"Les Amnésiques" : une histoire de la "complicité passive" dans l'Allemagne nazie

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La Maison de l'Europe à Paris, édité par la rédaction
Publié le 07 août 2019 - 14:29
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Le livre Les Amnéisques de Géraldine Schwarz.
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©Ed. Libres Champs
Géraldine Schwarz a obtenu le Prix du livre européen pour "Les Amnésiques" (Ed. Libres Champs, 2019).
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En décembre 2018, Géraldine Schwarz a obtenu le Prix du livre européen pour "Les Amnésiques" (Ed. Libres Champs, 2019). Elle remonte le fil de la construction de la mémoire allemande mais aussi européenne de la Seconde Guerre mondiale. Elle a présenté son ouvrage à la Maison de l’Europe. Voici un aperçu de ce livre amplement européen et actuel.

En décembre 2018, Géraldine Schwarz a obtenu le Prix du livre européen pour Les Amnésiques (Ed. Libres Champs, 2019). Elle remonte le fil de la construction de la mémoire allemande mais aussi européenne de la Seconde Guerre mondiale. Elle a présenté son ouvrage à la Maison de l’Europe. On vous laisse un aperçu de ce livre amplement européen et actuel.

L’Union européenne ce n’est pas qu’une question économique, ou politique, c’est aussi l’Histoire et les histoires. A travers la littérature nous pouvons avoir un aperçu de la vie de nos voisins européens. Géraldine Schwarz dans Les Amnésiques s’intéresse à une catégorie de la population allemande pendant la Seconde Guerre mondiale: les mitläufer. Terme qui désigne ceux dans le courant, les suiveurs avec cette inlassable question: et nous comment aurions-nous agit? La question reste sans réponse mais on peut apprendre des erreurs de nos ainés: comment apprivoiser cette mémoire et ne pas oublier? Voici le fil des Amnésiques. Ce livre voyage dans l’histoire familiale et de l’Histoire, à travers l’Allemagne, la France, l’Autriche et l’Italie.

Géraldine Schwarz: une identité européenne

Journaliste et réalisatrice franco-allemande, elle vit actuellement à Berlin. Son père est allemand et sa mère française. Elle a effectué sa scolarité en France, dont une partie dans un lycée international. Par la suite, elle est allée vivre à Mannheim où elle a suivi une année à l’université allemande puis a ensuite étudié l’Histoire à la Sorbonne. Elle a travaillé pour plusieurs médias allemands et français dont France Télévisions où elle a réalisé plusieurs reportages. Elle a aussi enquêté sur les archives des services secrets allemands BND.

La Maison de l’Europe de Paris a reçu le 16 avril 2019 Géraldine Schwarz pour une conférence sur le travail de mémoire. Son intervention était accompagnée de celle de Philippe Collin, co-auteur de la BD Le voyage de Marcel Grob[1]. Ils ont eu des réflexions différentes quant aux responsabilités individuelles de ceux qui "marchent dans le courant". Géraldine Schwarz a étudié l’exemple des Mitläufer en Allemagne et Philippe Collin a pris celui des Malgré-nous en Alsace. Mais en dépit une divergence d’opinion, ces deux auteurs ont en commun d’avoir écrit dans une urgence du temps présent, à cause de la montée des mouvements nationalistes et d’extrême-droite en Europe. L’urgence de raconter et de remettre à jour la mémoire de Seconde Guerre mondiale pour ne pas oublier les dérives des nationalistes.

Les Amnésiques

Pour la journaliste, son ouvrage n’est ni un roman ni un essai mais plutôt un récit. Elle tente de comprendre comment une société a pu se rendre coupable de "complicité passive". Elle s’interroge sur la catégorie spécifique des mitläufer. Ce terme désigne ceux qui ont suivi le régime nazi sans toutefois être de fervents partisans. Par exemple, les mitläufer sont ceux qui ont profité de l’aryanisation des biens juifs vendus à très bas prix et qui n’ont pas protesté face à l’escalade de la violence. G. Schwarz écrit que cette "population s’est rendue coupable d’apathie". Lors de la conférence, l’auteure explique qu’elle veut contribuer au devoir de mémoire face à la montée du nationalisme. Elle veut donc en tirer le fil jusqu’à aujourd’hui pour connaitre l’importance de la mémoire dans nos sociétés.

