"Place des Victoires" : invraisemblances et bons sentiments (vidéo)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 07 novembre 2019 - 17:18
Mis à jour le 12 novembre 2019 - 12:21
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Guillaume de Tonquedec Film Place Des Victoires
Crédits
©Alba Films
Guillaume de Tonquédec a en face de lui un jeune Rom qui n'avait jamais fait de cinéma, Piti Puia.
©Alba Films

CRITIQUE – Guillaume de Tonquédec est à l'affiche du film "Place des Victoires", qui sort ce mercredi dans les salles. Il y interprète un chômeur dépressif qui rencontre un jeune Rom pickpocket et tisse avec lui une amitié complice.

SORTIE CINÉ – Une cascade d'invraisemblances et un torrent de sentimentalisme plombent le film Place des Victoires (ce mercredi 6 novembre sur les écrans), dont le scénario part pourtant d'une bonne intention: la rencontre à Paris entre un chômeur quadragénaire et un adolescent rom pickpocket.

Ancien patron d'une entreprise de 17 employés, Bruno (Guillaume de Tonquédec) est au chômage et ne touche que le RSA, vit seul séparé de sa femme avec interdiction de voir leurs deux enfants, ne paye pas son loyer depuis cinq mois, et est donc en pleine déprime. Un jour, alors qu'il tente de retirer de l'argent d'un distributeur, il est agressé dans une rue de Paris par une bande de jeunes Roms, qui lui volent son téléphone portable.

Il poursuit les voleurs et parvient à attraper le plus jeune d'entre eux, un gamin de 11 ans, qu'il décide de ramener chez lui le soir-même pour qu'il le conduise, le lendemain, à sa famille afin de récupérer son portable. Mais quand le gamin le mène à son camp de Roms dans la banlieue parisienne, Bruno n'a pas le cœur à importuner cette famille pauvre, et retourne chez lui en laissant l'adolescent.

Pourtant, peu après, celui-ci revient et lui rapporte son portable. Bruno décide alors de l'accueillir chez lui quelques jours, et entre ces deux marginalisés va naître une complicité…

"J’ai construit une histoire simple dans laquelle un adulte se cogne au réel, avec des obstacles que nous connaissons tous, tels que la dureté de l’époque, les problèmes d’argent, la précarité, les errements et conflits personnels. Face à cet homme tombé des étages, débarque un enfant de la rue, solaire et plein de vie que je voulais empreint de poésie", explique le réalisateur, Yoann Guillouzouic, 45 ans, dont c'est le premier long-métrage et qui en a également écrit le scénario.

Face à Guillaume de Tonquédec, César 2013 du meilleur acteur dans un second rôle pour Le Prénom, et vu récemment en paysan dans Roxane, le réalisateur a trouvé pour le rôle du jeune Rom un adolescent qui ne parlait pas français et vivait, comme dans le film, dans un camp de fortune en région parisienne.

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Le personnage de ce gamin est espiègle et malicieux, son interprète (Piti Puia) a une belle présence à l'écran, et le film ne manque pas de tendresse et d'une certaine poésie. Le réalisateur n'en rajoute pas sur l'empathie ou les clichés envers les Roms chapardeurs et marginaux de la société. Mais cette comédie dramatique sociale est globalement gâchée par les bons sentiments, la musique mielleuse (dès le générique de début) quand il faut avoir la larme à l'œil, et des tentatives d'humour qui tombent souvent à plat.

Car outre que le personnage de Bruno, yeux de cocker triste et bonnet de SDF, est chômeur, au RSA, séparé de sa femme et de ses enfants, sans le sou, dépressif et alcoolique, le scénario en rajoute dans le misérabilisme: il vole sa grand-mère qui est dans le coma à l'hôpital, sa famille ne le soutient pas, son propriétaire est un vieillard (Richard Bohringer) qui a du mal à joindre les deux bouts, et sa voisine de palier, une jeune étudiante, se prostitue et lui glisse dans l'escalier "On se relève de tout, vous savez".

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Surtout, les invraisemblances dans l'histoire se succèdent à un rythme régulier: Bruno ramène chez lui le petit Rom et le garde pour la nuit; celui-ci lui rapporte son portable; il s'incruste et fait la vaisselle comme une vraie petite fée du logis; Bruno l'emmène dîner dans un restaurant japonais chic; il l'accompagne dans ses cambriolages d'appartements et ses recels d'objets volés… À un moment donné, devant l'accumulation des scènes peu crédibles, on est tenté de reprendre une des répliques de la fin du film pour qualifier le scénario de cette histoire: "On ne peut pas continuer comme ça. On court au désastre".

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