Facebook : à quoi vous engagent les conditions générales d’utilisation ?

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Thierry Vallat, édité par la rédaction
Publié le 05 avril 2018 - 17:58
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Les Français qui sur Facebook "likent" des statuts de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon sont no
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© KAREN BLEIER / AFP/Archives
Peu connues, les conditions générales d'utilisation de Facebook sont pourtant au centre de plusieurs polémiques.
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Peu d'utilisateurs de Facebook prennent la peine de lires conditions générales d'utilisation. Elles sont pourtant au centre de plusieurs récents scandales impliquant le réseau social. Certaines sont même jugées abusives par la justice française. Mais l'entreprise rechigne à les faire évoluer, comme le souligne Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris, pour "France-Soir".

Le scandale de l’affaire Cambridge Analytica, avec lequel le monde a appris avec stupeur la fuite de données personnelles de plus de 87 millions d’utilisateurs de Facebook (210.000 rien qu'en France), repose sur le problème des conditions d’utilisation du réseau social.

Par ailleurs, Facebook enregistrerait les appels et SMS de ses utilisateurs à leur insu comme l’a découvert par hasard un internaute néo-zélandais en téléchargeant l’historique de ses activités sur le réseau, révélant ainsi que ses contacts téléphoniques avec des proches avaient été captés, bien entendu sans son accord.

Voir: Données personnelles - Facebook toujours dans la tourmente

Ces conditions générales d’utilisation (CGU) de Facebook n’en finissent pas en effet de poser des difficultés, alors que le réseau a été condamné plusieurs fois en Europe pour le caractère abusif de certaines de ses clauses et qu’il avait fait amende honorable pour en changer, tout en continuant manifestement à collecter des données sans autorisation. Mais à quoi vous engagent ces fameuses conditions générales Facebook?

> Déclaration des droits et responsabilités de l’utilisateur de Facebook

C’est un document que peu d’utilisateurs de Facebook ont réellement lu et pas facilement accessible sur le site.

C’est pourtant cette Déclaration des droits et responsabilités (source), dont la dernière mise à jour date du 9 décembre 2016, qui définit ce que peut ou non faire Facebook avec vos données et ce à quoi vous vous engagez en utilisant le réseau social.

Il y est notamment spécifié dans l’article 2 "partage de votre contenu et vos informations" que le contenu et les informations que vous publiez vous appartiennent et que vous pouvez contrôler la façon dont Facebook partage votre contenu grâce aux paramètres de confidentialité.

Le site vous promet par ailleurs de "faire tout son possible" pour assurer un service sûr (mais sans garantie de sécurité absolue). En contrepartie, l’internaute prend un grand nombre d’engagements.

> Les engagements concernant vos données personnelles

Par exemple, vous devez utiliser votre vrai nom et publier de vraies informations vous concernant (donc pas de pseudonyme).

Vous ne pouvez créer qu’un seul compte personnel et ne pourrez en recréer un sans autorisation si votre compte est supprimé.

Vous devez avoir au moins 13 ans et ne pas avoir été condamné pour violences sexuelles.

Vos coordonnées devront être exactes et à jour à tout moment et bien entendu vous ne devez pas essayer de vous connecter à un compte de tiers.

Mais ce n’est pas tout, vous prenez également des engagements en matière de publication de contenu.

> Pas de contenus haineux, illégal ou constituant un harcèlement

Facebook vous demande de ne pas harceler d’autres utilisateurs sur le site, de ne pas les intimider ou d’utiliser le réseau à des fins illégales, malveillantes ou discriminatoires.

Vous ne devez donc pas publier de contenu à caractère sexuel, contenant de la nudité ou de la pornographie, pas plus de des messages incitant à la haine ou la violence.

Lire aussi: Censure de "L'Origine du monde" par Facebook - la justice ne se prononce pas sur la nudité

Vous ne devez pas abuser des droits d’autrui.

Comme Facebook vous précise respecter les droits d’autrui, il vous demande d’en faire de même. C’est ainsi que l’utilisateur ne doit pas publier de contenu enfreignant les droits d’auteur.

Vous donnez ainsi l’autorisation à Facebook de retirer vos contenus que le réseau estimerait contraire à ses CGU (avec néanmoins la possibilité de faire appel). Si les droits de propriété intellectuelles (par exemple la publication de photos d’autrui ou protégées par copyright ou droit d‘auteur) sont à plusieurs reprises enfreints, Facebook pourra même désactiver votre compte sans préavis.

> Mais certaines clauses de Facebook considérées comme abusives sont toujours en activité

Bien que Facebook ait été condamné par la justice, notamment française (le 26 Janvier 2016, le réseau social a en effet été mis en demeure de se conformer aux dispositions de la loi Informatique et Libertés par la présidente de la CNIL) ou allemande en janvier 2018 pour une liste de huit de ses conditions considérées comme abusives, certaines figurent toujours dans le document proposé.

Sont considérées comme abusives les clauses comme l’obligation d’utiliser Facebook sous sa véritable identité, l’activation de la géolocalisation des utilisateurs sans recueil de leur consentement préalable ou l’activation par défaut de la possibilité d’indexation des profils par les moteurs de recherche.

Facebook exige pourtant toujours de ses utilisateurs qu’ils ne fournissent pas de fausses informations personnelles et ne créent pas de compte pour une autre personne sans son autorisation.

L’enregistrement des appels téléphoniques et SMS n’est pas autorisé par la charte d’utilisation, mais un historique des messages est conservé par Facebook, ce qui n’est nullement prévu.

De même, il n’était pas clairement stipulé que les données des utilisateurs pouvaient être aspirées par un tiers du moment où l’un de leurs amis accordait cette autorisation.

Aller plus loin: Conditions générales d'utilisation: pourquoi l'UE menace Facebook, Google et Twitter

L’exigence selon laquelle une information claire et facile à comprendre sur la nature, la portée et l’objectif de l’utilisation des données devait être fournie aux utilisateurs n’a donc été pas été considérée comme satisfaite.

Par ailleurs, la géolocalisation constitue toujours un paramètre actif par défaut permettant de pister les internautes sans leur consentement, ce qui a été condamné par le tribunal de Bruxelles le 16 février 2018.

Facebook peut donc mieux faire…

> Du mieux à espérer dans les Conditions d’utilisation?

Faisant une nouvelle fois acte de contrition, Facebook a annoncé le 28 mars 2018 qu’il allait mettre à disposition de ses utilisateurs "dans les prochaines semaines" un lieu unique où seront accessibles les différents paramètres liés à la vie privée et à la sécurité, où il sera possible de contrôler ses données en quelques clics.

Mais cette annonce avait déjà été formulée il y a plusieurs mois, sans manifestation concrète depuis lors.

Aussi, malgré quelques avancées depuis 2015 (comme la possibilité d’aller devant un tribunal de son pays et pas obligatoirement un tribunal californien), force est de constater que Facebook persévère donc dans de nombreuses violations à la règlementation sur la protection des données personnelles, en dépit de l’entrée en vigueur très prochaine du Règlement Général de Protection des Données (RGPD) le 25 mai 2018.

L’accès à la portabilité des données (récupération de ses données personnelles d’un réseau social pour les utiliser chez un concurrent) pourtant imposée par le RGPD ne semble pas ainsi figurer dans les mesures annoncées pour s’y conformer.

Le bras de fer engagé par l’Europe avec le géant de Menlo Park est donc loin d’être terminé.

Retrouvez d'autres analyses de l'actualité juridique sur le blog de Thierry Vallat

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