Cet intérêt pour les mitläufer est venu quand elle a eu connaissance de son histoire familiale. D’abord, son père allemand, s’est fortement intéressé à cette période car il est de cette génération qui demandait des comptes à l’Etat et qui voulait supprimer l’amnésie de la population sur cette sombre période. Puis, l’écrivaine apprend que son grand-père paternel allemand a acheté en 1938, en profitant de la vente à bas prix, d’une entreprise détenue par un juif lors de l’aryanisation des biens.

Son récit prend alors son départ dans l’histoire familiale. Pour comprendre celle-ci, elle a fait un véritable travail de recherche tant dans les archives que dans les entretiens avec sa famille. Pour créer une distance, elle a installé une caméra entre elle et son père ou sa tante pour recueillir leurs témoignages.  On peut d’ailleurs voir une fracture entre le frère et la sœur dans la façon de se remémorer le passée et la mémoire.

Dans Les Amnésiques l’auteure cherche aussi à comprendre comment l’Allemagne est passée à une amnésie sur le passé des années nazies justes après la guerre puis à la résurgence de la mémoire avec son apprentissage. L’Allemagne a réussi à affronter son passé, à franchir le "labyrinthe" et à éduquer la population au regard critique. G. Schwarz arrive à combiner son histoire familiale et l'histoire de la Seconde guerre mondiale. Elle mêle les parallèles et les allers retours chronologiques avec brio sans perdre le lecteur.

Elle fait aussi le parallèle entre trois pays: la France, l’Italie et l’Autriche. La France a eu avec le Général De Gaulle une approche résistantialiste de la Seconde guerre mondiale en occultant Vichy. Ce n’est qu’à partir de la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat français et de Vichy dans la rafle du Vel d’hiv par Jacques Chirac en 1995 que le travail de mémoire a pu se faire publiquement. G. Schwarz part du présupposé que la façon dont la société se réapproprie la mémoire impacte nos comportements démocratiques d’aujourd’hui. Pour cela, elle prend l’exemple de l’Autriche. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Autriche devient communiste et il n’y a pas de travail sur la mémoire nazi.

En retraçant ces différents parcours, G. Schwarz montre comment l’après Seconde guerre mondiale a été abordé de différentes manières et comment cela peut encore aujourd’hui impacter la population, les groupes politiques.

G. Schwarz parle de "mémoire positive", terme qu’elle ne définit pas. Elle laisse le lecteur se réapproprier le terme sur lequel doit se baser l’Europe.

Le Prix du livre européen

En 2007, avec le soutien de Jacques Delors, l’association Esprit d’Europe a créé le Prix du livre européen qui récompense un livre et un essai d'écrivains originaires de l’Union européenne. L’association Esprit d’Europe, présidée par France Roque[2], remet les prix début décembre au Parlement européen à Bruxelles

La sélection se fait en deux phases. Pour la première, les ouvrages sont soumis au Comité de parrainage du Prix afin d’avoir une sélection définitive. Cette dernière est ainsi composée de cinq romans et cinq essais présentée au jury.

Le jury de l’année 2018 était présidé par Krzysztof Warlikowki[3], metteur en scène polonais. Pour cette 11e édition exceptionnellement, trois lauréats ont été récompensé: le prix de l’essai revient à Paul Lendvai pour Orban, Europe’s new strongman (Autriche), le prix du roman à Géraldine Schwarz pour Les Amnésiques et enfin Philippe Sands a reçu le prix spécial du jury pour son roman Retour à Lemberg (Royaume-Uni).

La Maison de l’Europe de Paris vous souhaite une bonne lecture enrichissante.

(Cet article a été rédigé par notre partenaire, le Centre d’Information Europe Direct de la Maison de l’Europe de Paris)



[1] Ed. Futuropolis

[2] Elle possède à présent sa propre Maison d’édition

[3] Discours prononcé lors de l’ouverture du prix : http://livre-europeen.eu/?p=6027

 

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