Ricard : la vie en jaune depuis 1932

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AZ
Publié le 26 mars 2015 - 02:30
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Ricard Publicité 1939
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©Darcelys/Photothèque Ricard
Une publicité de 1939.
©Darcelys/Photothèque Ricard
Créé en 1932, le pastis Ricard est aujourd’hui leader mondial des boissons anisées. Le pastis le plus vendu au monde demeure un symbole de réussite où stratégie marketing et innovation se combinent. Derrière ce succès se profile un homme, Paul Ricard.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Depuis la création de Ricard en 1932, plus de deux milliards de bouteilles se sont écoulées dans le monde. Un succès dû à un homme, Paul Ricard, qui s’est lancé dans une quête d’une saveur authentique. 

Né en 1909 à Sainte-Marthe, un quartier de Marseille, le jeune garçon, passionné de chimie et de dessin, s’inscrit aux Beaux-Arts à l’âge de 17 ans. Parallèlement, il accompagne son père, Pierre Ricard, négociant en vins, lors de tournées commerciales. Au contact des clients, l’adolescent se rend compte que le pastis –liqueur anisée apparue depuis peu et dont le nom signifie "mélange" en provençal– ne satisfait pas pleinement les amateurs. 

La recette d’un succès planétaire 

Dans les années 20, Paul Ricard travaille donc dans un laboratoire de fortune où il s’emploie à réaliser la "meilleure recette" du pastis. Pari réussi! Le 7 avril 1932, le jeune prodige détient entre ses mains le secret d’une des grandes réussites du XXe siècle: un volume de pastis à 40°, avec cinq volumes d’eau fraîche. Tout comme Michelin, Citroën, Poulain ou Hermès, Paul Ricard a donné son nom au produit qu’il a inventé et à l’entreprise qu’il a créée. 

Dans l’effervescence, l’ancien élève des Beaux-Arts s’adonne à sa création en dessinant sa première affiche publicitaire et sa première étiquette. Il utilise comme couleurs le bleu, évocatrice de la Méditerranée et de la luminosité du ciel de Provence, et le jaune pour le soleil. Célèbre pour son slogan "Il s’appellera Ricard, le vrai pastis de Marseille", la marque fait rapidement sensation.

Dès 1933, les ventes s’envolent à Marseille. Le phénomène s’amplifie et s’étend dans toute la France. En 1938, la teneur en alcool du pastis change et s’élève à 45°, une véritable aubaine pour ce jeune entrepreneur qui peut désormais dissoudre plus d’essence d’anis afin de donner encore plus de saveur au produit. 

Une ascension freinée 

La Seconde guerre mondiale freine l’expansion de la marque Ricard. Epris d’ordre moral, le régime de Vichy interdit tous les apéritifs s’élevant à plus de 16°, rendus responsables de la défaite. Ambitieux dans l’âme, Paul Ricard a alors d’autres projets. "Puisque nous ne pouvons plus faire de pastis, nous ferons autre chose", promet son créateur tout en clamant: "J’emmerde le maréchal Pétain et son gouvernement". 

Après la fin de la guerre et plusieurs années de revendications, Paul Ricard obtient gain de cause le 24 mai 1951 et peut reprendre ses activités. Mais quelques mois plus tôt, en janvier, une loi toujours plus contraignante, interdit la publicité des anisés, un redoutable handicap pour le développement de la marque. En rivalisant d’ingéniosité, Paul Ricard détourne l’interdiction en usant de sa capacité à faire de la moindre occasion un support de promotion de la marque.

La réussite du jeune entrepreneur s’explique par la mise en place d’un réseau de communication globale. La marque, présente partout, des manifestations sportives comme le Tour de France aux petites fêtes populaires, inonde le pays d’objets publicitaires: brocs, verres, doseurs, carafes, casquettes… Une stratégie marketing efficace puisque le pastis Ricard marque les esprits grâce à ses multiples apparitions. 

La fusion de deux entreprises 

D’un créateur anticonformiste, le pastis Ricard s’inscrit naturellement, aux yeux des Français, dans le patrimoine national. Lorsque que le fondateur de Ricard quitte l’entreprise en 1969, son fils Bernard reprend dans un premier temps les rênes de la société. Mais la concurrence s’avère rude. Son éternel rival, Pernod, connaît lui aussi un grand succès avec son pastis, le "51". Afin de conquérir le marché international et d’en finir avec cette lutte acharnée, les deux gérants respectifs trouvent un accord et décident de fusionner les deux marques: en 1975 naît le groupe Pernod-Ricard.

En 1978, Patrick Ricard, le fils cadet du fondateur de la société historique, prend la tête du nouveau groupe. Connaissant l’importance d’une vision à l’international, il joue la carte de la diversification en proposant de nouveaux produits, notamment Pacific, une boisson anisée sans alcool. Le succès est alors immédiat et permet à la société de célébrer la milliardième bouteille de Ricard en 1984. 

Quatre ans plus tard, l’homme aux mille et une facettes, Paul Ricard, que l’on considérait comme le père de la communication moderne, disparaît. Les médias rendent alors hommage à ce patron social d’avant-garde, cet homme de caractère qui a mené sa barque jusqu’au bout.

Pour se développer, le groupa a racheté au fil des ans des marques de whisky, vodka, cognac, rhum, gin et champagne (Ballantine's, Mumm, Havana Club, Martell, Jameson, Chivas, Absolut, etc.). Aujourd’hui, malgré la crise et la très forte hausse des droits et taxes sur les spiritueux depuis le 1er janvier 2012, la marque n’hésite pas à innover pour rester attractive, s’inspirant toujours de ses fondamentaux, fidèle à sa riche histoire industrielle et publicitaire.

L’innovation comme stratégie

En décidant de changer le design de la bouteille, inchangé depuis ses débuts, la société s’inscrit dans la modernité. Réalisé par l’agence londonienne Coley Porter Bell en 2011, le nouveau design permet à l’entreprise de redynamiser la marque et de se démarquer de ses concurrents en offrant un nouveau socle au Pastis.  

Encore aujourd’hui, l’innovation s’inscrit dans les gènes de Ricard. A l’occasion de la fin d’année 2013, l’entreprise a fait appel à l’artiste Guillaume Leblon, qui a redessiné de manière très visuelle et contemporaine l’étiquette de la bouteille Ricard.

Loin de se reposer sur ses acquis, le groupe Pernod-Ricard, leader des spiritueux en France (et numéro-2 mondial), continue de se renouveler tout en gardant pour base une recette inchangée depuis 1932. 

 

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