C'était dans "France-Soir" : en octobre 1947, impôt unique et retenue à la source

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 22 septembre 2019 - 21:14
Mis à jour le 27 septembre 2019 - 20:04
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France-Soir Une 02.10.1947 Impôt Unique
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©DR/Gallica BnF
La Une du 2 octobre 1947.
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En octobre 1947, la modernisation du système fiscal est au cœur des débats politiques en France, deux ans et demi après la fin de la guerre. "France-Soir" se fait ainsi l'écho de la volonté du ministre des Finances de l'époque, Robert Schuman, de lancer une importante réforme fiscale.

Impôt unique et retenue à la source: le débat ne date pas d'hier et était déjà d'actualité au sortir de la Seconde guerre mondiale, quand il s'est agi de réformer le système fiscal français. "Vous payerez chaque mois un impôt unique (salaire et revenu) par retenue à la source …si les ministres adoptent les mesures envisagées cette nuit et ce matin en Conseil", titre sur toute la largeur de sa Une le numéro de France-Soir daté du 2 octobre 1947.

"Commencé à 21h.30, hier soir, le Conseil de cabinet précédant le Conseil des ministres de ce matin s'est poursuivi bien au-delà de minuit; la plupart des Excellences étaient présentes, certaines même, comme MM. Maroselli et Mitterrand, hâtivement soustraits à la joie de réceptions officielles, étaient venues écouter, durant trois heures d'horloge, les exposés académiques de MM. Ramadier et Robert Schuman, en même temps qu'une synthèse Philip sur les travaux du Comité de sauvetage du franc", écrit le journal de Pierre Lazareff.

En ce début octobre 1947, alors que Vincent Auriol est depuis janvier le premier président de la IVe République, Paul Ramadier est Président du Conseil (c’est-à-dire Premier ministre), Robert Schuman est ministre des Finances, André Philip ministre de l'Économie, André Maroselli ministre de l'Air, et François Mitterrand ministre des Anciens combattants et des Victimes de guerre.

Il s'agit, pour le gouvernement, d'assurer l'équilibre du budget et la stabilité de la monnaie par "une diminution de dépenses" et "un accroissement de recettes", tout cela "selon la plus stricte orthodoxie financière". Parmi les mesures proposées par Robert Schuman, France-Soir cite une liste toujours d'actualité 70 ans plus tard: "Ponction sur les bas de laine et les lessiveuses; suppression de toutes les subventions, charbon compris; suppression de plusieurs ministères; réduction du nombre de fonctionnaires; économie de 70 milliards sur l'armée (notamment réduction du nombre des généraux et amiraux); importante diminution des dépenses somptuaires de l'État (trois autos seulement par ministère)".

Mais surtout –là encore les gouvernements futurs n'ont rien inventé depuis sept décennies–, "M. Schuman a mis sur pied un projet de réformes fiscales qui vise avant tout à simplifier les méthodes de perception et de calcul de l'impôt afin d'en assurer un meilleur rendement", ajoute le journal. "L'innovation capitale inspirée du système anglais consisterait à bloquer en une taxe unique, payable mensuellement, l'impôt cédulaire sur les traitements et l'impôt sur le revenu".

L'impôt sur le revenu a été créé en France en 1914 et peu après, en 1917, a pris la forme d'un système à deux étages: l'impôt sur le revenu proprement dit et "l'impôt cédulaire" (car déclaré sur des feuillets distincts, les "cédules"), qui taxait chaque catégorie de revenus en fonction de son origine (sur les salaires et traitements, sur les bénéfices industriels et commerciaux, sur les revenus agricoles, sur les bénéfices non commerciaux, sur les revenus des valeurs mobilières, sur les revenus fonciers, sur les pensions et rentes viagères). Ce n'est qu'en 1959 que cet impôt cédulaire sera supprimé.

Le prélèvement de l'impôt à la source, lui, existe déjà en 1947: il a été mis en place le 1er janvier 1940 sous le nom de "stoppage à la source", pour financer l'effort de guerre, a été maintenu par le gouvernement de Vichy, et ne sera supprimé que le 1er janvier 1949.

La réforme fiscale envisagée par Robert Schuman concerne donc une fusion de l'impôt cédulaire et de l'impôt sur le revenu, en un impôt unique. En cette année 1947 la modernisation des impôts est un des sujets du débat politique en France. "La plupart de ces mesures –en dehors de celles qui seront prises par décret sans doute dès aujourd'hui– n'entreront en vigueur qu'en 1948… si, comme on l'espère, le gouvernement les adopte", écrit France-Soir.

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Il faudra en effet attendre 1948 pour que Robert Schuman, devenu Président du Conseil en succédant à Paul Ramadier, applique sa réforme fiscale: les impôts cédulaires sont assimilés à l'impôt global sur le revenu, qui devient officiellement l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP); le calcul de l'impôt est modifié avec la création du quotient familial; l'impôt sur les sociétés est créé; la Direction générale des impôts (DGI) est créée en unifiant trois services différents.

"On songe également à pourchasser activement les fraudeurs", rapporte aussi France-Soir en ce 2 octobre 1947 –rien de nouveau sous le soleil. Et le gouvernement continue de vouloir renforcer la fiscalité sur l'épargne des Français, en or ou en billets: "Optimiste par nature, M. Schuman affirme être suffisamment armé pour opérer des ponctions substantielles sur les bas de laine et les lessiveuses", conclut le journal.

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