"Jeanne" : le déconcertant film de Bruno Dumont sur la Pucelle d'Orléans (vidéo)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 09 septembre 2019 - 13:16
Mis à jour le 10 septembre 2019 - 23:42
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Film Jeanne
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©Les films du Losange
Sous une forme très stylisée, le film raconte les batailles et le procès de Jeanne d'Arc.
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CRITIQUE – Deux ans après un premier film sur l'enfance de Jeanne d'Arc, le réalisateur Bruno Dumont présente ce mercredi la suite, "Jeanne", où il est question des batailles et du procès de la Pucelle d'Orléans. Présenté au Festival de Cannes, le film est déroutant par sa forme très stylisée, à l'opposé du réalisme et de la vraisemblance historique de la plupart des films réalisés sur Jeanne d'Arc depuis plus d'un siècle.

SORTIE CINÉ – De Georges Méliès à Luc Besson en passant par Cecil B. De Mille, Carl Theodor Dreyer, Victor Fleming, Roberto Rossellini, Otto Preminger, Robert Bresson ou Jacques Rivette, nombreux sont les cinéastes qui ont raconté la vie de Jeanne d'Arc. Bruno Dumont s'y est lui aussi attelé, dans une forme très hermétique et contemplative, avec deux films: Jeannette, l'enfance de Jeanne d'Arc, sorti il y a deux ans, et sa suite Jeanne, qui débarque sur les écrans ce mercredi 11 septembre.

Avec sa bande-son rock et rap et sa chorégraphie de comédie musicale (voir ici la bande-annonce), Jeannette, l'enfance de Jeanne d'Arc était un film à part, original, iconoclaste, incongru, déjanté. Deux ans plus tard, Jeanne est plus épuré, plus solennel, plus mystique, moins déconcertant. Quoique.

Les voix intérieures de Jeanne d'Arc se sont tues, son enfance est derrière elle, le film raconte les batailles et la fin de sa courte vie. On est en 1429, la Guerre de Cent Ans fait rage. Jeanne, investie d’une mission guerrière et spirituelle, délivre la ville d’Orléans et remet Charles VII sur le trône de France. Elle part ensuite livrer bataille à Paris, où elle subit sa première défaite, avant d'être capturée par les Bourguignons puis vendue aux Anglais, jugée pour hérésie, condamnée à mort et (attention, spoiler) brûlée vive à Rouen en 1431 à l'âge de 19 ans.

"Raconter Jeanne d’Arc, c’est raconter la France. La France intemporelle. Représenter l’histoire de Jeanne d’Arc, c’est révéler ce qui est caché et mettre ainsi au jour ce qui nous relie: montrer ce qu’être français veut dire et pour chacun d’entre nous…", dit Bruno Dumont (le réalisateur notamment de L'Humanité primé au Festival de Cannes 1999 et de Ma Loute en 2016), qui a adapté la pièce de Charles Péguy (1873-1914) consacrée à cette héroïne nationale (voir ici un extrait du texte).

Il a choisi de le faire en adoptant une forme originale et stylisée, où rien n'est réaliste et tout est transposé, sans batailles ni combats, avec peu de figurants, une mise en scène minimaliste de théâtre filmé, des reconstitutions historiques moins réalistes qu'une kermesse de province. Ainsi, dans la première moitié, les dialogues entre les personnages ont lieu sur des dunes de sable, un lent ballet de chevaux filmé d'en haut illustre métaphoriquement la bataille livrée aux Anglais, la prison dans laquelle Jeanne est incarcérée avant son procès est un bunker en béton du Mur de l'Atlantique...

Surtout, les acteurs sont des non-professionnels, ce qui hélas se voit et surtout s'entend, dans une interprétation décalée qui ressemble à un mauvais cours de théâtre amateur. Cela s'arrange nettement avec des dialogues plus intéressants et de vrais acteurs dans la dernière partie du film, celle du procès, filmé là aussi symboliquement dans l'immensité de cathédrale d'Amiens vide (alors que le procès eut lieu historiquement dans la chapelle du château de Rouen).

Pour interpréter Jeanne, le réalisateur a choisi de garder sa jeune interprète Lise Leplat Prudhomme, qui avait 10 ans lors du tournage du premier film et qui continue ici d'être convaincante, toute petite dans son armure et très à l'aise dans sa diction un peu scolaire de dialogues très sérieux, solennels, péremptoires. "Cela ne vous regarde pas!", répète-t-elle avec conviction, têtue, à ses accusateurs, hommes d'Église qui lui demandent à plusieurs reprises si ce sont ses voix intérieures et divines qui l'ont guidée dans ses actes et décisions.

Pour ajouter –s'il en était besoin– au caractère baroque de ce film très intello et pas du tout grand public (il a reçu en mai dernier la mention spéciale du jury Un Certain Regard, la section parallèle officielle du Festival de Cannes), Fabrice Luchini fait une courte apparition dans le rôle du roi Charles VII et Bruno Dumont a demandé au chanteur Christophe de composer quatre chansons, dont l'une qu'il interprète en apparaissant à l'image dans le rôle du prédicateur Guillaume Evrard, l'un des juges de Jeanne d'Arc.

Ce Jeanne pas comme les autres, qui ne manque pas de profondeur et de hauteur d'esprit, est bavard –mais on finit par s'habituer au théâtre filmé et à ses représentations symboliques– et un peu long (2h18). D'où la lassitude, en fin de film, d'un des gardes de la Pucelle, dont le procès lui paraît interminable: "Je préfèrerais qu'on la brûle, parce que ça commence à faire long".

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