"Toni Erdmann" : le grand oublié du palmarès du Festival de Cannes (VIDEO)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 11 août 2016 - 19:54
Mis à jour le 16 août 2016 - 19:57
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Film Toni Erdmann
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©Haut-et-Court
Sandra Hüller et Peter Simonischek, la fille et le père, renouent des liens.
©Haut-et-Court
Porté aux nues par la presse au dernier Festival de Cannes mais absent du palmarès, le film allemand "Toni Erdmann" sort dans les salles françaises ce mercredi. Entre humour et émotion, il raconte comment un père tente de rendre la joie de vivre à sa fille accaparée par son métier.

Chouchou de la presse au dernier Festival de Cannes mais reparti bredouille, le film allemand Toni Erdmann sort sur les écrans français ce mercredi 17. De quoi permettre aux spectateurs de juger qui a eu raison, les critiques de lui avoir promis une place au palmarès ou les jurés de ne pas lui en avoir accordée.

Ines, une Allemande de 37 ans, célibataire, travaille à Bucarest dans un cabinet de conseil chargé de recommander l'externalisation –et donc des centaines de suppressions d'emplois– chez une compagnie pétrolière roumaine. Chignon et tailleur strict, elle ne sourit jamais, a un amant sans intérêt, est constamment pendue à son téléphone portable et à son ordinateur, et se bat pour faire son chemin dans un monde dominé par les hommes.

Un jour, son père Winfried débarque à Bucarest pour la voir. Ce père un peu encombrant, aux cheveux longs, séparé de sa femme, est prof de musique à la retraite, a un petit boulot dans une maison de retraite et un chien aveugle et mourant. Il passe de temps en temps rendre visite à sa vieille mère et adore faire des blagues et se déguiser, pour masquer un caractère mélancolique.

Quand il vient rendre visite à sa fille, celle-ci est contente, mais sans plus. Elle se sent incapable de répondre à sa question: "Es-tu heureuse?". Elle pleure sur son balcon quand il repart en taxi, mi-soulagée mi-triste (une jolie scène).

Mais au lieu de rentrer en Allemagne, et sans la prévenir, le père reste à Bucarest. Et refait son apparition dans la vie de sa fille, déguisé avec une perruque et de fausses dents. Il se présente comme un certain Toni Erdmann, et s'incruste dans les réceptions et les sorties de sa fille, pour lui faire comprendre que l'essentiel dans la vie n'est peut-être pas là où elle le pense et que le plus absurde, ce ne sont peut-être pas ses blagues…

Alternant le loufoque et l'émotion, tout en ruptures de ton pendant presque trois heures, ce film déconcertant parle évidemment des relations père-fille mais, au-delà, du sexisme dans l'entreprise, de la toute-puissance du rendement et du profit dans le monde du travail, et plus généralement du sens que l'on veut donner à son existence, entre travail et vie privée: du lâcher prise qu'il faut savoir choisir quand la vie professionnelle devient trop impitoyable.

"Mon film est moins un appel au lâcher prise qu'une injonction à s'assumer pleinement. Ce que fait Inès à la fin du film, c'est quelque chose d'assez radical et il faut un certain courage pour le faire (…). Elle ne lâche rien du tout, en réalité, on peut dire qu'elle reprend les rênes", explique la réalisatrice Maren Ade, 39 ans, quasi inconnue en France et dont c'est le troisième film.

Elle a su réaliser un film d'auteur et au message sérieux et profond tout en utilisant, tout au long de l'histoire, un humour parfois proche du grotesque. "L'humour est souvent le meilleur moyen pour transcender la réalité. Winfried, incapable de communiquer avec sa fille, trouve ici un moyen d'échapper à cette situation en créant ce personnage. L'humour est sa seule arme, et elle va lui permettre de communiquer à nouveau".

Peter Simonischek, acteur autrichien, et Sandra Hüller, allemande, sont pour beaucoup dans le charme atypique de ce Toni Erdmann qui a déclenché des commentaires élogieux de la presse française sur la Croisette en mai dernier: "Toni Erdmann, de Maren Ade, la Palme de l'originalité?"; "A Cannes, Maren Ade sabote la compétition avec Toni Erdmann"; "Toni Erdmann: un film allemand percutant et drôlissime sur la relation père-fille"; "Toni Erdmann à tomber pater"; "Festival de Cannes: pourquoi on aime à la folie Toni Erdmann""Toni Erdmann: pour l'instant, c'est la Palme du Festival de Cannes!"; etc. Sans oublier les tweets enthousiastes des festivaliers et critiques... Au spectateur, désormais, de se faire un jugement sur cet ovni cinématographique oublié du palmarès cannois.

(Voir ci-dessous la bande-annonce du film):

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