Mobilisée et insolente, la jeunesse secoue une Allemagne vieillissante

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Par Isabelle LE PAGE - Berlin (AFP)
Publié le 29 mars 2019 - 09:56
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L'icône suédoise de la mobilisation climatique Greta Thunberg (en bas au centre) et l'allemande Luisa Marie Neubauer (au centre à droite) en tête du cortège de la manifestation en favuer du climet à B
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© Tobias SCHWARZ / AFP
L'icône suédoise de la mobilisation climatique Greta Thunberg (en bas au centre) et l'allemande Luisa Marie Neubauer (au centre à droite) en tête du cortège de la manifestation en
© Tobias SCHWARZ / AFP

L'Allemagne grisonnante observe interloquée sa jeunesse manifester en faveur du climat tous les vendredis au lieu d'aller en cours, un engagement politique inédit depuis la Réunification et teinté de conflit entre générations.

"Nous voulons un avenir: est-ce vraiment trop demander?", a lancé la Suédoise Greta Thunberg, égérie d'un mouvement devenu planétaire, invitant les Berlinois à rester combattifs.

"Ce n'est que le début du début", a-t-elle mis en garde.

Les jeunes Allemands étaient venus nombreux vendredi pour rencontrer leur modèle, qui a pour la première fois défilé avec eux dans la capitale: au moins 20.000, a indiqué le policier chargé des opérations à l'AFP, environ 25.000 selon les organisateurs.

"On va continuer de sécher les cours tous les vendredis parce que ça ne peut plus continuer comme ça avec le climat. Il faut tirer le frein d'urgence", a prévenu Franziska Wessel, une organisatrice à Berlin des "FridaysForfuture" ("Vendredispourl'avenir") qui réunissent depuis décembre des milliers d'étudiants, lycéens et collégiens.

- "Très inhabituel" -

La première économie européenne n'avait pas connu un tel intérêt politique de ses jeunes depuis la Réunification, souligne Klaus Hurrelmann, professeur de la Hertie School of Governance de Berlin. "C'est très inhabituel", indique-t-il à l'AFP.

L'engagement de la jeunesse allemande avait touché le fond pendant la crise financière mondiale de 2008, et renaissait doucement depuis, essentiellement via les réseaux sociaux, au fil d'un retour de la prospérité économique et d'une réduction du chômage.

Greta Thunberg, qui a démontré l'importance de la mobilisation dans la rue, a été un élément déclencheur. "On copie son obstination, on copie ses grèves, on copie aussi sa très bonne préparation sur le thème (du climat), bref Greta est un modèle", juge-t-il.

Face à leur détermination, les responsables politiques se sont retrouvés "à la fois irrités et démunis", poursuit le professeur Hurrelmann.

Notamment ceux du parti conservateur de la chancelière Angela Merkel. Un brin paternaliste, le ministre de l'Economie Peter Altmaier a tancé les enfants qui sèchent l'école. "Les manifestations ne seraient pas moins pertinentes en dehors des cours", a-t-il récemment estimé.

La chancelière a elle salué leur combat, ce que Jakob Blasel, un lycéen de 18 ans et organisateur du mouvement dans la ville du nord de Kiel, juge "ridicule".

"La protestation est dirigée justement contre Angela Merkel et son gouvernement qui ne font rien pour stopper la crise du climat !", dit-il à l'AFP.

- Conflit de générations -

Globalement, jeunes et adolescents allemands réclament que les responsables pensent à eux dans un pays où un adulte sur cinq a plus de 65 ans, selon l'office des statistiques, et où les seniors constituent déjà le plus gros contingent d'électeurs.

Et le phénomène va s'accentuer avec le départ à la retraite à partir de 2020 d'une grande partie des "baby boomers" nés après la Deuxième Guerre mondiale.

D'ailleurs, les débats au sein de la grande coalition réunissant conservateurs et sociaux-démocrates sur un projet de retraite de base illustrent les priorités des partis traditionnels.

"Les jeunes manquent d'une politique claire sur ce à quoi notre société va ressembler dans 20, 30 ans", et veulent avoir voix au chapitre, soulignaient récemment Horst Opaschowski, de l'institut de recherche sur l'avenir Hambourg, qui a publié une étude sur l'engagement politique des 14-20 ans.

Leur révolte touche donc à un conflit de générations. Car s'il n'est pas inhabituel que les jeunes rejettent la politique de leurs aînés, "un vote de défiance aussi clair, tel qu'il s'est exprimé ces dernières semaines, est unique et devrait secouer les partis", pointe le magazine Der Spiegel.

Cela pourrait constituer une chance, enchaîne Klaus Hurrelmann, si les formations représentées au parlement décidaient de prendre la jeunesse au sérieux.

Abaisser l'âge du droit de vote à 16 ans, comme évoqué par le Parti social-démocrate (SDP), ou un quota fixe de candidats de moins de 30 ans aux prochaines élections, pourraient selon lui les encourager à adhérer à des partis qui ont besoin "de se trouver de nouveau en phase avec la jeune génération".

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