"Lourdes" : toute la souffrance –et tout l'espoir– du monde (vidéo)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 07 mai 2019 - 09:32
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Film Lourdes
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©Mars Films
Un aide-soignant partage en cachette une cigarette avec le pèlerin paralysé dont il s'occupe.
©Mars Films

CRITIQUE – Depuis l'apparition présumée de la Vierge à Bernadette Soubirous, la grotte de Lourdes a accueilli des dizaines de millions de pèlerins venus y chercher un miracle. Ce sont plusieurs d'entre eux que montre le documentaire "Lourdes", qui sort dans les salles ce mercredi.

SORTIE CINÉ – Chaque année plusieurs centaines de milliers de personnes visitent le sanctuaire de Lourdes et sa grotte, où la jeune Bernadette Soubirous, âgée de 14 ans, affirme avoir vu la Vierge Marie à 18 reprises en 1858. Le documentaire Lourdes, qui sort sur les écrans ce mercredi 8 mai, suit quelques uns de ces pèlerins et leurs accompagnateurs avec pudeur, émotion et empathie, sans tomber dans le misérabilisme.

Le film est réalisé par le journaliste Thierry Demaizière et le caméraman Alban Teurlai, qui ont souvent travaillé pour la télévision et dont c'est le troisième documentaire pour le cinéma. Les deux premiers, il y a trois ans, portaient sur des sujets très différents: Relève, histoire d'une création, s'intéressait à un spectacle du danseur Benjamin Millepied à l'Opéra de Paris, et Rocco dressait le portrait de l'acteur porno italien Rocco Siffredi.

"À notre grande stupéfaction, aucun documentaire au cinéma n’avait été réalisé sur Lourdes", dit Alban Teurlai. "Il y a eu des fictions, de nombreux reportages télévisés sur les rues marchandes et les marchands du Temple mais rien sur les pèlerins, rien sur leur démarches: pourquoi viennent-ils? Qu’espèrent-ils? Que représente la Vierge pour eux?".

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Les deux réalisateurs ont donc suivi pendant un an une dizaine de pèlerins, d'origines et de conditions différentes: un ancien chef d'entreprise atteint de la maladie de Charcot et qui sait qu'il va mourir bientôt; un militaire en uniforme qui vient avec son jeune fils de 8 ans pour prier afin que son deuxième fils de 2 ans, lui aussi condamné, ne souffre plus; une adolescente obèse et atteinte d'une maladie orpheline qui veut qu'on arrête de se moquer d'elle à l'école et sur Internet; un handicapé mental d'une quarantaine d'années en fauteuil roulant venu avec ses parents; un homme paralysé après une tentative de suicide, qui ne peut s'exprimer qu'en cochant des lettres sur un abécédaire et qui fait le pèlerinage depuis une quinzaine d'années; des prostituées et des travestis du bois de Boulogne accompagnés par un prêtre qui veut les sortir de leur condition; des gitans qui organisent leur pèlerinage annuel et se sentent enfin consolés de n'être pas mis à l'écart.

"Je suis agnostique et Alban est athée", explique Thierry Demaizière. "Lourdes n’est pas un film sur la religion. Ce qui se passe là-bas dépasse une quelconque démarche de foi. Pour reprendre une phrase de Jean-Claude Guillebaud dans un article publié dans La Vie, «On peut (y) mettre de côté ses croyances, qui relèvent de l’ordre privé, et déceler en ce lieu un «quelque chose» de bouleversant». C’est ce «quelque chose» qui nous intriguait. On avait l’intuition que Lourdes devait être un creuset d’humanité et qu’il devait s’y passer «quelque chose» d’un peu dingue sur la condition humaine; «quelque chose» qui dépassait même la foi et qui interrogeait notre rapport à la souffrance et à la mort".

Les images sont parfois difficiles à regarder car la plupart des personnes filmées souffrent de handicaps lourds. Mais le documentaire ne tombe pas dans le larmoyant et s'intéresse aussi au dévouement, à la bienveillance, à l'humanité des soignants et bénévoles qui accueillent ces malades pendant ces pèlerinages d'une semaine. Des séquences avec parfois de l'humour alternent avec des moments d'émotion pure, comme cette jeune bénévole de 22 ans aux multiples tatouages qui regarde avec amour et admiration une femme de 95 ans qui a encore toute sa tête, ou ce jeune aide-soignant qui échange en cachette une cigarette avec l'homme en fauteuil roulant dont il s'occupe, un ancien couvreur paralysé après être tombé d'un toit.

Depuis l'ouverture du sanctuaire de Lourdes, l'Église catholique a reconnu officiellement 70 guérisons miraculeuses attribuées à des pèlerinages à la grotte, sur plus de 7.000 médicalement inexpliquées.

Plusieurs films ayant un rapport avec la religion sont sortis sur les écrans depuis deux ans, notamment L'Apparition (2018, de Xavier Giannoli), La Prière (2018, de Cédric Kahn), Le Pape François, un homme de parole (2018, de Wim Wenders), Marie Madeleine (2018, de Garth Davis), Grâce à Dieu (2019, de François Ozon).

Lire les critiques:

> L'Apparition: Vincent Lindon sur la piste de la Vierge Marie

> La Prière: la foi qui sauve

> Grâce à Dieu: François Ozon dénonce le scandale des prêtres pédophiles

Mais ici le documentaire dépasse l'aspect religieux de Lourdes et ne veut pas porter de jugement ni chercher à émouvoir le spectateur avec ces morceaux d'humanité, ces tranches de vies brisées, abîmées, meurtries, ces témoignages de toutes les souffrances et de tous les espoirs du monde. "Qui sommes-nous pour juger ceux qui décident d’aller à Lourdes?", dit Thierry Demaizière. "Que ferions-nous le jour où un médecin vous dit qu’il n’y a plus aucun espoir?".

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