Salaire des patrons : l'Assemblée rend contraignant le vote des actionnaires

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 10 juin 2016 - 09:33
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Michel Sapin.
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"Nous franchissons un pas qui est considérable", a estimé le ministre des Finances, Michel Sapin.
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L'Assemblée nationale a étudié dans la nuit de jeudi à ce vendredi le projet de loi Sapin II. Concernant le salaire des patrons, les députés ont rendu contraignante la prise en compte du vote des actionnaires afin d'éviter les dérives. Si le ministre des Finances Michel Sapin a vanté un "pas considérable", une partie de la gauche trouve ça encore insuffisant.

L'Assemblée nationale a posé un premier jalon pour éviter les dérives en matière de salaires des grands patrons, vanté comme "un pas considérable" par le gouvernement, mais qui ne répond pas aux attentes d'une partie de la gauche d'un véritable encadrement. A l'approche de la présidentielle et face aux récentes polémiques sur les rémunérations de Carlos Ghosn (Renault) et Carlos Tavares (PSA), les députés ont rendu contraignante la prise en compte du vote des actionnaires sur les rémunérations versées aux dirigeants, en achevant l'examen dans la nuit de jeudi 9 à ce vendredi 10 du projet de loi "Sapin II".

"Nous franchissons un pas qui est considérable", a estimé le ministre des Finances, Michel Sapin, appelant à acter "le progrès" qui est fait avec l'adoption de cette disposition qui avait été introduite en commission à l’initiative du rapporteur Sébastien Denaja (PS). Mais le "frondeur" socialiste Pascal Cherki a aussitôt ironisé en disant lui aussi approuver "le pas de géant que nous venons de faire", qui est "d'approuver finalement le communiqué de presse (des organisations patronales) Afep et Medef qui proposait tout simplement qu'un vote négatif des actionnaires contraindrait le conseil d'administration" à statuer sur la rémunération (sans aller jusqu'à rendre leur décision contraignante). Il a estimé que ce vote contraignant des actionnaires n'aurait "pas d'effet", soulignant qu'un vote négatif, comme celui concernant la rémunération de 7,251 millions d'euros de Carlos Ghosn pour 2015, sur lequel le conseil d'administration était passé outre, est très rare.

La question du salaire des patrons revient régulièrement sur le devant de la scène en France, mais François Hollande, dont l'"adversaire" désigné lors du discours de campagne du Bourget en 2012 était "le monde de la finance", avait jusqu'ici privilégié l'auto-régulation. Récemment, des personnalités de gauche, dont le Premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, mais aussi des intellectuels et des syndicalistes, avaient lancé un "appel des 40 au CAC 40", afin qu'"un patron ne puisse pas être rémunéré plus de 100 Smic". Selon M. Cherki, en 2014, la rémunération des PDG du CAC 40 a augmenté de 6%, là où le SMIC, qui a été revu à la hausse de 68 euros en 4 ans, a augmenté de 1,1%.

Des députés PS et du Front de gauche ont tenté en vain dans l'hémicycle de faire voter un encadrement des écarts de rémunération au sein des entreprises (allant de 1 à 20 à 1 à 100). L'élue du Front de gauche Huguette Bello a notamment souligné que les Français ne comprendraient pas que ne soient adoptés que "des changements cosmétiques". Mais leurs tentatives ont été repoussées, le rapporteur Sébastien Denaja (PS) faisant état d'obstacles constitutionnels. Karine Berger (PS) a aussi défendu en vain un mécanisme approuvé par 75 députés socialistes pour réguler l'évolution des salaires des dirigeants. Elle a accusé Michel Sapin, d'avoir clairement montré dans l'hémicycle son "désaccord sur le fond sur la limitation du salaire du patronat et du CAC 40", celui-ci levant les yeux au ciel. Dans un hémicycle peu garni à des heures avancées, la droite, qui à l'unisson du Medef redoute une moindre "attractivité" de la France, est restée plutôt discrète sur le sujet.

Comme au Royaume-Uni, en Allemagne, en Suisse ou aux Pays-Bas, et comme envisagé par une directive européenne à l'horizon 2018, la disposition adoptée vise à rendre "souveraine" la décision de l'AG des actionnaires. Elle s'inspire de la procédure de "say on pay", appliquée depuis 2013 par la plupart des grandes entreprises, conformément au code Afep-Medef, mais en la rendant contraignante. Seront concernés par le vote de l'AG les "éléments de rémunération d'activité" et "avantages de toute nature liés à l'activité" des présidents, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués. Les députés ont ajouté la mise en oeuvre d'une procédure de vérification "ex post", c'est à dire a posteriori, "des montants à verser au titre des éléments de rémunération variables, exceptionnels, ou reflétant la performance". Le vote solennel sur l'ensemble du projet de loi aura lieu mardi 14.

 

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