Le prix Goncourt décerné à Leïla Slimani pour son roman "Chanson douce"

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 03 novembre 2016 - 15:20
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Leïla Slimani
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Leïla Slimani a dédié sa récompense à ses parents et étreint son compatriote, l'écrivain Tahar Ben Jelloun, Goncourt en 1987 et juré.
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La romancière franco-marocaine Leïla Slimani a remporté ce jeudi le prix Goncourt pour "Chanson douce" (éditions Gallimards) qui raconte le coup de folie d'une nounou bien sous tout rapport. "Je ne m'y attendais pas, je me préparais à ne rien avoir pour ne pas être déçue", a déclaré la jeune femme, très émue.

Les prix littéraires couronnent les romancières: le Goncourt, le plus convoité du monde francophone, a récompensé jeudi la Franco-Marocaine Leïla Slimani pour son roman noir Chanson douce et le Renaudot la dramaturge Yasmina Reza pour Babylone. Peu de femmes ont eu l'honneur du Goncourt ces dernières années: la jeune romancière est la cinquième sur ces 20 dernières années. Déjà grand succès de librairie, le terrifiant Chanson douce (Gallimard) de Leïla Slimani, 35 ans, a été choisi par le jury dès le premier tour de vote, avec six voix contre deux à Gaël Faye (Petit pays), une à Catherine Cusset (L'Autre qu'on adorait) et une à Régis Jauffret (Cannibales).

"Je ne m'y attendais pas, je me préparais à ne rien avoir pour ne pas être déçue", a expliqué la jeune romancière, cheveux frisés et grand sourire, après être arrivée dans une énorme cohue au restaurant Drouant, où est traditionnellement annoncé ce prix. Elle a dédié sa récompense à ses parents et étreint son compatriote, l'écrivain Tahar Ben Jelloun, Goncourt en 1987 et juré. En seulement deux romans, la Franco-Marocaine, qui était également en lice pour le Renaudot, s'impose comme une nouvelle voix de la littérature n'hésitant pas à explorer des territoires sombres, de la nymphomanie dans son premier livre (Dans le jardin de l'ogre, 2014) au coup de folie d'une nounou bien sous tout rapport dans ce deuxième roman.

"Le bébé est mort". Ainsi débute ce livre, qui se dévore comme un thriller mais peut aussi se lire comme un livre implacable sur les rapports de domination et la misère sociale. Le bébé mort a été assassiné par sa nourrice, Louise, une "perle", dévouée, discrète et volontaire, le genre de nounou que tous les parents recherchent. Fin de l'histoire? Évidemment non! Leïla Slimani remonte le fil du temps, tire un à un les fils de la tragédie.

Elle confirme avec Chanson douce son appétence pour les zones grises, celles qu'on préfèrerait ignorer. Son style est clair, direct et précis. Elle évite les considérations psychologiques qui pourraient expliquer ce coup de folie. Au contraire, Leïla Slimani nous raconte cette histoire (inspirée d'un fait divers réel survenu à New York en octobre 2012) à la manière froide et distanciée d'un Simenon. Louise, si parfaite, devient vite indispensable au sein de la famille bourgeoise parisienne qui l'a embauchée. Au point de faire elle-même partie de la famille? C'est la grande ambiguïté et le nœud du drame. Chanson douce a sa place aux côtés des classiques libertaires comme Le journal d'une femme de chambre d'Octave Mirbeau ou Les Bonnes de Jean Genet. Gallimard, l'éditeur de Leïla Slimani, n'avait pas remporté le prix Goncourt depuis 2011. Le Goncourt demeure une aubaine pour les éditeurs. En moyenne un livre primé s'écoule à plus de 345.000 exemplaires. Le lauréat, lui, se voit remettre un chèque symbolique de 10 euros.

C'est en revanche une romancière et dramaturge chevronnée que le Renaudot a distinguée avec Babylone (Flammarion), de Yasmina Reza, qui tient autant du roman noir (il est question d'un crime) que de l'analyse subtile de nos "vies minuscules", condamnées à l'oubli comme ces personnages figés sur les photos de l'Américain Robert Frank dont l'ombre traverse le roman comme un fil rouge. "Pour moi, +Babylone+, c'est le monde des disparus, des émotions qu'on aurait pu vivre, de toute cette humanité derrière nous", expliquait récemment la romancière et dramaturge, auteur français le plus joué dans le monde, au cours d'un entretien avec l'AFP. C'est encore une femme, la journaliste Aude Lancelin, qui a décroché le Renaudot essai pour Le monde libre un récit féroce dans lequel l'ex-directrice adjointe de L'Obs, licenciée de ses fonctions fin mai, règle ses comptes.

 

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