Une statue d'esclave inaugurée à Bordeaux, ville au passé négrier

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Par AFP - Bordeaux
Publié le 10 mai 2019 - 18:35
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La statue représentant l'ancienne esclave Modeste Testas, du sculpteur haïtien Caymitte Woodly, est dévoilée à Bordeaux, le 10 mai 2019
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© NICOLAS TUCAT / AFP
La statue représentant l'ancienne esclave Modeste Testas, du sculpteur haïtien Caymitte Woodly, est dévoilée à Bordeaux, le 10 mai 2019
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La statue d'une esclave achetée par deux frères bordelais au XVIIIe puis affranchie, était inaugurée vendredi à Bordeaux en présence de sa descendante haïtienne, pas de plus dans la reconnaissance par la ville de son passé enrichi par l'esclavage.

La statue en bronze représentant, à échelle humaine, Modeste Testas (1765-1870), devait être dévoilée en fin d'après-midi par le maire (LR) Nicolas Florian et la haïtienne Lorraine Steed, sur un quai de Garonne au cœur de la ville, d'où partaient les bateaux des armateurs au plus fort de la splendeur commerciale - en grande partie négrière - de Bordeaux.

Modeste Testas, née Al Pouessi, avait été capturée adolescente en Afrique Orientale puis vendue à Pierre et François Testas, deux commerçants bordelais propriétaires d'une sucrerie sur l’île d'Haïti, alors Saint-Domingue.

François Testas emmena "Modeste" en 1795 aux États-Unis peu avant d'y décéder, lui octroyant par testament sa liberté et des terres à Saint-Domingue, où elle retourna vivre jusqu'à sa mort en 1870, à l'âge de 105 ans. Un des petits-fils de Modeste Testas, François Denys Légitime, fut président de la République d’Haïti de 1888 à 1889.

La statue, dans une pose mélancolique regardant vers l'estuaire de la Gironde, a été réalisée par un jeune sculpteur haïtien, Caymitte Woodly, dit Filipo, originaire de Port-au-Prince, dans un atelier girondin.

Inaugurée à l'occasion de la Journée nationale des Mémoire et de la traite de l'Esclavage, la statue "est un symbole fort (...). Il était important que cette œuvre témoigne du vécu d'une esclave au parcours exceptionnel, et en lien avec Bordeaux", a déclaré à l'AFP Marik Fetouh, adjoint au maire en charge de l’Égalité et de la Citoyenneté.

Après un buste de Toussaint Louverture, don d'Haïti inauguré en 2005, elle est désormais la deuxième statue commémorant l'esclavage à Bordeaux, mais beaucoup plus en vue que la première.

Bordeaux a progressé, ces dernières années, dans le travail mémoriel sur son passé négrier, avec des projets ou des réalisations déjà effectuées de plaques, "carré de la mémoire", site internet historique, etc.

La ville fut l'un des ports français qui bénéficia le plus de l'esclavage, avec jusqu'à 150.000 esclaves déportés par des armateurs bordelais entre les XVIIe et XIXe siècles.

"Nous nous réjouissons que cette partie de l'histoire bordelaise gagne en visibilité dans l'espace public", a déclaré à l'AFP Karfa Diallo, fondateur de Mémoires et Partages, une association dédiée à la mémoire de la traite des Noirs à Bordeaux.

Mais "ce travail de mémoire demeure incomplet", estime-t-il, demandant des plaques explicatives dans les rues aux noms d'anciens armateurs ou propriétaires de plantations (une quinzaine selon lui).

Cela sera le cas pour six rues avec un lien négrier avéré, rappelle M. Fetouh pour qui "s'il fallait mettre des plaques explicatives pour tous ceux qui ont profité de l'esclavage à l'époque, tout Bordeaux serait concerné".

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