Le football de table, une guerre des boutons version brésilienne

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Par Louis GENOT - Rio de Janeiro (AFP)
Publié le 12 juin 2018 - 08:15
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Un homme fait une partie de "football de boutons" à Rio de Janeiro, le 19 mai 2018 au Brésil
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© CARL DE SOUZA / AFP
Un homme fait une partie de "football de boutons" à Rio de Janeiro, le 19 mai 2018 au Brésil
© CARL DE SOUZA / AFP

Le ballon passe au-dessus des défenseurs et se loge en pleine lucarne. But de Zidane! L'ancien meneur de jeu des Bleus n'a pas repris du service, mais le "bouton" à son effigie vient de marquer dans un jeu de football de table traditionnel du Brésil.

Tout le mérite revient à Alexandre Cerqueira Gil, 54 ans, joueur chevronné de "futebol de botao" (football de boutons en portugais), un subtil mélange de football et de jeu de puces.

Tous les samedis matin, cet avocat retrouve ses amis sur la place Sao Salvador, dans un quartier animé du sud de Rio, où six tables sont installées.

"Nous arrivons à recréer la plupart des situations de jeu du foot", explique Alexandre, qui fait des merveilles en poussant le "ballon", un petit dé de 6 millimètres, avec des pastilles de près de 5 cm de diamètre qui ressemblent à des jetons de poker.

À première vue, le jeu est assez simple, mais il faut un certain temps pour en assimiler les règles, qui varient selon les régions et les préférences du groupe du joueurs.

Alexandre et ses amis de la place Sao Salvador sont adeptes du "9x3": pendant deux mi-temps de sept minutes, les joueurs jouent chacun leur tour et ont droit à neuf touches de balle maximum, et seulement trois de suite avec le même bouton.

- Boutons décorés -

Comme au jeu de puces, les joueurs utilisent une pastille qui ressemble à un médiateur de guitare pour faire avancer les boutons vers le "ballon", percutant ainsi le petit dé pour le faire progresser sur le terrain.

Mais la principale difficulté consiste à loger le dé dans le but, le gardien étant une plaque rectangulaire qui occupe au moins les deux tiers des cages, laissant très peu de place pour passer.

"En termes tactiques, c'est différent du vrai football, parce que les touches de balle sont limitées. Mais la qualité technique fait la différence, comme au foot, ainsi que la préparation des actions", explique Luiz Carlos Pires, ingénieur de 54 ans et autre mordu de la place Sao Salvador.

L'origine de ce jeu est incertaine, mais des historiens considèrent qu'il avait déjà des adeptes dans les années 1920 au Brésil.

Sa paternité a été officiellement attribuée à l'artiste et publicitaire de Rio de Janeiro Geraldo Decourt, qui en a publié les règles en 1930. À l'époque, il se jouait vraiment avec des boutons de vêtements.

En 2001, le gouverneur de Sao Paulo Geraldo Alckmin a décrété que le 14 février, jour de naissance de M. Decourt, serait désigné localement comme le "jour du joueur de football boutons".

Ce qui fait le charme de ce jeu pittoresque, c'est que les dix boutons qui représentent les joueurs sont décorés aux couleurs d'équipes du Brésil et du monde entier.

Les numéros, voire des noms de joueurs, sont souvent inscrits dessus, ce qui permet de reconstituer des équipes mythiques, voire de mélanger les générations, avec des stars actuelles évoluant aux côtés de légendes du passé.

Selon la fantaisie des joueurs, Neymar peut donc se retrouver aux côtés de Pelé. Les puristes préfèrent s'inspirer de vraies équipes de foot, mais des boutons ont aussi été créés avec des super-héros pour attirer les enfants.

- "Retrouver les copains" -

Cette passion a un coût: pour un jeu complet avec des boutons parfaitement polis et dotés de l'inclinaison idéale, il faut compter près de 180 réais, environ 42 euros.

"J'ai une collection de près de 80 équipes, avec des boutons en acrylique, mais aussi faits de noix de coco ou de vieux jetons utilisés autrefois pour payer le bus", explique avec fierté Alexandre.

En compétition, il préfère jouer avec son équipe de coeur, Flamengo, avec le bouton de son idole Zico toujours bien placé, ou avec le Real Madrid, que Zidane vient d'amener jusqu'aux sommets.

Après avoir marqué deux buts splendides avec le Real face à l'Inter Milan, ses collègues l'interpellent: "Fais gaffe, on va te faire passer le test antidopage!"

Alexandre regrette qu'un ami qui filme les buts au ralenti avec son téléphone n'ait pas pu immortaliser ses actions.

"Je joue depuis l'âge de quatre ans. C'est mon père qui m'a appris. Quand j'étais petit, je ne pensais qu'à gagner, mais ce qui me plaît le plus ici, c'est de retrouver les copains", affirme-t-il.

Joao Carlos da Silva Nunes, 59 ans, un des plus expérimentés de la bande, a été sélectionné pour jouer une simulation du Mondial-2018 dans un grand centre commercial de Rio.

Le format de la compétition sera totalement identique à celui du tournoi qui aura lieu du 14 juin au 15 juillet en Russie et il jouera avec l'équipe du Sénégal.

Mais à la différence du vrai football, les favoris au "football de boutons" ne sont pas forcément ceux qu'on croit: lors de la dernière édition, en 2014, c'était le Honduras qui l'avait emporté... et non l'Allemagne.

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