Supprimer le bac pour le bien des finances publiques ? Fausse bonne idée

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Jean-Yves Archer, édité par la rédaction
Publié le 20 juin 2018 - 17:28
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Des lycéens passent une épreuve du baccalauréat à Strasbourg, le 15 juin 2017
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© FREDERICK FLORIN / AFP/Archives
Supprimer le bac représente une économie, mais gâche l'utilité de l'examen.
© FREDERICK FLORIN / AFP/Archives
Le bac coûte environ 1,5 milliard d'euros aux finances publiques. La question de sa suppression représente donc une vraie opportunité pour le budget de l'Etat. Cependant, la valeur symbolique du bac et son utilité pratique par rapport au contrôle continu ne rendent pas cette dépense si superflue. Jean-Yves Archer, spécialiste des finances publiques et dirigeant du cabinet Archer, rappelle pour "France-Soir" que tout ne se juge pas à l'aune de l'économie budgétaire.

Par-delà le maintien dénué de rectitude citoyenne de la grève SNCF même durant les journées d'examen et malgré les consignes nationales de modération de l'UNSA et de la CFDT confédérale, plus de 753.000 candidats sont confrontés l'émotion et au stress du bac. Soit une hausse de 5% par rapport à l'an dernier. Clairement, on aurait pu leur éviter la "galère" des transports ne serait-ce que pour montrer la loyauté des travailleurs à l'égard de la génération qui suit. C'est déplorable mais c'est ainsi. Tout aussi stupéfiant est le désormais célèbre tweet de SUD-Rail dont les motivations profondes restent obscures pour ne pas dire affligeantes: "Petite pensée pour les jeunes qui passent le bac. Courage c'est la dernière ligne droite! Encore 5 ans d'études inutiles et 5 de stages sous-payés , pour enfin pouvoir vous faire uberiser dans les règles. 72 ans et c'est déjà la retraite (à 1.300 euros brut)".

Sur le vrai fond, il est intéressant de remarquer que revient, année après année, le refrain consistant à vouloir supprimer le baccalauréat. Mettre le bac aux oubliettes de notre histoire collective serait un moyen de réaliser près de 1,5 milliard d'économies ce qui n'est pas négligeable par ces temps de disette budgétaire.

En fait, il faut être plus précis et constater de prime abord que le bac est une goutte d'eau relative si l'on veut bien avoir l'honnêteté intellectuelle de se souvenir que le budget de l'Éducation nationale est le premier de la Nation juste avant la charge annuelle de la dette. Avec ses 50,6 milliards inclusifs, on constate d'office que les moins de deux milliards du bac sont un faux-prétexte. Le vrai sujet – pédagogique et non lié au "pognon" pour recourir à un terme en vogue– est de savoir si ce passeport pour une autre vie (à savoir l'enseignement supérieur ou directement la vie active) que représente le bac pourrait être sérieusement remplacé par le contrôle continu.

Lire - Le bac 2018 en chiffres: 753.148 candidats, 4 millions de copies

Ayant été enseignant à temps partiel pendant plus de 15 ans à l'université et dans deux grandes écoles, je crois bien évidemment aux vertus du contrôle continu qui autorise l'accès à une connaissance approfondi de l'étudiant ou de l'étudiante. Ainsi, la suppression pure et simple du bac ne me parait pas une hérésie mais ce "oui" de principe se heurte toutefois à de vrais obstacles.

Tout d'abord, il ne faut pas négliger les candidats libres (jeunes sortis précocement du système, personnes en détention, seniors en reconversion, etc) qui ne trouveraient pas de place dans un strict système de contrôle continu. Puis, il faut évoquer la question de la sincérité de l'épreuve. Au bac, la triche réussie est infime alors qu'à l'heure des moteurs de recherche, des épreuves de contrôle continu "sur table" ou à la maison peuvent aisément être faussées. De surcroît, l'étude des notes, la docimologie, démontre que le contrôle continu a ses biais. En clair, la "note de gueule" favorable ou défavorable existe et pourrait venir fausser l'avenir d'un candidat.

Enfin, dans certains cas, la rareté des options ferait reposer sur un seul enseignant toutes les notes de ladite matière et il n'y aurait alors pas la possibilité de croiser les regards (correction dite à quatre mains) sur les prestations fournies par les impétrants. Au total, l'idée de suppression du bac est crédible mais suppose des précautions pour éviter de polluer les scores obtenus par des travers bien humains et donc de fréquence soutenue.

Pour conclure, il faut ajouter que la suppression du bac fait penser à la suppression ancienne du service national. Jacques Chirac y avait vu à la fois un moyen d'économies budgétaires et un attrape-voix. Près de vingt ans plus tard, la France se rend tristement compte qu'elle a perdu une occasion de brassage socio-culturel et de photographie sanitaire d'une classe d'âge.

Avec le bac rayé de la carte, n'aurions-nous pas d'autres désagréments pour l'instant difficilement détectables? Comme Le Cancre de Jacques Prévert, en matière de suppression du bac "je dis oui avec la tête et non avec le cœur".

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