Déclin démographique au Japon : à Toyooka, l'inexorable baisse malgré le boom du tourisme
(De notre envoyé spécial) Elle est maintenant sur la carte du tourisme "pointu" pour les visiteurs étrangers au Japon en quête d’authenticité nippone. Pourtant, malgré la hausse conséquente du tourisme, la commune se bat pour ne pas mourir démographiquement. Toyooka, dans la préfecture du Hyôgo, non loin de Kobe voit avec un mélange d’anxiété et de perplexité sa balance touristique s’améliorer à mesure que sa balance démographique, elle, se dégrade.
La cité aurait pourtant de quoi attirer. Loin d’être un village perdu avec ses 82.000 habitants, son style architectural charmant et ses capacités hôtelières et touristiques -grâce à ses sources thermales- potentiellement pourvoyeuses d’emploi, rien n’y fait. Les jeunes tournent le dos à une ville qui pourrait leur offrir travail et cadre de vie.
Selon une estimation de la municipalité, en 2040 il n’y aura plus que 67.000 habitants dans la ville de Toyooka. Un dépeuplement qui amènera son lot d’effets secondaires avec ses logements qui, petit à petit, deviennent vacants faute d’occupants, à mesure que les hôtels, eux, se remplissent. Et pour cause: la popularité de la ville ne se dément pas chez les touristes à la recherche de ce "Japon d’antan" qui fait recette. En dix ans, le nombre de touristes étrangers est passé de 1.200 à 40.000 personnes. Soit 12% de visiteurs en provenance d’un autre pays, une proportion qui est le double du reste du Japon. A tel point qu’il n’est pas rare de croiser dans les rues de Toyooka des Occidentaux portant le yukata, le kimono léger, et déambulant dans une ville où les têtes des locaux blanchissent, elles, de plus en plus.
Lire aussi: Japon: la ville de Kobe, déjà ravagée par un séisme, attend son prochain "big one"
Mais pourquoi la ville se vide-t-elle de ses jeunes alors que l’activité économique y est pourtant florissante? "Le moment où les choses se jouent est celui des études supérieures. Nous n’avons en effet pas de formation universitaire à proposer en ville. Nos jeunes vont donc ailleurs, à Kobe ou plus loin, poursuivre leur formation. Et nous estimons que seulement un sur trois revient dans sa ville natale. Les deux tiers ne retourneront jamais à Toyooka" explique à France-Soir Mikiya Taguchi, le directeur du centre artistique de la ville, construit en 2014 pour essayer de redynamiser la commune en devenant une résidence d’artistes internationale. Les jeunes ne sont donc pas intéressés par la perspective d’occuper l’un des nombreux emplois touristiques haut de gamme d’une ville où l’on trouve, dans son quartier le plus "typique" pas moins de 74 établissements hôteliers sur un rayon de 400 mètres. "Malgré les perspectives d’emploi, pour eux la campagne reste synonyme d’ennui et d’absence de challenge" se désole l'homme qui vient pourtant, lui, de Tokyo et se déclare ravi de sa nouvelle vie.
Autre obstacle: l’attractivité des écoles dans un pays où l’exigence scolaire est importante. La municipalité mise aussi dessus en espérant également insuffler une forme d’attachement à la ville dans le cursus de base. Mettre en valeur "l’importance du pays natal" et "garder la tradition coûte que coûte" font partie du credo d'une ville qui n'hésite pas à prendre des risques urbanistiques pour conserver son caractère atypique en ayant opté pour une reconstruction en bois après avoir été rasée par un séisme en 1925, et alors que Kobe détruite en 1995 par un tremblement de terre majeur est à moins de 100 kilomètres.
Des choix qui représentent surtout une aubaine pour les touristes plutôt que pour les jeunes. D’autant que ceux-ci sont à la fois sollicités par un taux de chômage presque inexistant au niveau national (2,8%) et des politiques pour attirer les "jeunes"… dans pratiquement toutes les zones rurales du pays. Sur les 50 prochaines années, le Japon devrait perdre 40 millions d’habitants. Toyooka, malgré ses atouts, risque de ne pas échapper au raz-de-marée.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.