Qui, avec quels moyens ? Interrogations après l'annonce d'une commission sur la pédophilie dans l'Eglise

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Par Karine PERRET - Paris (AFP)
Publié le 08 novembre 2018 - 16:39
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Un messe en l'honneur des victimes de pédophilie dans l'Eglise, à Sainte-Foy-lès-Lyon, le 7 novembre 2018
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© JEFF PACHOUD / AFP
Un messe en l'honneur des victimes de pédophilie dans l'Eglise, à Sainte-Foy-lès-Lyon, le 7 novembre 2018
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Quelle personnalité pour la présider ? Quelles compétences ? Avec quels moyens ? L'annonce, par les évêques, d'une commission "indépendante" sur la pédophilie dans l'Eglise était prudemment saluée jeudi, dans l'attente de précisions sur ses modalités d'action.

A ce stade, cette instance doit "faire la lumière" sur les abus sexuels sur mineurs dans l’Église depuis 1950 et "évaluer les mesures prises depuis les années 2000", selon l'annonce faite par la Conférence des évêques de France, mercredi à Lourdes. Avec, à la clé, un rapport, rendu "d'ici 18 mois à 2 ans". La personnalité qui la présidera - sa nomination pourrait intervenir à la mi-novembre - sera chargée de "la mettre en place, d'en nommer les membres et d'en préciser le périmètre".

"Nous attendons (...) de savoir quelles seront les modalités et le cadre pour l’action de cette commission, et quels moyens humains et financiers vont être alloués", ont déclaré jeudi les sept victimes reçues le week-end dernier à Lourdes, dans une déclaration commune transmise à l'AFP. Satisfaites de la démarche, elles restent "prudentes sur la suite", résume l'une d'entre-elles, Olivier Savignac.

"Quel recrutement des membres ? Quelles compétences ? Y aura-t-il une ouverture sans restriction aux archives diocésaines ? C'est encore flou à ce stade", observe Jean-Louis Schlegel, sociologue des religions, qui salue "une bonne intention", mais souligne également, au sujet de la question des moyens, que "l'Eglise de France n'est pas considérée comme riche, ce n'est pas l'Eglise allemande ou américaine".

"Pour assurer son indépendance, la nomination de ses membres doit être déléguée à une autorité indépendante, et la présidence assurée par une personnalité laïque sans lien d’obéissance ou de subordination avec l’Église ou une organisation qui lui serait liée", a estimé Témoignage Chrétien, qui avait été à l'origine d'un appel de personnalités en faveur d'une commission d'enquête parlementaire sur les actes de pédophilie dans l'Eglise, rejetée mi-octobre au Sénat.

"L'interdisciplinarité de ses membres sera essentielle", juge Olivier Bobineau, sociologue et auteur du livre "Le sacré incestueux, les prêtres pédophiles" publié en 2017 (avec deux autres auteurs). Il faudra une approche "à la fois juridique, ecclésiologique [sur la structuration et l'organisation de l'Eglise], psychologique, sociologique, historique et enfin politique" pour traiter du sujet.

A cela s'ajoute la nécessité selon lui "d'associer les victimes, comme membres de la commission, car elles mettront au cœur des échanges les dimensions affective ou émotionnelle et spirituelle, dimensions fondamentales pour elles et l’institution catholique".

L'avocat Jean-Pierre Mignard, qui faisait partie de l'appel de Témoignage Chrétien, plaide lui pour que les associations de victimes aient aussi leur mot à dire dans la composition de cette instance.

- Réparation financière -

La semaine dernière, le porte-parole de la CEF, Mgr Ribadeau Dumas, avait cité la présence possible d'historiens, magistrats, spécialistes de l'enfance, de sociologues et d'un "canoniste". Il avait dressé le parallèle avec une instance confiée en 1989 à l'historien René Rémond par l'archevêque de Lyon, le cardinal Decourtray, pour faire la lumière sur le soutien apporté par les milieux de l’Église au milicien Paul Touvier, collaborateur du régime de Vichy.

Au-delà de la commission, les personnes abusées s'interrogent sur l'annonce, faite mercredi également par les évêques, d'un "geste financier". Un terme "vague et réducteur", disent les victimes de Lourdes dans leur déclaration, même si elles se félicitent que la question soit évoquée. Elles "demandent explicitement une juste réparation financière des préjudices et frais subis, avec reconnaissance du statut de victime".

"Face à l'ampleur du fléau et au traumatisme subi", "le mot +geste financier+ ne sonne pas très bien", a aussi déploré François Devaux, président de l'association La parole libérée.

"Je ne suis pas inquiète. Les évêques ont opéré un vrai changement. Ils n'ont pas fait tout cela pour que cela reste formel. Il faut leur laisser le temps", veut rassurer Véronique Magron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France, également invitée à Lourdes.

"Nous voulons faire en sorte que l'Eglise soit un lieu sûr pour les enfants et adolescents", a redit le président de la CEF Mgr Georges Pontier, en clôturant les travaux de l'assemblée plénière jeudi.

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