Critique- "Cold War" : guerre froide et amour brûlant (video)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 23 octobre 2018 - 09:34
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Joanna Kulik Cold War Film
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©Diaphana Distribution
Joanna Kulik est Zula, la chanteuse polonaise qui ne veut pas passer à l'Ouest.
©Diaphana Distribution
CRITIQUE – Prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes, le film polonais "Cold War", dans les salles ce mercredi, raconte l'histoire d'un amour passionné, sur 15 ans, entre un homme qui a choisi de fuir à l'Ouest et une femme qui a préféré rester à l'Est.

SORTIE CINÉ – C'est l’histoire d’un amour impossible dans une époque impossible, une passion amoureuse entre un homme et une femme qui se rencontrent dans la Pologne en ruine d’après-guerre. Le film Cold War, du réalisateur polonais Pawel Pawlikowski, récompensé du Prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes, sort sur les écrans ce mercredi 24 octobre.

En Pologne, en 1949, un trio d'apparatchiks du ministère de la Culture –un pianiste chef d'orchestre, une musicologue, un bureaucrate– vont de village en village pour dénicher de jeunes talents capables de mettre en valeur le patrimoine musical du pays. Il s'agit de monter une troupe de danseurs et chanteurs pour promouvoir les traditions populaires et les vertus du régime communiste, la grandeur de Staline, la réforme agraire, la paix dans le monde.

Zula (Joanna Kulig), une belle jeune fille blonde au caractère très affirmé (elle a poignardé son père qui voulait la violer), fait partie des heureux élus. Elle ne tarde pas à devenir la maîtresse du pianiste chef d'orchestre, Wiktor (Tomasz Kot), et entre eux naît une passion dévorante, malgré (ou à cause de) leurs différences: leur passé, leur tempérament, leur caractère, leurs idées politiques.

Lors d'une tournée à Berlin-Est en 1952, Wiktor propose à Zula de passer à l'Ouest. Mais au dernier moment Zula y renonce et Wiktor se retrouve seul, de l'autre côté du Mur…

C'est le 6e film du réalisateur Pawel Pawlikowski, 61 ans, qui avait quitté sa Pologne natale à l’âge de 14 ans en 1971. Il s'est installé Angleterre en 1977, où il a tourné ses premiers films avant de retourner vivre en Pologne en 2013 et y tourner son précédent film, Ida, qui l'a fait connaître d'un public moins confidentiel en remportant l'Oscar du meilleur film étranger en 2015. Le film (voir la fiche ici) raconte l'histoire d'une jeune fille qui, sur le point d'être ordonnée religieuse dans la Pologne de 1962, découvre l'histoire de sa famille, entièrement disparue pendant la Seconde Guerre mondiale parce qu'elle était juive.

Comme pour Ida, le réalisateur a tourné Cold War en noir-et-blanc et dans un format d'image presque carré, ce qui ajoute un côté esthétique à une réalisation brillante, très maîtrisée, qui raconte une histoire s'étalant sur 15 ans. De 1949 à 1964, les deux amants Wiktor, devenu pianiste à Paris, et Zula, restée en Pologne avec sa troupe, vont se revoir, se manquer, se retrouver, se séparer, s'unir à nouveau, sans jamais cesser de s'aimer –à Paris en 1954, à Split en 1955, à Paris en 1957, en Pologne en 1959 puis en en 1964…

On ne comprend pas trop pourquoi Zula préfère rester à l'Est. Mais elle s'accommode sans problème du communisme, elle est devenue une chanteuse célèbre, une artiste importante du régime. A ses yeux Wiktor, chef de la troupe quand il était en Pologne et désormais simple pianiste anonyme à Paris, est moins séduisant, moins viril: "Là-bas tu étais un homme", lui reproche-t-elle.

Perd-on de son caractère et de son charisme lorsqu’on est en exil? C’est une question que le réalisateur s’est posée en pensant à son père, un médecin, courageux et extraverti chez lui mais qui, une fois à l’Ouest, semblait effrayé face à un directeur de banque. Car le film est largement basé sur la vie de ses parents et sur le couple tumultueux qu'ils ont formé jusqu'à leur mort en 1989. "Mes parents étaient des personnes très fortes et merveilleuses, mais en couple, c’était une catastrophe absolue", explique Pawel Pawlikowski, qui a donné à ses personnages de Zula et Wiktor les mêmes prénoms que ceux de sa mère et de son père (même s'il a changé plusieurs épisodes de leur vie, notamment la jeunesse de sa mère).

"Incompatibilité de tempéraments, impossibilité de vivre ensemble malgré un désir fou d’y arriver, souffrance de la séparation, difficulté de vivre en exil, appartenance à des cultures différentes, difficulté de la vie sous un régime totalitariste, difficulté de se comporter correctement malgré la tentation de se rebeller". Le réalisateur a mis tout cela dans son film où la guerre froide sert de toile de fond un peu factice à une histoire d'amour compliquée. Elle est communiste, il est anti-communiste, ils s'aiment et se déchirent –ça arrive dans les meilleures familles, même en Pologne.

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