Guerre d’Algérie : Alain Vincenot raconte l’histoire des Pieds-Noirs

Auteur(s)
Maxime Macé
Publié le 01 novembre 2014 - 18:23
Mis à jour le 07 novembre 2014 - 18:01
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Livre Pieds-Noirs, Alain Vincenot
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Un million et demi de Pieds-Noirs ont dû quitter l'Algérie après les accords d'Evian.
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Français nés en Algérie, les Pieds-Noirs représentent plus d’un million de personnes pour qui la guerre d’Algérie fut un déchirement entre la France, qu’ils soutenaient, et la terre algérienne, qui les a vus naître.

Dans son dernier livre Pieds-Noirs, les bernés de l’Histoire (Ed. De l'Archipel), Alain Vincenot s’attaque à un épisode ambigu de l’Histoire de France. Véritable tragédie, cet exode d’un million de personnes, chrétiennes, juives et musulmanes nées en Algérie, rapatriées en catastrophe en métropole après l’indépendance de l’Algérie, est une blessure encore ouverte pour une partie de nos concitoyens.

Alain Vincenot est un écrivain et ancien journaliste, notamment au Quotidien de Paris et à France-Soir. Il est l’auteur de plusieurs livres sur des sujets historiques comme La France résistante, Les Larmes de la rue des Rosiers ou encore Vel d'Hiv: 16 juillet 1942 ainsi que sur des sujets de société, Quinquas, les parias de l'emploi et Paroles de flics, le malaise de la police.

Dans une première partie historique, particulièrement bien documentée, l’auteur parcourt l’histoire de l’Algérie, depuis le débarquement des troupes coloniales à Sidi-Ferruch le 14 juin 1830 jusqu’aux accords d’Evian en 1962, ainsi que l’épisode dramatique du retour des Pied-Noirs en métropole. Cette partie est divisée en quatre chapitres intitulés «Le temps des bâtisseurs», «Le temps des brumes», «Le temps de l'espoir trahi» et «Le temps de l'abandon».

Alain Vincenot y dépeint une fresque sans fard de l'histoire de l'Algérie, de la colonisation, des relations entre Arabes et Européens et de la lente et meurtrière ascension du pays vers l'indépendance, avec les drames inéluctables qu'elle aura entraînés.

La seconde partie du livre est composée de témoignages de Pieds-Noirs qui ont vécu en Algérie et ont dû la quitter précipitamment lors de l’indépendance. Tous racontent plus ou moins la même histoire, les rapports d’abord amicaux avec la population musulmane, puis les tensions qui apparaissent, la méfiance, la haine puis les actes de violence et les représailles auxquelles se livrent les deux communautés.

Chacun de ces témoignages affirment le déchirement de ces familles qui doivent quitter en catastrophe la terre qui les a vu naître ainsi que le mépris et le sort peu enviable qui leur a été réservé à leur arrivé sur le sol français.

 

Cinq questions à Alain Vincenot:

Pourquoi avoir choisi de traiter le sujet des Pieds-Noirs?

Nous avons fêté le 1er novembre le 60e anniversaire du début de la guerre d’Algérie et à ce titre, je trouve que les Pieds-Noirs ont été victimes d’une grande injustice, car on les a considérés comme d’affreux colons exploiteurs, alors que la plupart d’entres eux étaient des gens humbles: employés, ouvriers et petits paysans qui vivaient dans les mêmes quartiers que les arabes. J’ai voulu rétablir une certaine vérité sur les Pieds-Noirs qui étaient loin d’être «cousus d’or» comme on pouvait le penser à l’époque.

Comment expliquer le traitement qui fut réservé aux Pieds-Noirs à leur arrivée en métropole suite à l’indépendance de l’Algérie?

Les Français de métropole avaient une très mauvaise image des Pieds-Noirs. Ils étaient considérés dans leur ensemble comme des gens d’extrême-droite, des fascistes, des racistes… On leur a accolé l’image de l’OAS alors qu’ils ne la soutenaient pas dans leur grande majorité.

Pourquoi une telle distance entre les métropolitains et les Français d’Algérie?

Il y a eu deux propagandes qui se sont conjuguées au sujet des Pieds-Noirs. La propagande gaulliste, qui souhaitait à tout prix se débarrasser de l’Algérie, et la propagande du Parti communiste français et de certains intellectuels de gauche anticolonialistes, pour qui les Pieds-Noirs étaient des ennemis à abattre. Cette campagne conjuguée contre les Français d’Algérie a creusé le fossé entre eux et les métropolitains.

Recueillir les témoignages de Pieds-Noirs qui forment la seconde partie de votre ouvrage a-t-il été difficile? Le sujet est-il encore sensible pour les intervenants?

J’ai voulu donner une image humaine à mon livre en recueillant ces témoignages. Si la première partie est assez froide, la seconde vient rappeler la sobriété, voire le dénuement dans lequel vivaient certains Pieds-Noirs avant même la guerre d’Algérie. Recueillir ces témoignages n’a pas été trop dur car si le sujet reste sensible pour ces familles, elles ressentent le besoin d’en parler.

Considérez-vous le devoir de mémoire envers les souffrances des Pieds-Noirs insuffisant en France?

Oui, il y a une ignorance absolue de ces souffrances. Il y a deux ans, le gouvernement a voté une loi instituant au 18 mars le jour de mémoire pour les victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie. Entre le 19 mars et le mois de novembre 1962, il y a eu des dizaines de milliers de morts et de disparus dans les rangs des Français d’Algérie et de la population arabe qui n’était pas favorable à l’indépendance. Sans oublier les Harkis (supplétifs musulmans de l’armée française) qui ont été désarmés par l’armée française et livrés à la vindicte des nouvelles autorités algériennes et massacrés avec femmes et enfants dans des conditions épouvantables. On peut difficilement dire que la guerre d’Algérie prend fin le 19 mars avec le cessez-le-feu consécutif aux accords d’Evian, il y a là un véritable déni des souffrances de ces populations.

Pieds-Noirs, les bernés de l'Histoire

Par Alain Vincenot

Editions de l'Archipel

288 pages, 19,95 euros

 

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