La gastronomie française du 21e siècle est-elle l'héritière de celles qui l'ont précédé ?

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La rédaction de FranceSoir.fr
Publié le 28 mars 2018 - 19:32
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Repas restaurant
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©Geoff Peters/Flickr
La France est le pays le plus connu au monde pour la qualité de sa cuisine.
©Geoff Peters/Flickr
La France est le pays le plus connu au monde pour la qualité de sa cuisine et cela depuis très longtemps. Mais la cuisine française est-elle toujours la même? François Lazareff, contributeur de "France-Soir", a sa petite idée sur le sujet.

Je me souviens, lorsque j’avais onze ans, que nous étions partis pour les vacances d’été en voiture, mes parents et moi, vers Saint-Paul-de-Vence. Il n’y avait pas d’autoroute du sud et notre voyage était prévu pour trois jours. Mes parents étaient des fanatiques des bons restaurants et mon père connaissait bien la plupart des bonnes tables de France et en tous cas, lui était connu partout.

Ce voyage m’a fait connaître et apprendre ce qu’est la grande cuisine. Nous nous sommes arrêtés le premier soir à Saulieu où officiait le chef Dumaine dans son restaurant La Cote d’Or, triplement étoilé au Michelin. Ce fut le grand spécialiste de la poularde. Nous étions accompagnés dans une autre voiture par un voyageur qui allait à Vence, le peintre Carzou, un grand ami de mes parents.

Le lendemain, après un déjeuner frugal dans un routier où mon père a discuté avec ses spectateurs, nous avons fait la halte de nuit à Vienne. S'y trouvait La Pyramide, l’hôtel de Fernand Point qui fut le plus grand cuisinier de l’époque, un des enseignants de Paul Bocuse. Il était décédé depuis quelques années lorsque nous y étions mais sa femme puis sa fille avait repris le flambeau. Le gratin de queues d’écrevisse était un de ses plats les plus célèbres.

Mon père avait alors décidé, pour continuer à me faire connaître les meilleures tables de France, de faire un détour par Talloires, près du lac d’Annecy et nous avons dormi alors à l’Auberge du Père Bise. En réalité, le chef c'était Marguerite, l’épouse de Marius Bise. Ses plats les plus connus étaient la mousse de foies de volaille au foie gras, la féra ou omble chevalier, son pâté chaud sauce poivrade.

Le lendemain, nous arrivâmes enfin à Saint-Paul.

Je me souviendrai de ce voyage jusqu’à la fin de ma vie. C’est peut-être lui qui m’a conduit, dans le cadre de ma vie professionnelle, dans les années 80 à diriger la gestion et l’organisation du traiteur Lenôtre, le plus célèbre de France, l’entreprise du célèbre pâtissier Gaston Lenôtre. Au bout d’un an, j’avais pris huit kilos, j’ai trouvé cela dangereux pour moi et je suis parti.

Voir: Paul Bocuse, le "pape de la gastronomie française"

Une des définitions de la gastronomie est "une manière particulièrement attentive, souvent considérée comme élitiste, de cuisiner et, surtout, de déguster des aliments, avec pour piliers l'art de la cuisine et l’épicurisme". Cette philosophie ou cette science, selon les adeptes, a énormément changé durant le 20e siècle.

Curnonsky, le prince des gastronomes, était un journaliste et humoriste français qui a révolutionné la façon de "faire la cuisine", du moins pour les chefs des restaurants

Voilà sa pensée: "Vers le début de ce siècle, l'éminente et millénaire supériorité de la cuisine française fut menacée par deux fléaux: le snobisme de la cuisine anonyme et cosmopolite qui sévissait dans tous les Palaces et caravansérails de l'univers, et le goût suranné de cette cuisine compliquée et tarabiscotée qui tendait à dissimuler les saveurs et les arômes et à présenter sous des noms bizarres et prétentieux des plats où la chimie se mêlait à la prestidigitation".

Les grands chefs de l’époque, dont Point puis Bise, Bocuse, Chapel, Troisgros, Lenôtre et bien d’autres ont suivi ses conseils et ont fait vivre la nouvelle cuisine française.

Grâce à eux, le cuisinier s’est transformé en inventeur et n’a plus fait les plats de la cuisine bourgeoise. Peu à peu, la gastronomie ce n'était plus les plats lourds en sauce, le chef est devenu un créateur et inventait des recettes qui privilégient le produit et la légèreté.

Mais dans tout les cas, le client de ces restaurants trouvait un menu du type entrée, poisson, viande (ou un des deux), fromage, dessert avec avant un amuse-bouche de grande qualité, voire deux au maximum.

Puis, la cuisine moléculaire s’est avancée. En voici une définition: "La production d'aliments (la cuisine, donc) par de «nouveaux» outils, ingrédients, méthodes".

Voici les nouveautés: le siphon (pour faire des mousses), l'alginate de sodium (pour les perles à cœur liquide, des spaghettis de légumes, etc.) et les gélifiants (agar-agar, carraghénanes, etc.), l'azote liquide (pour la production de sorbets et de bien d'autres plats), l'évaporateur rotatif, et, plus généralement, tous les matériels de laboratoire qui peuvent avoir une utilité technique.

Pas mal de chefs comme Pierre Gagnaire, Denis Martin, Marc Veyrat, Ferran Adria, Emile Jung, Grant Achatz, Wilie Dufresne, Heston Blumenthal, Raymond Blanc mais aussi Thierry Marx se sont mis à la "cuisine moléculaire", cette cuisine moderne dérivée de la science qu'est la gastronomie moléculaire.

Les plats présentés sont très beaux à l’œil et ont l’air incroyablement légers. Il est vrai qu’ils ne remplissent pas du tout l’assiette, Ils ne bourrent pas non plus l’estomac et ont des goûts à faire souvent rêver mais beaucoup de personnes ont encore faim après un repas, ce qui est, pour le prix, un peu gênant.

D’autres restaurateurs ont aujourd’hui une drôle de façon d’accueillir le client. Ils ne présentent qu’un seul menu qui se divise en plusieurs sous-menus. Ou vous prenez tout (une dizaine de plats minuscules) ou vous prenez 6 plats ou 4 plats, mais vous n’avez aucun choix. De plus, on vous présente plusieurs amuse-bouches fort étonnants il est vrai et les plats qui suivent sont bons mais souvent avec des goûts très classiques. Je me souviens que sur un menu il y avait "huître à l’encre de seiche", il n’y avait qu’une huitre...

Généralement, ce problème se voit souvent dans les restaurants fortement étoilés car c’est une mode qui, je l’espère ne durera pas très longtemps.

Heureusement, il y a toujours des restaurants de très bonne qualité qui allient une cuisine très inventive, un beau choix, allié avec un service sympathique. Ces restaurants n’ont pas deux ou trois étoiles alors qu’ils le méritent souvent tout simplement parce que leur salle n’est pas assez grande, leurs couverts pas en argent et les verres pas en cristal. Ils ne dépassent hélas pas le Bib gourmand!

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