste, accusée de soutenir militairement le Venezuela de Nicolas Maduro.

Menaces de procès contre les entreprises étrangères à Cuba, limitation des envois d'argent vers les familles cubaines, possible restriction des voyages des Américains: "Ces mesures porteront un grave préjudice au secteur privé de l'économie cubaine", a dénoncé le ministre des Affaires étrangères, Bruno Rodriguez.

Il est loin le temps où Barack Obama misait sur les entrepreneurs ou "cuentapropistas" - 13% des travailleurs cubains - comme facteur de changement sur l'île, alors en plein rapprochement historique avec son vieil ennemi de la Guerre froide.

Le réchauffement, initié fin 2014, avait provoqué un boom de touristes américains à Cuba et une effervescence de création de restaurants, chambres d'hôtes et commerces pour répondre à cette demande.

La politique de l'administration de Donald Trump risque au contraire de provoquer un grave retour en arrière.

"Si les touristes ne viennent plus en raison des limitations que leur impose leur pays, cela nous affecte, car nous ne recevons plus d'argent", s'inquiète Nidalys.

Avec 90% de clients américains, le restaurant La Moneda Cubana, près du terminal où débarquent les bateaux de croisière de Miami, a lui aussi du souci à se faire.

La compagnie de croisières Carnival est devenue la semaine dernière la première entreprise poursuivie devant les tribunaux américains pour l'usage de propriétés nationalisées à Cuba après la révolution de 1959... une loi activée par Trump.

Ces mesures "limitent le développement économique d'une grande partie de l'industrie touristique, cela va avoir un impact sur le secteur des cuentapropistas, beaucoup dépendent du tourisme américain", explique le propriétaire du restaurant, Miguel Angel Morales.

- Confusion -

Beaucoup de Cubains profitent du visa américain, de cinq ans avec multiples entrées, pour aller régulièrement se fournir aux Etats-Unis pour leur commerce. Washington vient de le restreindre à trois mois et une seule entrée.

"Celui dont le visa est sur le point d'expirer va devoir chercher d'autres alternatives", juge Miguel, qui estime que les autorités locales doivent aussi agir.

"Il faut ouvrir, libérer les forces productives", car "pour faire face à l'embargo, le moyen de développer le pays passe par la petite et moyenne entreprise".

L'Américaine Rita McNiff dépend également des arrivées de touristes des Etats-Unis: ils constituent la majorité des clients de son agence Like a Cuban, qui propose des circuits dans le pays en partenariat avec l'agence cubaine d'Etat Havanatur.

Ses compatriotes ont interdiction de tout commerce avec les installations touristiques cubaines détenues par l'armée. Beaucoup voyagent sous le motif "soutien au peuple cubain", l'une des 12 catégories autorisées par Washington, et dorment en chambres d'hôtes.

Pour l'instant, Rita n'a pas connu d'annulations en série, comme ce fut le cas en 2017, lors des premières mesures fortes de Trump contre Cuba.

Mais la confusion règne: en janvier lors d'une conférence sur le voyage organisée par le New York Times, "il y avait un groupe de 200 agences qui ne savait pas qu'on pouvait encore voyager à Cuba!", explique-t-elle

Et "cela peut empirer et devenir plus confus encore". D'ores et déjà, "beaucoup d'agences ne s'embêtent même pas à envoyer leurs clients" sur l'île.

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