"Un vrai faussaire" : Guy Ribes, l'homme aux 1.000 toiles (VIDEO)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 02 mars 2016 - 12:21
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Guy Ribes Film Un Vrai Faussaire
Crédits
©Jean-Luc Léon/Pretty Pictures
Guy Ribes, un faussaire de génie qui a inondé le marché de l'art pendant 30 ans.
©Jean-Luc Léon/Pretty Pictures
Guy Ribes, le plus grand faussaire de tableaux recensé à ce jour en France, a été condamné en 2010 à un an de prison ferme pour avoir écoulé pendant 30 ans plusieurs centaines de faux tableaux. Un documentaire passionnant, "Un vrai faussaire", sur les écrans ce mercredi, dresse son portrait.

Un faux tableau n'est-il pas aussi beau et n'a-t-il pas autant de valeur qu'un vrai? Où est le vrai, où est le faux? Qu'est-ce qui rend un artiste célèbre? Qu'est-ce qui rend une œuvre unique? Ces questions, et plein d'autres sur la valeur, la finalité, la définition de l'art en général sont en filigrane d'Un vrai faussaire (ce mercredi 2 sur les écrans), un vertigineux et passionnant documentaire sur un génie de la contrefaçon, Guy Ribes.

Réalisé par Jean-Luc Leon, le film dresse le portrait de cet homme de 65 ans, le plus prolifique des faussaires français recensés à ce jour, qui a inondé le marché de l’art de ses faux tableaux pendant 30 ans. En 2005, après une dénonciation, la police a saisi plus d’une centaine de ses faux tableaux et en 2010 le tribunal de Créteil l’a condamné à trois ans de prison, dont un an ferme.

Incroyablement doué pour la peinture dès l'enfance, il a commencé à faire des faux en 1975, et sa rencontre avec un marchand de tableaux en 1984 a fait de lui un faussaire professionnel. Sur commande, il exécutait des toiles de Chagall, Picasso, Dali, Léger, Bonnard, Modigliani, Renoir, Laurencin, Braque, Vlaminck, Matisse, Dufy, Van Dongen ou Vuillard.

Mais son génie dépasse la simple technique de la copie que peuvent réaliser des techniciens un peu doués dans des ateliers chinois ou thaïlandais pour les touristes. Guy Ribes ne copiait pas des tableaux, il copiait le style des peintres, il créait de faux tableaux. "Dis-moi ce que tu aimes, je vais te le faire. Pourquoi te vendre mon art alors que je peux te vendre le tien? C'est ça, la magie d'un faussaire: il te vend ce que tu aimes", dit-il dans le film.

Il a ainsi peint des centaines de toiles (entre 1.000 et 5.000, il ne veut pas le dire), dont la plupart ont été authentifiées par des experts, et nombre d'entre elles sont encore accrochées aux murs des collectionneurs, des galeries et des musées, et recensées dans les pages de catalogues sérieux. La fille de Marc Chagall elle-même a été bernée.

Le réalisateur a interrogé le commissaire de police qui a arrêté Guy Ribes, le procureur qui a mené l'enquête, des experts, des collectionneurs victimes, des marchands de tableaux. Mais le principal du film réside dans le portrait et les interviews de ce faussaire de génie, aux faux airs de Maigret avec son feutre et sa pipe, gouailleur, homme à femmes (mais jamais amoureux), bon vivant, un peu alcoolique, qui jonglait avec les millions de francs, a fréquenté les voyous dans son enfance (son père tenait une maison close à Roanne et sa famille a côtoyé le Gang des Lyonnais) et ne considère pas, finalement, qu'il a volé tout cet argent: il l'a mérité.

Dans le film on le voit peindre et créer ainsi un faux, avec une technique et un talent fascinants. Aujourd'hui il peint des tableaux sous son nom -ce qui lui rapporte beaucoup moins d'argent-, mais a réalisé en 2012 des toiles pour les besoins du film Renoir, de Gilles Bourdos, dans lequel il double aussi les mains de Michel Bouquet, qui joue le rôle-titre, lorsque celui-ci est censé peindre.

"Des faussaires qui acceptent de se montrer à visage découvert, il n’y en a pas beaucoup. S’ils n’ont pas été pris par la justice, ils restent dans l’anonymat", explique Jean-Luc Leon. "Guy Ribes a été jugé en 2010, il a donc accepté le principe du film. Après trente ans dans la clandestinité, il était content d’en sortir".

Peintre ou voyou, génie ou escroc, sincère ou menteur? Guy Ribes est un peu tout cela à la foi. Son Autoportrait d'un faussaire (Ed. Presses de la Cité), paru l'an dernier, commence par cette phrase: "Ce matin-là, j'étais Picasso". Le documentaire, lui, empathique mais pas dupe, se conclut par un proverbe chinois -probablement faux: "Les récits des faussaires sont parfois aussi vrais que leurs œuvres".

(Voir ci-dessous la bande-annonce du film):

 

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