Le délit de consultation de sites jihadistes censuré pour la deuxième fois

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Par AFP
Publié le 15 décembre 2017 - 11:02
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Les juges constitutionnels ont estimé que ce second texte portait lui aussi "une atteinte à la liber
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© THOMAS SAMSON / AFP/Archives
Les juges constitutionnels ont estimé que ce second texte portait lui aussi "une atteinte à la liberté de communication" qui n'était pas "nécessaire, adaptée et proportionnée"
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Pour la seconde fois en moins d'un an, le Conseil constitutionnel a censuré vendredi le texte de loi réprimant la consultation habituelle de sites jihadistes : pour les "Sages", cette mesure porte une atteinte excessive à la liberté de communication au nom de la lutte antiterroriste.

Le texte portant sur ce nouveau délit avait été censuré une première fois par le Conseil constitutionnel le 10 février, avant d'être rétabli dans la loi 18 jours plus tard par le Parlement dans une version modifiée dans le cadre d'un accord gauche-droite.

L'article incriminé sanctionnait de "deux ans de prison et de 30.000 euros d'amende le fait de consulter de manière habituelle, sans motif légitime, un service de communication au public en ligne faisant l'apologie ou provoquant à la commission d'actes de terrorisme et comportant des images ou représentations d'atteintes volontaires à la vie".

Le but de l'instauration de ce nouveau délit était, sous la présidence de François Hollande, de "prévenir l'endoctrinement d'individus susceptibles de commettre ensuite de tels actes", dans une France confrontée depuis 2015 à une vague d'attentats jihadistes.

Les juges constitutionnels ont estimé que ce second texte portait lui aussi une "atteinte à la liberté de communication" qui n'était pas "nécessaire, adaptée et proportionnée". Sa censure prend effet immédiatement.

"On ne peut que se féliciter que le Conseil ait résisté au législateur, reste une digue qui permet à nos libertés de subsister dans notre État de droit", a déclaré à l'AFP Me Sami Khankan. Il est l'avocat de David Pagerie, l'Angevin soupçonné d'être un islamiste radical à l'origine de la saisine des "Sages" par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

- 'Angle mort' -

"Le Parlement a une responsabilité qui n'est pas de même nature que le Conseil constitutionnel, car nous avons en charge de garantir la sécurité des Français par nos lois", a justifié dans un communiqué le sénateur (LR) Philippe Bas, à l'origine de la nouvelle mouture du texte.

Selon lui, "il y avait un angle mort dans la prévention et la répression du terrorisme" que cet article voulait couvrir. "Au moins 12 personnes ont d'ailleurs été condamnées et 19 poursuivies sur la base de cette incrimination", a-t-il souligné.

Pour contourner la première censure du Conseil constitutionnel, le Parlement avait ajouté des restrictions visant à mieux faire cadrer le nouveau texte avec les exigences de la Loi fondamentale.

"Il était ainsi prévu que l'incrimination devait s'accompagner d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée. La nouvelle loi prévoyait également +qu'un motif légitime pouvait faire obstacle à la constitution de l'infraction+" en citant des exemples d'exemption comme l'information du public ou la recherche scientifique, avait rappelé à l'audience le représentant du Premier ministre, en demandant aux "Sages" de valider le texte.

Mais pour les juges constitutionnels, ces modifications ne changent rien sur le fond.

Sur l'absence de nécessité, les "Sages" rappellent l'arsenal législatif antiterroriste existant, complété récemment avec la loi du 30 octobre.

"Les autorités administratives et judiciaires disposent (...) de nombreuses prérogatives, non seulement pour contrôler les services de communication au public en ligne provoquant au terrorisme ou en faisant l'apologie et pour réprimer les auteurs, mais aussi pour surveiller une personne consultant ces services et pour l'interpeller et la sanctionner lorsque cette consultation s'accompagne d'un comportement révélant une intention terroriste, avant même que ce projet soit entré dans sa phase d'exécution", soulignent-ils.

Sur l'absence "d'adaptation et de proportionnalité" du texte, les juges relèvent que si, "pour tomber sous le coup du délit (...) la consultation doit s'accompagner de la manifestation de l'adhésion à l'idéologie exprimée sur les sites consultés, cette consultation et cette manifestation ne sont pas susceptibles d'établir à elles seules l'existence d'une volonté de commettre des actes terroristes".

Concernant le "motif légitime" de consultation ajouté par les parlementaires, les juges pointent son insuffisance: une "personne adhérant à l'idéologie véhiculée par ces sites" peut en effet en même temps être journaliste ou travailler dans la recherche, cas pourtant exemptés de poursuites par le législateur, font valoir les "Sages".

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