"Les Drapeaux de papier" : le premier film d'un réalisateur français de 19 ans (vidéo)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 11 février 2019 - 14:05
Mis à jour le 12 février 2019 - 20:42
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Noemie Merlant et Guillaume Gouix dans le film Les Drapeaux de papier
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©Sensito Films/Rezo Films
Noémie Merlant et Guillaume Gouix, soeur et frère dans le film.
©Sensito Films/Rezo Films

CRITIQUE – Il s'appelle Nathan Ambrosioni, est originaire de Grasse et n'a que 19 ans. Il vient de réaliser son premier long-métrage, "Les Drapeaux de papier", qui raconte la réinsertion, après 12 ans de prison, d'un jeune homme qui est aidé par sa sœur.

SORTIE CINÉ – Il a passé son bac il y a un an et demi et présente aujourd'hui, à 19 ans, son premier long-métrage. Nouveau petit génie précoce du cinéma français, Nathan Ambrosioni raconte dans Les Drapeaux de papier (ce mercredi 13 février sur les écrans) une histoire simple, forte et émouvante.

Après avoir purgé une lourde peine, Vincent (Guillaume Gouix), 30 ans, sort de prison et revoit sa sœur Charlie (Noémie Merlant), 24 ans, pour la première fois depuis 12 ans. Charlie voudrait être artiste mais est caissière dans un supermarché d'une petite ville de la Côte d'Azur et mène une vie tranquille et tristounette. Elle a du mal à joindre les deux bouts mais veut aider son grand frère à retrouver place dans la société: leur mère n'est plus là, leur père ne veut pas revoir Vincent, Charlie est la seule à pouvoir le soutenir.

Première étape de la réinsertion difficile de l'ancien prisonnier: trouver du travail. Quand il balance le radio-réveil en hurlant "Putain de merde!" parce qu'il ne trouve pas le bouton d'arrêt, ou quand il pète les plombs et se bagarre à l'issue de sa première journée d'essai comme plongeur dans un restaurant, on se dit que ça va être compliqué… 

Car Vincent, gentil garçon, est impulsif et violent, incontrôlable: "je casse tout quand je m'énerve", explique-t-il à la psy qui le suit. "Dis-moi comment faire pour être quelqu'un de bien, quelqu'un de mieux!", hurle-t-il quand Charlie lui dit: "Je suis ta petite sœur, pas ta mère". C'est dur, mais tous deux ne baissent pas les bras…

Dans cette histoire simple d'une réinsertion après la prison et des liens forts entre frère et sœur, Guillaume Gouix oscille entre fureur et envie de s'en sortir, mais c'est Noémie Merlant qu'on remarque le plus. La jeune actrice de 30 ans, vue récemment dans Le Ciel attendra (où elle interprétait une jeune fille de banlieue sur le point de se radicaliser et d'aller faire le djihad en Syrie), est très émouvante notamment dans deux scènes: quand on la voit pleurer toute seule en silence dans sa voiture après s'être disputée avec Vincent et l'avoir chassé, et peu après quand elle lui parle au téléphone, toujours dans sa voiture.

Lire la critique: Le Ciel attendra: déradicalisation djihadiste féminine

Tous deux remarquables, Guillaume Gouix et Noémie Merlant démontrent la maturité, déjà, dans la direction d'acteurs, de ce jeune réalisateur de 19 ans, Nathan Ambrosioni, qui a aussi fait lui-même le montage de son film, dans lequel il cadre souvent les visages au plus près et évite toute fioriture ou effet facile. "J’ai vécu une vie très simple, et c’est ce que je voulais raconter: une histoire simple, sans grandes péripéties, sans un récit compliqué. Je voulais un film porté par les sentiments et je voulais filmer des acteurs", explique-t-il.

Il a écrit le scénario de son film à 17 ans, après s'être passionné pour les films d'horreur depuis ses 12 ans et avoir réalisé quelques courts-métrages avec ses copains. "Je voulais écrire un film qui parle de la liberté", dit-il. "J’avais 17 ans, je savais qu’un jour ou l’autre j’allais quitter mes parents, je me posais beaucoup de questions sur la manière dont j’allais appréhender cette liberté. Je suis tombé par hasard sur un article dans Libération qui m’a bouleversé: c’était le portrait d’un prisonnier qui avait fini de purger sa peine. Il vivait ce qu’on appelle une sortie sèche, sans aucune aide de l’État. Il devait retrouver seul sa famille, ses anciens amis: mais quand on sort à 30 ans, après 12 ans de prison, que reste-t-il des relations d’avant?" Le titre du film fait allusion à un détail, presque inaperçu, dans une scène en début de film.

Le jeune réalisateur (voir ici sa photo), né à Grasse, n'est pas issu des milieux du cinéma (père ingénieur, mère commerçante) et n'a pas fait d'école de la profession. Mais on le compare déjà à un autre réalisateur précoce, le Québécois Xavier Dolan, qui réalisa son premier long-métrage (J'ai tué ma mère) au même âge que lui et dont le cinquième film, Mommy (2014), "a été un vrai déclic" pour lui. "On me disait que ça me plairait, je répondais que ce genre d’histoires ne m’intéressait pas. Et puis, pour faire plaisir à ma mère, le jour de la Fête des mères d’ailleurs, je l’ai regardé avec elle, en pensant que c’était un film familial. Le film m’a beaucoup plu, m’a fait comprendre qu’on pouvait faire ressentir au spectateur autre chose que la peur –le ressort classique du cinéma d’horreur. J’adore le cinéma qui provoque quelque chose de sensoriel. J’adore aller au cinéma voir les gens pleurer: un film qui arrive à émouvoir 300 personnes en même temps, c’est passionnant! J’ai eu envie de faire des films comme ça moi aussi. Et en m’intéressant à la biographie de Xavier Dolan, j’ai découvert qu’on avait le droit de faire du cinéma très jeune, sans forcément passer par les chemins obligés".

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