"L'Idéal" : Frédéric Beigbeder crache dans la soupe (VIDEO)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 10 juin 2016 - 14:44
Mis à jour le 15 juin 2016 - 11:27
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Audrey Fleurot Gaspard Proust Film L'Idéal
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©Légende Distribution
Audrey Fleurot et Gaspard Proust, couple infernal de "L'Idéal".
©Légende Distribution
Pour son deuxième film comme réalisateur, "L'Idéal", qui sort ce mercredi, Frédéric Beigbeder décrit et critique les milieux de la mode et de la beauté. Gaspard Proust y interprète le personnage principal, qui est un peu son double à l'écran.

Talentueux touche-à-tout, l'écrivain et journaliste Frédéric Beigbeder, dans son deuxième film comme réalisateur, L'Idéal (ce mercredi 15 sur les écrans), critique avec une ironie mordante les milieux de la mode et de la beauté, qu'il connaît bien.

Tiré de son roman de 2007 Au secours pardon (Ed. Grasset), le film est un peu la suite de 99 Francs, le film de Jan Kounen qui, également tiré d'un de ses livres, décrivait le monde de la pub dans lequel il a travaillé pendant une dizaine d'années.

Dans 99 Francs, c'est Jean Dujardin qui incarnait Octave Parango, le double cinématographique de Beigbeder. Ici c'est l'humoriste Gaspard Proust, encore plus proche de lui, qui reprend le rôle.

Octave, après avoir été concepteur-rédacteur dans les agences de pub, s'est reconverti comme recruteur dans les agences de mannequins. Il exerce ses talents à Moscou, où il mène la belle vie, cynique et hédoniste, multipliant les coucheries avec de jeunes mannequins russes et passant la plupart de son temps dans les jets privés et les soirées arrosées de ses amis milliardaires.

Mais un jour, on l'engage pour un travail plus difficile. L'Idéal, l'entreprise française numéro un mondial des cosmétiques, secouée par un scandale médiatique provoqué par une de ses égéries, a besoin d'urgence de redorer son image. Elle fait appel à lui pour cela et l'envoie en mission en Russie, afin qu'il trouve la perle rare, une nouvelle égérie inconnue, jeune, belle, pure… Il est accompagné dans cette expédition par Valentine Winfeld (Audrey Fleurot), directrice visuelle de L'Idéal, sèche, autoritaire et insupportable. Le duo n'a que sept jours pour réussir…

La pub, la mode, la presse, le cinéma, l'édition: Frédéric Beigbeder crache dans la soupe veloutée qui le nourrit depuis une trentaine d'années. Pas besoin d'un décodeur pour faire le parallèle entre L'Idéal (dont le slogan est "Parce que t'es toi") et une marque de cosmétiques mondialement connue. La dictature des canons de la beauté (minceur, jeunesse, couleur de peau) imposés par les milieux de la mode? Frédéric Beigbeder, 50 ans, marié depuis deux ans à l'ex-mannequin Lara Micheli, 25 ans, et directeur de la rédaction du magazine de charme Lui depuis trois ans, connaît tout cela. Et assume ses contradictions: "Oui, je passe mon temps à exposer mes contradictions dans tout ce que je fais. Et cela m’amusait de faire des rapprochements avec ma vie. (…) Comme 99 Francs, c’est une comédie noire qui regarde les travers de ma vie. Sauf que le milieu de la pub est remplacé par celui de la beauté".

Sans révéler la fin du film, il passe d'une description acerbe du monde de la mode et de la beauté à un éloge fourre-tout de la nature, des "vrais" gens, de la "vraie" vie, des "vraies" valeurs, du temps libre, des Femen et des couples lesbiens: autant de thèmes à la mode -décidément il n'en sort part.

Pour autant, il faut lui reconnaître un certain courage, un zeste de sincérité et pas mal de talent, pour dénoncer tout cela dans ce film en forme de satire sociale et politique de notre époque: "Dans la mesure où l’on évoque un sujet aussi grave que le sort de ces filles qu’on va chercher à l’autre bout du monde pour les jeter dans les griffes de l’industrie, je me sentais une vraie responsabilité", dit-il. "Il y a en ce moment un mouvement de mannequins qui se révoltent de plus en plus contre l’anorexie, le racisme, les humiliations physiques. Il semble qu’on ne peut pas continuer comme cela dans ces métiers-là".

Le film a beaucoup de rythme, et si le scénario est un peu paresseux et sans trop d'intérêt (avec un retournement final des personnages aussi mielleux que peu crédible), quelques moments forts (notamment une gigantesque fête orgiaque à Moscou avec créatures de rêve, nain suspendu et hallucinantes montagnes russes -forcément), des dialogues souvent très drôles et un génial clin d'œil final démontrent le talent et le savoir-faire protéiforme de l'écrivain-journaliste-réalisateur.

Réalisateur car c'est déjà son deuxième film derrière la caméra. En 2012 il avait lui-même joliment adapté son roman L'amour dure trois ans, où il évoquait davantage les hauts et les bas de la vie sentimentale que les milieux de la pub et de la mode. Dans ce film, son alter ego à l'écran était déjà Gaspard Proust, qui poursuit donc sur sa lancée avec un personnage tête-à-claques dont le cynisme et l'humour au second degré rappellent le ton de ses sketches habituels.

A ses côtés Audrey Fleurot -que Frédéric Beigbeder a mise en couverture de son dernier numéro de Lui, on n'est jamais si bien servi que par soi-même en matière de pub et de communication- en fait un peu trop, dans un rôle volontairement caricatural.

Dans le genre, puisqu'il faut pousser le curseur au maximum, on préfère Jonathan Lambert, travesti en femme pour interpréter la directrice générale de L'Idéal, épatant(e) et hilarant(e) à chacune de ses apparitions, et qui prononce la réplique la plus drôle du film, qu'on peut entendre dans la bande-annonce: "Et souvenez-vous", dit-il au duo qu'il envoie en Russie trouver une nouvelle égérie, "qu'on veut une fille tellement jeune que quand on lui parle de 39-45, elle pense tailles de chaussures".

(Voir ci-dessous la bande-annonce du film):

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