Un avocat américain peut-il aller contre la volonté de son client ?

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Par Sébastien BLANC - Washington (AFP)
Publié le 17 janvier 2018 - 20:32
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Jusqu'où un avocat se doit-il de suivre son client quand ce dernier manifestement se leurre sur les chances de voir reconnaître son innocence ? La Cour suprême, photographiée ici le 27 juin 2016, a ex
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© MANDEL NGAN / AFP
Jusqu'où un avocat se doit-il de suivre son client quand ce dernier manifestement se leurre sur les chances de voir reconnaître son innocence ? La Cour suprême, photographiée ici l
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Pour tenter de sauver la tête d'un homme accusé d'assassinats, un avocat peut-il ignorer les protestations d'innocence de son client et admettre la culpabilité de celui-ci ? La Cour suprême à Washington a examiné mercredi cette question au coeur du procès pénal en Amérique.

En l'occurrence, Larry English, un avocat de Louisiane, a déclaré aux jurés d'une cour d'assises que l'homme qu'il était chargé de défendre, un Noir nommé Robert McCoy, avait bien tué trois victimes dans un accès de folie.

"Il existe des preuves irréfutables montrant que M. McCoy a causé la mort de ces trois personnes", a plaidé M. English, qui avait acquis la certitude qu'une stratégie de déni serait suicidaire.

Le calcul visant à obtenir en retour une dose de clémence ne s'est pas révélé payant: Robert McCoy a été condamné en 2011 à la peine capitale.

Le jury a conclu que l'accusé avait bien tué par balle le 5 mai 2008 sa belle-mère, Christine Young, le mari de celle-ci, Willie Young, ainsi que Gregory Colston, le fils de son épouse dont il vivait séparé.

L'arme utilisée dans les trois meurtres a été retrouvée sous le siège d'un véhicule utilisé par M. McCoy.

- 'Délire' de l'accusé -

Dans les semaines précédant le procès, Larry English a en vain exhorté Robert McCoy à plaider coupable, en échange d'une réclusion criminelle à perpétuité négociée.

Mais M. McCoy a préféré maintenir son innocence, axant sa défense sur une thèse selon laquelle il aurait été victime d'un coup monté après avoir découvert l'implication de policiers dans un trafic de stupéfiants.

Pour l'avocat, "M. McCoy était plongé dans un délire qui l'empêchait de considérer de façon rationnelle les preuves de sa culpabilité".

Le condamné exige un nouveau procès, estimant que son avocat a trahi l'essence même de sa mission.

Larry English, un Noir issu d'un milieu pauvre et rural de Louisiane, assure au contraire avoir consacré une bonne partie de sa vie à aider au mieux les Afro-Américains, face à une mécanique judiciaire qui les broie proportionnellement davantage.

Le sixième amendement de la Constitution des Etats-Unis garantit au citoyen le droit d'être assisté, s'il le souhaite, d'un conseil pour sa défense lors de poursuites pénales.

Dans ce cadre général, il est entendu qu'un avocat de la défense est censé se concerter avec son client pour toute décision importante.

L'avocat conserve toutefois une certaine indépendance et n'a pas à obtenir le feu vert de la personne qu'il représente pour chaque étape de la stratégie qu'il met en place.

Les neuf sages de la Cour suprême ont étudié mercredi comment concilier ces deux principes.

- L'avocat: un 'assistant' -

"De nombreuses personnes ne sont pas réellement capables d'organiser elles-mêmes leur défense", a souligné le juge Stephen Breyer, en soutien à l'idée que l'avocat devait orienter la tactique.

"Le premier objectif (de M. English) était d'agir dans l'intérêt de son client", a également assuré Elizabeth Murrill, l'avocate générale de la Louisiane.

Des arguments balayés par Seth Waxman, l'avocat de Robert McCoy, qui a maintenu que les rédacteurs du sixième amendement, au XVIIIe siècle, avaient strictement cantonné le rôle de l'avocat à "assister" son client, celui-ci restant libre de choisir sa défense.

"Si l'accusé dit +Je n'ai pas fait telle chose, je n'ai pas tué des membres de ma famille+, l'avocat de la défense ne saurait alors affirmer que, si, il l'a bien fait", a plaidé M. Waxman.

La Cour suprême rendra sa décision d'ici la fin du mois de juin.

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