"T'es le Premier ministre ? N'importe quoi" : Philippe en maraude avec le Samu social

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Par Marc PRÉEL - Paris (AFP)
Publié le 06 février 2018 - 11:47
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Une équipe de la Croix Rouge vient en aide à un sans domicile le 3 novembre 2012 à Saint-Germain-en-Laye
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© LOIC VENANCE / AFP/Archives
Une équipe de la Croix Rouge vient en aide à un sans domicile le 3 novembre 2012 à Saint-Germain-en-Laye
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"T'es le Premier ministre ? N'importe quoi! Fais voir ta carte !" : Edouard Philippe a participé lundi soir à une inhabituelle maraude avec le Samu social à Paris, alors qu'une vague de froid s'abat sur la France.

Boulevard de l'Hôpital dans le XIIIe arrondissement. Au coin d'une rue, deux SDF mal en point sont installés sur une bouche d'aération, deux compagnons d'infortune debout à leurs côtés. Ils pestent contre "la neige, le froid, la flotte" qui tombe depuis la matinée sur les trottoirs de la capitale.

L'équipe du Samu social, vêtements beiges et chasubles bleues, est accompagnée d'un petit aréopage: Edouard Philippe, le ministre de la Cohésion des Territoires Jacques Mézard, une poignée de conseillers et d'officiers en civil.

Le dialogue tourne un peu court avec les deux SDF allongés, passablement ivres, la voix rauque et épuisée.

"Mais vous monsieur, vous êtes qui ?", s'impatiente alors Patrice, debout avec un manteau rouge. "Je suis le Premier ministre", répond Edouard Philippe.

"Non ! Je vous crois pas... Montrez-moi votre carte ! T'es Premier ministre ? N'importe quoi", lance-t-il, incrédule.

Patrice raconte sa galère, l'hôtel à deux pas où il loge qui lui coûte "700 euros, avec mes 800 euros de pension", la banque qui refuse sa carte d'identité "alors qu'elles ont toutes été prolongées de cinq ans", la rue qui le guette.

L'équipe du Samu social essaie, elle, de convaincre les deux SDF ivres de ne pas passer la nuit dehors sur leur matelas de fortune: "On les connaît. L'un des deux, quatre fois sur cinq il accepte".

Ce soir encore, malgré l'activation du plan grand froid en Ile-de-France, on a dû refuser du monde au 115, comme l'a constaté le Premier ministre un peu plus tôt au central téléphonique du Samu social à Ivry-sur-Seine.

"A la fois on manque de places et on manque de sorties. On a un dispositif qui est complètement saturé et dont les gens ne sortent pas", résume Eric Pliez, le président du Samu social.

S'il continue à créer des places d'urgence face aux forts besoins, l'exécutif cherche à établir une politique de moyen terme, notamment en créant 50.000 places dans le logement social et dans des pensions de familles pour réduire le recours, massif et coûteux, aux hôtels.

"Il faut essayer de trouver des solutions qui ne soient pas simplement d'urgence", déclare à l'AFP le Premier ministre, tout en reconnaissant que "même quand on met les moyens, ça reste très compliqué de trouver des solutions efficaces et durables".

- 'Ceux qui n'y connaissent rien' -

 

"Les seuls qui pensent que c'est simple, ce sont ceux qui n'y connaissent rien, parce que tous les gens dont c'est le métier savent que c'est vachement compliqué", souligne-t-il en marchant dans la nuit parisienne.

Un peu plus bas sur le boulevard, près de la gare d'Austerlitz, le chemin des ministres croise celui de quelques SDF vivant sous des tentes igloo, principalement des Roumains. L'échange durera une quinzaine de minutes, en comité restreint.

"Ils nous ont carrément dit qu'ils étaient contents...", rapporte, presque incrédule, M. Mézard.

"Le jeune avec qui j'ai discuté il a bac+2, il a des diplômes d'électricité, mais il ne veut pas repartir en Roumanie, il veut rester là", ajoute-t-il. "Y compris en dormant sous la tente", complète Edouard Philippe.

"Ils veulent du logement mais du logement d'urgence ça ne les intéresse pas, même quand il fait froid", poursuit ce dernier.

Les deux membres du gouvernement termineront leur soirée dans une halte de nuit pour familles dans le VIe arrondissement.

Ces nouveaux centres d'accueil d'urgence doivent faire office de "premier pas vers une solution plus durable", explique Vera Vinagre, la coordinatrice.

Derrière elle, Edouard Philippe salue les mères et prend les petits enfants dans ses bras. Une famille africaine vient d'arriver en France, l'autre fuit un mari violent...

Loin des ors de Matignon, le Premier ministre explique : "On n'est pas nés de la dernière pluie donc on sait qu'il ne faut pas être prisonniers. C'est important à intervalles réguliers de voir, de rencontrer, d'échanger et puis d'apprendre".

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