A Provins, l'uniforme à l'école fait débat

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Par Camille MALPLAT - Bobigny (AFP)
Publié le 02 novembre 2018 - 09:00
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L'arrivée de l'uniforme dans les écoles publiques de la ville de Provins partage les parents autant qu'elle navre des spécialistes de l'éducation
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© PASCAL PAVANI / AFP/Archives
L'arrivée de l'uniforme dans les écoles publiques de la ville de Provins partage les parents autant qu'elle navre des spécialistes de l'éducation
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"Vecteur d'égalité" pour les uns, "démagogue et inutile" pour les autres: l'arrivée de l'uniforme dans les écoles publiques de la ville de Provins partage les parents autant qu'elle navre des spécialistes de l'éducation.

C'est une première en métropole. Au retour des vacances de la Toussaint lundi, les élèves des écoles élémentaires de Provins pourront venir en classe vêtus d'un uniforme.

Non obligatoire, la nouvelle tenue "sera portée par près de la moitié des élèves", assure Olivier Lavenka, maire (LR) de cette sous-préfecture de Seine-et-Marne, à l'origine de la mesure. "C'est une expérimentation, nous ferons le bilan dans quelques années".

Pour 137 euros, chaque enfant dispose d'un pantalon coupe droite, d'un gilet bleu ciel, de polos brodés de la devise républicaine et d'un blouson style aviateur. Un trousseau fourni gratuitement aux familles les plus modestes.

"J'avais peur que ça fasse vieillot, mais finalement c'est plutôt dans l'air du temps", se rassure Samantha Pelladé, 25 ans, qui l'a pris pour sa fille en CE1.

"Pour moi, c'est très important que les enfants soient habillés de la même façon, il n'y aura plus de jalousie entre les enfants de pauvres et les enfants de riches", estime-t-elle.

Un leurre pour Sabine, 51 ans, mère d'une élève de CM2: "Uniforme ou pas uniforme, il y aura toujours une distinction entre celui qui vient avec une paire de chaussures de marque et l'autre non".

A Provins, la mise en place de l'uniforme est sur toutes les lèvres.

"D'ores et déjà, au sein de familles, des tensions sont apparues entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre", relève Philippe Milville, délégué départemental de l'éducation nationale en Seine-et-Marne, qui regrette que les fonds municipaux investis ne l'aient pas été pour des projets pédagogiques.

En juin, la mairie avait organisé une consultation: 62% des parents s'étaient prononcés en faveur du port de l'uniforme.

Cette mesure a pour but "de mettre en lumière (...) ce qui rassemble et non pas ce qui divise", argue le maire, qui tient à souligner que la tenue scolaire unique existe dans beaucoup de pays, "mais aussi en Martinique ou en Guadeloupe".

"Plus pratique le matin pour habiller les enfants", "sentiment d'appartenance à la communauté éducative renforcée", "différences sociales atténuées": pour l'édile, l'uniforme participe à "un meilleur climat scolaire".

- "Poudre aux yeux" -

Une illusion pour Jean-Yves Rochex, professeur de sciences de l'éducation à l'université Paris 8: "C'est de la poudre aux yeux", s'agace-t-il. "On peut mettre tous les uniformes que l'on veut ça ne réglera pas les inégalités dans le milieu scolaire".

Le chercheur y voit une "mesure démagogique" proposée par certains politiques pour nourrir "une nostalgie réactionnaire d'une école qui n'a jamais existé". Face à la crise que traverse l'institution scolaire, "le mythe de l'école primaire d'antan" s'est développé, estime M. Rochex. "Pourtant dans les années 50, l'école était bien plus inégalitaire qu'aujourd'hui".

Ces dernière années, la question de la tenue scolaire unique est revenue dans le débat public. Depuis 2013, trois propositions de loi ont été déposées en ce sens.

Pendant la campagne de 2017, deux candidats à l'élection présidentielle, François Fillon et Marine Le Pen, proposaient eux aussi le "retour à l'uniforme".

Mais "dans le primaire, il n'y en a jamais eu !", tient à souligner de son côté l'historien de l'éducation Claude Lelièvre.

"On portait la blouse, et elles étaient pour la plupart différentes les unes des autres". Sa seule utilité, protéger les habits des taches d'encre. Et "elle a disparu à la fin des années 60 avec l'apparition du stylo bic".

"Finalement on ne sait s'il s'agit d'une mesure d'arrière-garde ou d'avant-garde", ironise-t-il.

Le maire de Provins avait lancé cette idée après que le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer se fut prononcé en faveur de l'uniforme dans les écoles qui le souhaitent.

Déplorant l'opposition à cette mesure "de personnes dont le métier est de créer du clivage", le ministre avait estimé en juin que "c'est un sujet qu'il faut dépassionner, regarder de manière concrète et qui peut être très positif".

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