Justice : à Créteil ou ailleurs, les services asphyxiés par la pénurie de moyens

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 02 juin 2016 - 14:04
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Un palais de justice.
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©Thomas Bresson/Flickr
Le manque de moyens de la justice est tel qu'il y a même "un rationnement de fournitures pourtant essentielles", illustre un syndicaliste.
©Thomas Bresson/Flickr
Entre sous-effectifs et manque de moyens la justice française est asphyxiée, dénoncent les acteurs du secteur et les politiques de tous bords. Une situation difficilement tenable et qui a un impact direct sur les justiciables.

Manque de moyens, sous-effectifs chroniques, problèmes de matériel... Au tribunal de Créteil, comme dans nombre de juridictions, la justice "ne va pas bien": une situation difficile à vivre pour les magistrats, et qui a des incidences très concrètes pour les justiciables.

Pour souligner "l'urgence" de renforcer les moyens de la justice, les présidents des commissions des Lois de l'Assemblée et du Sénat, respectivement PS et LR, ont choisi le TGI de Créteil en banlieue parisienne pour effectuer un déplacement conjoint ce jeudi 2, une initiative inédite.

Convaincus que "la pénurie des moyens des juridictions ne leur permet plus de fonctionner correctement" et "nuit aux justiciables et à l'efficacité de la politique pénale", le député de Loire-Atlantique Dominique Raimbourg et le sénateur de la Manche Philippe Bas jugent "nécessaire que les pouvoirs publics en prennent acte et en tirent les conséquences".

"Cela fait maintenant trois ans que je suis à Créteil et je n'ai connu quasiment que des situations problématiques", raconte Matthieu Bonduelle, juge d'instruction au tribunal de Créteil, également représentant du Syndicat de la magistrature.

"A chaque assemblée générale, on fait le constat qu'il y a des postes vacants. Il y a un ras-le-bol très fort", ajoute-t-il. "Créteil ne va pas bien".

"C'est une juridiction qui tourne difficilement", renchérit Martine Motard, greffière à Créteil et représentante CGT.

Si ce manque de moyens récurrent a d'importantes conséquences sur le moral des troupes, il a aussi de réelles répercussions sur la qualité de la justice rendue, à la fois pour les victimes et les prévenus.

"Les délais de traitement ne sont pas satisfaisants. Entre la fin de l'instruction et la date de l'audience, il peut s'écouler parfois deux ans. Le dossier perd alors beaucoup de son sens", poursuit Matthieu Bonduelle.

"Mais cela nuit aussi à la qualité du travail. Quand vous partez de chez vous à 8h, que vous rentrez à 20h, et que vous bossez de chez vous le soir et les week-ends, ça commence à faire beaucoup. On n'est pas dans les meilleures conditions pour peser le pour et le contre, ce qui est quand même le cœur de notre métier", regrette-t-il.

Dans une zone particulièrement dense, très urbaine avec une population précarisée et une économie souterraine importante, le parquet de Créteil a reçu en 2015 plus de 46.000 procédures, un chiffre en hausse de près 8% par rapport à l'année précédente.

En début d'année, la procureure de Créteil Nathalie Bécache avait demandé "des retombées concrètes" en termes d'effectifs et d'équipement. Les "procureurs de la République" de France "ne veulent plus de mots, mais des actes", avait-elle souligné.

Car le manque de moyens à Créteil reflète la situation tout aussi difficile de beaucoup d'autres juridictions. En février, magistrats, avocats et fonctionnaires du tribunal de Bobigny avaient par exemple lancé un appel au gouvernement pour qu'il ne les laisse pas "couler".

Et cette pénurie se traduit également par des tracas qui compliquent encore la vie des agents: manque de papiers, de stylo ou d'agrafeuses, matériel informatique inadapté...

"Il y a un rationnement de fournitures pourtant essentielles, des imprimantes qui dysfonctionnent à longueur de temps, des problèmes avec l'intranet", soupire Cyril Pappon, secrétaire régional CGT. "Cela crée pour les collègues de l'énervement, des crispations. On n'est pas vraiment dans la sérénité de la justice".

Mi-avril, le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, avait lui-même évoqué une justice "en voie de clochardisation" avant d'annoncer le déblocage de 107 millions au profit des juridictions.

Outre les aspects financiers, le garde des Sceaux promet de désengorger les tribunaux avec le grand projet de loi "Justice au XXIe siècle", qui prévoit le divorce sans juge, des sanctions sans passage devant le magistrat pour certains délits routiers sévères, ou une simplification du traitement judiciaire du surendettement.

 

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