Lioudmila Alexeeva : la lutte pour les droits de l'homme de Brejnev à Poutine

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Par AFP - Moscou
Publié le 08 décembre 2018 - 20:27
Mis à jour le 09 décembre 2018 - 09:58
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Lioudmila Alexeeva, 91 ans, qui est décédée samedi soir dans un hôpital à Moscou après une longue maladie, a été un vrai symbole de la résistance: dissidente dans les années 60 en URSS, elle a continué sans relâche à défendre les droits de l'homme dans la Russie de Vladimir Poutine.

Son engagement pour les droits de l'homme commence en 1966 en Union soviétique, quand elle participe à la campagne lancée par des dissidents pour la défense de deux écrivains, Iouli Daniel et Andreï Siniavski, condamnés à plusieurs années de camp pour avoir fait publier leurs oeuvres à l'étranger.

"A l'époque, nous ne nous considérions pas comme des héros mais comme des membres de l'intelligentsia, des gens qui ne vivent pas pour gagner de l'argent, mais qui ont un but élevé dans la vie", avait déclaré Lioudmila Alexeeva dans une interview à l'AFP en 2013.

Lioudmila est alors très active dans le samizdat (fabrication et diffusion de publications interdites généralement tapées à la machine à écrire) mais son engagement ne s'arrête pas là.

"Elle a été l'une des premières à organiser l'aide matérielle aux prisonniers politiques. Elle a été un collaborateur des plus actifs du Fonds Soljenitsyne", selon le témoignage du dissident Alexandre Guinzbourg, responsable de ce Fonds d'aide aux détenus politiques jusqu'à son arrestation.

L'un des titres de gloire de Lioudmila Alexeeva est d'avoir été l'un des premiers animateurs de la Chronique des événements en cours, la principale publication clandestine de la dissidence qui a recensé pendant une quinzaine d'années les violations des droits de l'Homme en URSS.

En 1976, elle devient l'un des fondateurs du Groupe Helsinki de Moscou, dont les membres seront au fil des années arrêtés et lourdement condamnés ou contraints à l'exil.

- 'pont entre le passé et le présent' -

Après plusieurs perquisitions, des interrogatoires au KGB et une mise en garde officielle, l'agence TASS l'accuse en 1977 d'être "un agent au service de l'étranger": menacée d'une arrestation imminente, Lioudmila Alexeeva est contrainte à l'exil par les autorités et quitte l'URSS pour les Etats-Unis.

En exil, elle continue à défendre les opposants soviétiques et écrit une histoire de la dissidence qui fait autorité encore aujourd'hui. Elle ne revient à Moscou qu'en 1993, après la chute de l'URSS.

"Lioudmila est un pont entre le passé et le présent. Elle fait le lien entre la défense des droits de l'homme d'aujourd'hui et l'action des dissidents", dit son ami Alexandre Daniel, fils de l'écrivain Iouli Daniel.

"La Russie a cessé d'être un pays libre et nous devons apprendre à défendre nos droits dans une situation d'absence de liberté", déclarait Lioudmila Alexeeva en 2005, alors que Vladimir Poutine venait d'entamer son deuxième mandat de président.

Ces dernières années, la vieille dame a été de toutes les batailles, aussi bien pour faire la vérité sur la mort suspecte en prison du juriste Sergueï Magnitski que pour dénoncer le procès de l'ex-oligarque et critique du Kremlin Mikhaïl Khodorkovski, affirmant que "dans cette affaire, tout se fait non pas selon la loi, mais selon des directives qui viennent d'en haut".

Mme Alexeeva a par ailleurs contribué à révéler les exactions des forces de sécurité en Tchétchénie et dans d'autres régions instables du Caucase russe et à dénoncer l'inhumanité des conditions de détention dans les prisons et les camps en Russie.

En 2009, elle avait reçu à Strasbourg, avec des responsables de l'ONG russe de défense des droits de l'homme Memorial le Prix Sakharov, distinction que le Parlement européen décerne à des défenseurs de la liberté de pensée dans le monde.

Une distinction méritée pour celle qui a été par ailleurs une proche de l'académicien dissident et prix Nobel de la paix Andreï Sakharov.

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