L'Ecole de la deuxième chance, tremplin pour les décrocheurs depuis 20 ans

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Par Julie Pacorel - Marseille (AFP)
Publié le 18 juillet 2018 - 11:54
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Des étudiants à l'Ecole de la deuxième chance de Marseille et leur professeur Lionel Silvy, le 29 juin 2018
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© BERTRAND LANGLOIS / AFP
Des étudiants à l'Ecole de la deuxième chance de Marseille et leur professeur Lionel Silvy, le 29 juin 2018
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"Ici j'ai appris le sens du mot +travailler+", se félicite Aymen, 22 ans, stagiaire à Marseille de l'Ecole de la deuxième chance (E2C): en 20 ans, le dispositif a permis à 90.000 jeunes en échec scolaire de retrouver confiance en eux.

Pour Aymen, "le calvaire" commence lorsqu'il rate son bac ES. "J'étais tellement en colère contre moi-même que j'ai refusé de redoubler", avoue ce Marseillais timide "mais ambitieux". Pendant deux ans, il a "vraiment galéré", n'a pas décroché un seul job. Jusqu'à ce que sa soeur lui parle de l'E2C de Marseille, qui recrute beaucoup de "décrocheurs" comme lui, qui cherchent leur voie.

Depuis qu'il a intégré l'établissement, le jeune homme enchaîne les stages. Son dernier employeur, Nicolas Guyot, directeur d'un hôtel sur le Vieux-Port, a été conquis: à la réception, Aymen s'est montré affable, poli, efficace... Sa seule erreur: "Le premier jour, il est arrivé en jean, mais il est aussitôt rentré chez lui se changer et ça ne s'est plus jamais reproduit".

"On ne leur apporte pas un savoir-faire mais un savoir-être", résume le chef d'entreprise, qui prend régulièrement en stage des jeunes de l'E2C, comme 2.500 entreprises de la cité phocéenne.

Pour Aymen, l'hôtellerie a été une révélation: "J'aime accueillir les gens, leur faire la conversation". C'est Nathalie Maria, chargée de mission entreprise qui suit la trajectoire d'Aymen à l'E2C, qui a pensé au secteur du tourisme pour ce jeune en échec scolaire "alors qu'il parle couramment 5 langues et est passionné de voyages".

En France, le réseau E2C compte en tout 124 sites-écoles, financés par les collectivités locales et territoriales, le ministère du Travail et l'Union européenne. Elles forment des jeunes de 16 à 25 ans, pour une durée de 6 mois en moyenne. La scolarité est gratuite, et les stagiaires perçoivent une indemnité de 300 euros par mois environ.

- "Phobie scolaire" -

Point commun: les stagiaires y suivent une scolarité "à la carte", qui permet de vraiment cibler leurs manques et leurs attentes. A l'Ecole de la deuxième chance, on donne aussi bien des cours de maths que de cuisine, et on passe autant de temps en entreprise qu'en classe. L'équipe enseignante se penche aussi sur les difficultés personnelles rencontrées par les jeunes, souvent un frein à leurs ambitions.

Thierry Mathias, formateur en anglais et bureautique à l'E2C de Marseille, constate qu'à leur arrivée à l'école, beaucoup d'élèves "ont une phobie scolaire": "la plupart sont des décrocheurs, le but c'est qu'ils se réconcilient avec l'apprentissage".

D'autres auraient aimé continuer leurs études mais en ont été empêchés, comme Assia Fari, 21 ans, arrivée début 2018 à l'E2C de Montpellier. Cette jeune Marocaine a obtenu un bac scientifique et a commencé un cursus dans une fac de sciences en Italie, où elle a grandi, avant de devoir rejoindre sa famille en France. "Grâce à l'E2C, je fais des stages dans la santé", se félicite aujourd'hui la jeune fille qui ne parlait pas français il y a un an.

Tout sourire, la jeune femme met aussi en avant les ateliers de théâtre. "Le décloisonnement culturel" est également un objectif de ces écoles, assure Thierry Mathias. "A Marseille, on se rend compte que les élèves des quartiers Nord ne connaissent même pas les calanques".

L'ancienne Premier ministre Edith Cresson, qui a initié le concept d'Ecole de la deuxième chance en 1998 alors qu'elle était Commissaire européen chargée de la recherche, de l'éducation et de la formation, assure que 68% des stagiaires sortent de ces écoles avec un emploi ou une formation qualifiante. "Toute une partie de la population n'a pas le socle de base, 100.000 jeunes sortent du système scolaire chaque année sans emploi ni diplôme", rappelle-t-elle.

Un "gâchis" contre lequel veut lutter la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. Fin juin, elle a annoncé l'ouverture de 6.250 places supplémentaires dans le réseau E2C et de 9 nouveaux sites.

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