On savait Serge Gainsbourg grand amateur de femmes. Au cours des dernières années de sa vie, entre 1985 et 1990, il a entretenu une relation avec Constance Meyer, aujourd’hui photographe. Elle révèle dans La Jeune Fille et Gainsbourg, ses relations avec l’icône de la chanson française, qu’elle a connue alors qu’elle n’avait que 16 ans, Gainsbourg avait alors 57 ans. Entretien.
France-Soir. Pourquoi avoir attendu un quart de siècle avant de raconter cette histoire ?
Constance Meyer. Parce que cette relation, la première que j’eus avec un homme, fut si intense qu’elle justifiait que je laisse du temps au temps. Il me fallait aussi respecter la famille de Serge. Qu’elle ait fait son deuil. Que son fils Lulu soit suffisamment grand. Je n’ai voulu choquer personne. Je ne suis pas une impudique.
F.-S. Vous écrivez n’avoir ressenti aucune gêne à avoir fréquenté un homme plus âgé que vous. Pourtant, vous considérez ce livre comme une thérapie…
C. M. Pas pour déculpabiliser d’avoir aimé un homme de quarante et un ans mon aîné, mais pour me soigner des maux engendrés par sa mort, en mars 1991, dont je ne m’étais d’autant pas remise que je n’ai pu lui dire adieu. Une souffrance qui m’envahissait et dont j’avais besoin de me libérer. Car conserver en soi un tel secret empêche le processus de deuil de s’accomplir.
« Bambou était au courant : elle le voyait le week-end ; moi, la semaine »
F.-S. Le fait qu’il partageait sa vie avec Bambou ne semble jamais avoir été pour vous tabou…
C. M. Serge était adulte. Il faisait, en conscience, ses propres choix. Je ne voyais pas les raisons pour lesquelles j’aurais interféré dans la manifestation de ses sentiments. D’autant que j’étais pleinement consentante. Quant à Bambou, je ne crois pas lui avoir enlevé quoi que ce soit, nous nous entendions parfaitement : elle le voyait le week-end ; moi, la semaine. Je n’ai fait qu’apporter à Serge le supplément d’affection dont a besoin tout grand artiste.
F.-S. Comment vos parents ont-il réagi en apprenant l’existence de cette liaison ?
C. M. Je vivais alors avec ma mère. Je ne le lui ai évidemment pas tout de suite avoué. Jusqu’au jour où elle a reçu un appel tardif de Serge, qui désirait me parler, alors que je dormais. Ce qui lui a mis la puce à l’oreille. J’ai fini par tout lui dire. Dans un premier temps, elle a manifesté de la réticence. Mais elle a vite pris conscience de l’opportunité que j’avais à fréquenter de si près un tel génie.
F.-S. Rétrospectivement, pensez-vous avoir été attirée par l’homme ou le symbole Gainsbourg ?
C. M. Sans l’ombre d’un doute, j’ai été séduite par ce qu’il était vraiment, pas par son image publique. De toute ma vie, je n’ai rencontré un homme aussi gentil, timide, touchant et généreux que lui.
F.-S. Cette toute première relation a-t-elle conditionné votre vision du rapport amoureux ?
C. M. Forcément. Et si j’ai connu d’autres amours, dont le père de mes deux enfants, aucune n’a été empreinte d’une telle intensité. Ce qui fait aujourd’hui de moi une femme en quête perpétuelle d’un idéal que mes années passées aux côtés de Serge Gainsbourg ont rendu inaccessible.
Un récit touchant
Une histoire incroyable que celle de Constance Meyer, une adolescente de 16 ans alors, bien sour tout rapport, bonne élève, de bonne famille, sans problèmes particuliers : laissant un simple mot avec son numéro de téléphone sous la porte de Serge Gainsbourg comme le firent des centaines de fans avant elle, elle réussit par miracle à le rencontrer, après qu’il l’eut appelée. Le début de cinq années d’une passion sans anicroches, de 1985 à la mort de l’artiste. Tout au long de ce récit émouvant, elle ne confesse aucun rapport charnel, pudeur oblige, préférant signer un vibrant hommage à celui qui demeure son plus beau souvenir. Les qualités humaines rares qui furent les siennes sont mises en exergue. Tout comme son mode de vie, sa manière de penser et d’agir, conformes à l’image que l’on eut du chanteur de son vivant.