Le décret sur les armes de Bolsonaro divise les Brésiliens

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Par Paula RAMON - Sao Paulo (AFP)
Publié le 16 janvier 2019 - 16:08
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Une armurerie à Sao Paulo au Brésil, le 15 janvier 2019
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© Miguel SCHINCARIOL / AFP
Une armurerie à Sao Paulo au Brésil, le 15 janvier 2019
© Miguel SCHINCARIOL / AFP

Seule façon de se défendre contre les criminels ou au contraire meilleur moyen d'aggraver la violence, les Brésiliens étaient divisés mercredi, au lendemain de la libéralisation de la détention d'armes à feu par leur président d'extrême droite Jair Bolsonaro.

"Personne ne rentre chez un armurier en pensant à tuer", affirme Silvana Tavares, férue de tir sportif depuis des années et vendeuse dans une armurerie du centre de Sao Paulo.

Vera Ratti, propriétaire de ce commerce à la devanture discrète, se félicite du décret signé mardi par le nouveau chef de l'Etat, qui a tenu une promesse-phare de sa campagne.

"Depuis le début de l'humanité, l'homme doit se défendre. Ici, au Brésil, ça fait partie de notre culture", explique-t-elle, rappelant qu'en 2005, 64% des électeurs avaient rejeté par référendum l'interdiction de la commercialisation d'armes à feu.

"Les criminels cherchent des cibles faciles. Le fait de savoir qu'il peut y avoir des armes dans un commerce, dans une maison, peut les inhiber", ajoute-t-elle.

"Je trouve que ce décret est une bonne idée parce que j'ai moi-même été victime d'un vol la semaine dernière. Les voyous ont collé une arme sur ma tête et je n'ai pas pu me défendre. Donc je suis d'accord", renchérit Ricardo, commerçant de 43 ans.

Silvia Ramos, spécialiste du Centre de recherches sur la sécurité et la citoyenneté (Cesec), n'est pas de cet avis. "Tout le monde sait que plus d'armes en circulation signifie plus de morts et plus de violence (...) Je pense que ce gouvernement répond à une frange de la population qui est très radicalisée, et qui se trompe sur la notion de liberté et de sécurité", dit-elle.

- Pas pour n'importe qui -

Au-delà des fusils et des revolvers, l'armurerie vend également des poignards et de nombreux articles d'auto-défense, comme du spray au poivre.

La boutique possède aussi un petit stand de tir à trois pistes où s'exerce Silvana Tavares, qui s'est classée troisième du championnat de Sao Paulo.

Elle assure ne jamais avoir pointé une arme sur quiconque et ne se voit pas tuer quelqu'un. Pourtant, elle tient absolument à garder une arme chez elle.

La signature du décret n'a pas spécialement augmenté l'affluence à l'armurerie.

Luis, agent de sécurité de 50 ans, s'exerce au stand de l'armurerie, par séquences de cinq tirs. Muni de lunettes et casque de protection auditive, il tire 100 à 200 balles par entraînement.

Entre deux séquences de tir, il rappelle que les armes à feu ne sont pas financièrement à la portée de tous.

Il est pratiquement impossible d'acheter une arme légalement pour moins de 4.000 reais, environ 950 euros.

Luis pense également que les gens ne vont pas se ruer en masse vers les armureries juste à cause du décret présidentiel, surtout ceux qui ne sont pas naturellement à l'aise avec les armes. "Les gens qui n'aiment pas le chocolat ne vont pas ce mettre à en manger juste parce qu'une boutique lance une promotion", dit-il.

- Un stylo pour arme -

Edson, chauffeur de taxi de 36 ans, ne croit pas que le décret de Jair Bolsonaro va résoudre les problèmes de violence.

"Il faudrait investir dans l'éducation, nous sommes tellement en retard en la matière que si le gouvernement concentrait tous ses efforts sur ça aujourd'hui, on mettrait encore 30 ans à refaire surface", déplore-t-il.

Lassé de la politique, il dit ne pas avoir voté aux élections générales d'octobre, fustigeant les "voleurs" de gauche et les "psychopathes" de droite.

Mais paradoxalement, même s'il est opposé à la libéralisation de la détention d'armes à feu, il en possède une, achetée au marché noir.

Il a déjà blessé une personne avec cette arme et plusieurs cicatrices témoignent des trois balles qui l'ont touché lors d'une fusillade.

Edson raconte que pour lui, avoir une arme est une question de vie ou de mort, parce qu'il vit dans un quartier dangereux.

Mais il se dit contre une plus grande circulation d'armes "parce qu'elles apportent seulement de la violence".

"Je veux que mes enfants aient pour arme un stylo", conclut-il. Mardi, le président Bolsonaro avait justement affirmé qu'il allait utiliser son stylo comme une arme pour signer son décret.

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