"Another Day of Life" : la guerre civile angolaise de 1975 en dessin animé (vidéo)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 21 janvier 2019 - 13:43
Mis à jour le 18 janvier 2019 - 00:08
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Photo du film Another Day of Life
Crédits
©Kanaki Films/Gebeka Films
Un envoyé spécial polonais essaye de gagner la ligne de front lors de la guerre civile angolaise en 1975.
©Kanaki Films/Gebeka Films

CRITIQUE – Présenté hors-compétition au Festival de Cannes, le long métrage d'animation "Another Day of Life", ce mercredi sur les écrans, raconte le reportage d'un journaliste polonais dans le sud de l'Angola en pleine guerre civile. C'est l'histoire vraie du journaliste-écrivain Ryszard Kapuscinski.

SORTIE CINÉ – Comme son nom ne l'indique pas, le film Another Day of Life, qui sort ce mercredi 23 janvier sur les écrans, est un long métrage d'animation de deux jeunes réalisateurs –l'un espagnol, l'autre polonais– sur la guerre civile en Angola en 1975. Le film a été présenté hors-compétition au dernier Festival de Cannes.

Il est tiré du livre éponyme (bêtement titré en français D'une guerre l'autre, Ed. Flammarion), paru en 1976, d'un journaliste et écrivain polonais célèbre, Ryszard Kapuscinski, décédé en 2007 et qui est ici, dessiné, le personnage principal du film.

Kapuscinski travaille depuis 1962 comme correspondant permanent de l'agence de presse polonaise en Asie, en Amérique latine puis en Afrique quand il débarque à Luanda, capitale de l'Angola, en septembre 1975. Il a 43 ans et est un journaliste brillant, reconnu, idéaliste, engagé.

L'Angola, cette année-là, doit accéder à l'indépendance qu'a décidé de lui accorder le Portugal après la "révolution des Œillets" qui a mis fin au régime militaire portugais en 1974. La lutte pour le pouvoir éclate immédiatement entre les deux principaux mouvements de libération angolais: le MPLA, marxiste-léniniste, soutenu par l'URSS et Cuba; et l'UNITA, anti-communiste, soutenu par les États-Unis. Le pays est devenu le nouvel échiquier de la guerre froide.

Après de longues semaines d'attente, Kapuscinski obtient enfin le feu vert pour se rendre dans le sud du pays, sur la ligne de front. C'est ce reportage, dangereux, en pleine guerre civile, que raconte le film. C'est ce reportage et les rencontres qu'il y fera qui changeront la vie du journaliste, l'incitant à devenir écrivain…

Après une brillante carrière de journaliste depuis les années 50 au cours de laquelle il a couvert huit guerres, a assisté à la chute de l'empereur Hailé Sélassié en Éthiopie et à celle du chah d'Iran, a failli être condamné à mort à deux reprises, Ryszard Kapuscinski (voir ici sa photo en 1997) est devenu, dans le dernier quart du XXe siècle, un écrivain reconnu dont le nom a même été évoqué pour le Prix Nobel de littérature.

L'Angola en 1975 a été pour lui le déclic. C'est ce qu'explique le film, à la réalisation originale: il est constitué de 60 minutes d'animation et de 20 minutes de prises de vues réelles, plus des images et des photos d'archive. Dans ces 20 minutes, plusieurs personnages réels, qui ont côtoyé le journaliste polonais, racontent leurs souvenirs 40 ans après, donnant au film une touche documentaire.

Côté animation, le dessin est simple, épuré, hyperréaliste, et rend bien l'atmosphère de l'époque, ce monde des reporters de guerre avec téléscripteurs, machines à écrire, caméras à pellicule, magnétophones à cassette, calepins.

Le récit est un peu didactique mais engagé, comme l'était Ryszard Kapuscinski: les gentils du MPLA d'un côté, les méchants de l'UNITA de l'autre. A l'époque la Pologne était membre du bien-nommé Pacte de Varsovie rassemblant les pays de l'Est sous la tutelle de l'URSS.

"Les démunis n'ont pas de voix. Mon rôle est de leur en donner une. C'est ma mission", disait Kapuscinski pour expliquer son engagement. Le film soulève la question: le journalisme peut-il, doit-il changer le monde? A moins d'être éditorialiste, le journaliste sur le terrain –et notamment le correspondant de guerre– doit-il prendre parti et agir comme un militant, ou rester simple observateur neutre? Le personnage se pose la question en fin de film, quand un scoop sur l'engagement de Cuba auprès du MPLA le place devant un dilemme professionnel et humain.

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Mais les deux jeunes coréalisateurs, Raul de la Fuente et Damian Nenow, ont surtout voulu transposer à l'écran ce qu'essayait de faire Kapuscinski dans ses articles puis dans ses livres: concentrer son récit sur des individus, dans le but de les comprendre pour comprendre le monde. "Le message du film est universel et terrifiant. Comment comprendre, comment réparer le chaos de la guerre? C'est un éternel recommencement: plus on veut l'enrayer, plus il grandit", expliquent-ils. "Kapuscinski voulait comprendre la guerre pour pouvoir la combattre. Mais paradoxalement, il était aussi fasciné par la nature «romantique» du combat pour la liberté, par des figures iconiques comme Che Guevara".

On voit le vrai visage du journaliste-écrivain en 1975 lors du générique de fin, à côté d'autres photos de personnages réels et de panneaux explicatifs sur cette guerre civile angolaise qui, alimentée par la guerre froide, n'a pris fin qu'en 2002 et a fait, selon les estimations, un demi-million de morts.

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