"La mort de Staline" : les Guignols du Kremlin (critique)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 03 avril 2018 - 14:56
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Steve Buscemi Film Mort Staline
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©Mitico/Main Journey/Gaumont
Khrouchtchev (Steve Buscemi, à gauche) et Beria (Simon Russell Beale) constatent le décès de Staline -et pensent déjà à sa succession.
©Mitico/Main Journey/Gaumont
Le film franco-britannique "La mort de Staline", qui sort ce mercredi, est l'adaptation d'une bande dessinée qui raconte de façon burlesque les événements de 1953. Le film n'a pas plu aux autorités russes actuelles, qui ont interdit sa projection.

Pas sûr que ce soit le film préféré de Vladimir Poutine. La mort de Staline, film franco-britannique qui sort ce mercredi 4 sur les écrans français, est interdit en Russie. Il est accusé de ridiculiser l'héritage historique du pays en racontant de manière burlesque la mort, en 1953, du dictateur soviétique et les intrigues qui se sont déroulées pour sa succession.

Lors de son dernier dîner fin février 1953 dans sa datcha de Kountsevo, dans les environs de Moscou, Staline (Adrian McLoughlin) est entouré de ses proches collaborateurs, ministres et membre du Politburo du Parti communiste de l'URSS: Lavrenti Beria, Nikita Khrouchtchev, Gueorgui Malenkov et Nikolaï Boulganine. Le repas est arrosé et les plaisanteries nombreuses. Ils regardent un western américain avec John Wayne.

Lire aussi – Russie: un cinéma annule les projections de La mort de Staline, après une intervention de la police

Après leur départ, Staline est victime d'une attaque cérébrale et décèdera le 2 mars, après plusieurs heures d'incertitude et de tergiversations. Alors que Malenkov assurera son intérim, une lutte féroce pour succéder à Staline aura lieu entre les deux dirigeants les plus manipulateurs et les plus intrigants du cercle de ses intimes: Beria (Simon Russell Beale), le redoutable chef de la police politique du pays, et Khrouchtchev (Steve Buscemi), qui finira par l'emporter avec l'appui des autres…

Etalé sur deux jours, le récit de cette mort et de cette succession de Staline est inspiré, en grande partie, des faits réels. Le scénario est l'adaptation de la bande dessinée La mort de Staline, des auteurs français Fabien Nury et Thierry Robin (Ed. Dargaud), parue en deux tomes en 2010 et 2012 et qui se base sur ces faits historiques.

C'était dans France-SoirMars 1953, la mort de Staline

Des producteurs français ont acheté les droits de la BD et ont confié le soin de l'adapter au cinéma au réalisateur écossais Armando Iannucci, connu en Grande-Bretagne pour être un spécialiste de la satire politique, en ayant réalisé notamment la série télévisée The Thick of It et le film In the Loop, critiques acerbes des méthodes des gouvernements britanniques de Tony Blair et de Gordon Brown.

Comme la BD, le film choisit dès le début de raconter les événements historiques de manière loufoque et burlesque. Les dialogues sont notamment volontairement drôles, pas réalistes, décalés, comme ceux d'une pièce de boulevard. Les personnages sont outrés, en font des tonnes, se comportent comme des guignols (mention spéciale à Jason Isaacs dans le rôle de Gueorgui Joukov, le chef et héros de l'armée). Le spectateur entre ou n'entre pas dans ce jeu, c'est selon: c'est très drôle ou très lourd, c'est selon.

"J’ai entrepris de réaliser une tragi-comédie", explique le réalisateur. "La comédie est présente tout du long, mais également la tragédie et ce, souvent dans la même scène, simultanément, parce que c’était la réalité. Nous nous sommes documentés sur le Moscou des années 40 et 50 et c’était une époque abominable: chacun connaissait quelqu’un qui avait été envoyé au goulag ou qui avait été exécuté. Pour supporter une telle situation, des recueils de blagues circulaient sur Staline et Beria. Ces recueils étaient très populaires mais on aurait été exécuté si on était pris en possession d’un exemplaire. Cette tension est si effrayante que ça en devient étrangement comique, d’une manière légèrement hystérique. Notre intention était de réaliser un film drôle qui désarçonne".

Lire aussi – La réhabilitation de Staline avance en Russie

Effectivement, les exactions, les exécutions sommaires, les purges politiques, le goulag, le régime de terreur de l'URSS d'alors –qui ont fait des millions de morts– alternent avec les pitreries et les dialogues hilarants des guignols du Kremlin. On rit et on frissonne, c'était horrible mais il vaut mieux s'en moquer, anticommunisme primaire et dérision généralisée. Ce n'est pas le film préféré de Vladimir Poutine, sans doute.

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